Par Jean-Yves Le Gallou, président de la Fondation Polémia ♦ La présidentielle s’annonce explosive à droite. La candidature presque certaine d’Éric Zemmour affole les politiciens professionnels qui observent avec effarement l’ascension inexorable de ce phénomène politique. Un sondage paru aujourd’hui signe d’ailleurs l’un des tournants majeurs de cette pré-campagne : Éric Zemmour y est crédité de 17 à 18 % des voix au premier tour, lui permettant de dépasser Marine Le Pen et Xavier Bertrand et donc d’accéder au second tour ! Et face à Emmanuel Macron au second tour, il arriverait à réunir 45 % des voix !
Si ce sondage est évidemment à prendre avec prudence, la dynamique Éric Zemmour est bel et bien là.
Dans le texte ci-dessous, Jean-Yves Le Gallou revient sur un élément essentiel permettant d’expliquer cette incroyable percée d’Éric Zemmour : son attitude face à la diabolisation.
Quand Marine Le Pen a hérité du Front national, elle y a trouvé un pactole électoral. Mais aussi la diabolisation. Elle avait le choix de l’affronter ou de s’y soumettre.
Elle a choisi la stratégie de la « dédiabolisation ».
Marine Le Pen sur le toboggan
Pour cela, elle a commencé par se distancier de certains propos de son père – jugés pas toujours bienvenus et encore moins bien interprétés – puis elle a l’a exclu du parti.
Comme cela lui a paru ne pas suffire et que ses contradicteurs lui demandaient des gages supplémentaires, elle a entrepris de lisser ses propos sur tous les sujets, y compris et surtout sur l’immigration.
Ainsi elle n’a cessé de nier farouchement l’existence d’un quelconque « Grand Remplacement » et elle a jugé l’islam parfaitement compatible avec la République.
C’est ainsi qu’oublieux de défendre la laïcité, son premier lieutenant Jordan Bardella s’est incliné respectueusement devant une assesseur voilée pour signer un cahier d’émargement lors des dernières élections régionales. Pour la plus grande satisfaction des islamistes qui avaient monté ce piège médiatique !
Quant à Philippe Olivier, beau-frère et mentor de Marine Le Pen, il a déclaré au Monde (le 26 février 2021) que si sa candidate était élue, elle ne remettrait pas en cause les pouvoirs des juges, du Conseil constitutionnel, du Conseil d’État, de la Cour européenne des droits de l’homme… ce qui revenait à dire qu’elle ne ferait rien !
Et en même temps, Marine Le Pen s’est tenue prudemment à l’écart de tous les mouvements sociaux, au risque de décevoir tous ceux qui y participaient : pas de soutien à la Manif pour tous, ni aux gilets jaunes, pas plus qu’aux anti-passe sanitaire.
Sa devise peut être ainsi résumée : lisser, lisser vous dis-je.
Plus grave encore, Marine Le Pen a cru – naïvement peut être, stupidement certainement – qu’elle se dédiaboliserait en procédant à une chasse aux sorcières dans ses propres rangs.
À chaque élection, des officines d’extrême gauche s’amusent à traquer sur Facebook le moindre propos un peu polémique ou taquin de ses candidats. Et à la première alerte, ils sont lâchés.
Marine Le Pen croit ainsi se dédiaboliser en dénonçant « l’extrême droite » dans ses rangs ou à sa périphérie. Sans voir qu’elle-même étant assimilée à cette terrifiante « extrême droite », elle participe à sa propre diabolisation en diabolisant ses proches et ses voisins. La stratégie qui consiste à hurler avec les loups n’est jamais gagnante. Pas plus que celle consistant à livrer ses voisins à la répression comme elle l’a fait en interdisant à ses élus de participer à la manifestation de soutien à Génération Identitaire, mouvement scandaleusement dissout par le gouvernement.
Au final, dix ans après son accession à la tête du Front national (rebaptisé par antiphrase « Rassemblement »), le bilan de Marine Le Pen est terrible : elle a vidé les idées, vidé les cadres (75 % des élus régionaux ont été éliminés en juin 2021), vidé les caisses et pour finir vidé les urnes.
Notons que ce dernier point est bien antérieur à l’arrivée d’Éric Zemmour sur le marché électoral : le RN a chuté aux municipales de mars 2020 ainsi qu’aux départementales et aux régionales de juin 2021…
Pour une raison simple : à force d’avoir mis de l’eau dans son encre, Marine Le Pen n’imprime plus.
Zemmour prend l’ascenseur
Le parcours d’Éric Zemmour est rigoureusement inverse. Pendant que Marine s’affadissait chaque jour davantage, lui tenait des propos de plus en plus carrés.
Je me souviens l’avoir rencontré en 2008/2009 pour lui parler alors d’une candidature aux élections européennes de juin 2009.
L’idée lui avait paru à l’époque peu intéressante, sinon saugrenue… J’avais alors souligné auprès de lui le risque pour sa carrière médiatique d’une diabolisation croissante. De fait, il a connu depuis quelques déboires au Figaro, à I-Télé, sur France 2 et à RTL. Mais sa réponse à ma mise en garde avait été cash, très cash : « Je peux dire des choses que vous ne pouvez pas dire. Je dois les dire et je les dirai. »
Le moins qu’on puisse dire est qu’il a effectivement tenu parole !
Il a bousculé le politiquement correct tous azimuts, sur l’identité, l’immigration, le féminisme, l’historiquement correct, les délires écologiques et sociétaux. Et surtout il n’a jamais plié : devant aucun lobby, qu’il soit « anti-raciste », LGBTQ, féministe, ou étranger. Pas davantage devant les juges (sa seule erreur fut de ne pas faire appel de sa première condamnation).
Il applique avec constance la devise de la reine d’Angleterre et de la monarchie britannique : « Never explain, never complain ». Ce qui lui donne une force incroyable.
Éric Zemmour ne se laisse pas neutraliser et aborde de front tous les sujets : le Grand Remplacement, la dictature des juges, la délinquance immigrée, la fraude sociale, les excès de l’État providence, les délires des foldingos – écolos ou LGBTQ –, le nucléaire, les éoliennes…
Ce n’est peut-être pas encore un programme mais, déjà beaucoup plus qu’un diagnostic, c’est un projet : rendre sa place à la France et leur fierté aux Français.
Éric Zemmour évite aussi la pasteurisation qui vide les salles et plombe l’audimat des émissions de télévision. Il évite la posture défensive et la perte de temps qu’elle engendre.
Il préfère la contre-attaque affirmant froidement aux journalistes qu’il « se fout de la diabolisation ». Ce qui lui donne une force incroyable car c’est d’abord en s’implantant dans la tête du « diabolisé » que le virus de la diabolisation gagne la partie.
Bien sûr, la bataille électorale n’est pas encore gagnée. Elle ne fait que commencer.
Certains se rassurent en évoquant la chute du troisième homme de 2002, Jean-Pierre Chevènement. Mais son créneau électoral – la souveraineté sans l’identité – était étroit.
Le positionnement d’Éric Zemmour aujourd’hui fait davantage penser à celui de Sarkozy en 2007, la sincérité en plus.
Un discours fort et clivant réduisant l’espace centriste à 18 % (Bayrou) et celui du Front national à 10 % (Jean-Marie Le Pen qui avait alors comme « conseiller stratégique » une certaine Marine…).
À l’époque Sarkozy avait rassemblé près de 32 % des suffrages, c’est sans doute le potentiel électoral d’Éric Zemmour aujourd’hui.
Un potentiel qu’il devra aller chercher avec les dents. Car si Éric Zemmour s’installe en position de challenger de Macron, les relais médiatiques de la Macronie se déchaineront et tous les coups (bas si possibles) seront permis contre lui. En politique il faut savoir encaisser ! Éric Zemmour devra encaisser et ses soutiens aussi.
Il a largement montré qu’il avait la capacité d’encaisser sans plier, ce qui est l’essentiel. Quant à ses soutiens ils devront affronter la rumeur des batailles. Les meilleurs sauront eux aussi faire face !
Pour une fois, les élections présidentielles promettent d’être passionnantes. Et c’est à droite que les grands enjeux se posent.
> Jean-Yves Le Gallou préside la Fondation Polémia.
1 Comment
Comments are closed.