À la fin des années 1970, la Grande-Bretagne est considérée à juste titre comme “l’homme malade” de l’Europe.
Tous les clignotants économiques sont passés au rouge vif au cours des années 1970 :
– Le pourcentage d’augmentation annuelle des prix est à deux chiffres (26% en 1975).
– La croissance est nulle.
– Le nombre de chômeurs passe la barre du million en 1972, puis celle du million et demi en 1976.
– Les dépenses publiques atteignent 60% du PIB en 1975.
– Les grèves se multiplient et des millions de journées de travail sont perdues chaque année.
Comment la Grande-Bretagne en est-elle arrivée là ?
Dans les années d’après-guerre, le Parti travailliste, par idéologie, met en œuvre le socialisme.
Les principaux secteurs économiques sont nationalisés : Banque d’Angleterre, mines, aviation civile, téléphone, chemins de fer, électricité, sidérurgie.
La santé est étatisée (NHS).
L’État finance, à parts égales avec les employeurs et les employés, les assurances maladie, chômage et invalidité, les allocations sociales, les pensions de retraite.
Des centaines de milliers de logements sont construits par l’État et mis en location à petits prix.
Pour financer cette politique coûteuse, il recourt bien entendu à l’imposition des hauts revenus, des successions, du capital, etc. Comme cela ne suffit pas, il recourt à l’emprunt pour combler les déficits…
Pendant 25 ans, cette politique n’est pratiquement pas remise en cause par les gouvernements successifs, qu’ils soient travaillistes ou conservateurs. Et les prélèvements obligatoires atteignent 48% du PIB en 1975 …
Toute ressemblance avec la situation actuelle d’autres pays européens serait purement fortuite…
En tout cas, c’est dans ce contexte que Margaret Thatcher, Maggie, est d’abord élue chef du parti conservateur le 11 février 1975, puis nommée Premier ministre le 4 mai 1979. Une femme – et quelle femme ! – est choisie comme remède à “l’homme malade” de l’Europe…
En octobre 1975, au congrès du parti conservateur à Blackpool, elle prononce un discours où se trouve exprimée sa vision des choses, qui revient à restaurer les droits de propriété au sens large et à réduire le périmètre de l’État:
“Permettez-moi de vous exprimer ma vision : le droit d’un homme de travailler quand il veut, de dépenser ce qu’il gagne, d’être propriétaire, de considérer l’État comme un serviteur et non comme un maître sont notre héritage.”
Une fois au pouvoir, comme Maggie & Co ne peuvent pas immédiatement réduire les dépenses publiques, seulement les maîtriser, pour réduire le déficit, ils augmentent dans un premier temps les impôts indirects et baissent les impôts directs. Le contrôle des changes est progressivement supprimé. Ce qui est pourtant contradictoire avec leur volonté de contrôler la masse monétaire…
Les résultats ne sont au rendez-vous qu’au bout de 18 mois. C’est long. Et c’est court.
La production industrielle repart après avoir baissé fortement (-17%). Les hausses de prix finissent par être moindres. Le chômage baisse enfin à son tour, après avoir augmenté fortement, mais seulement au bout de sept ans. Ce qui est le douloureux prix à payer pour avoir vécu au-dessus de ses moyens et tué l’initiative individuelle.
Peu à peu Maggie & Co réduisent le rôle des syndicats, favorisent la liberté contractuelle aux dépens des négociations collectives. Leur victoire dans le bras de fer qui les oppose au syndicat des mineurs est décisive dans la réduction de l’influence des syndicats d’une manière générale.
Les privatisations qu’ils effectuent, après assainissement des entreprises publiques, sont dans l’ensemble des réussites (celle, calamiteuse, des chemins de fer a été faite par John Major…).
Les prélèvements obligatoires baissent significativement. Si l’État-providence n’est pas démantelé (le NHS et les dépenses sociales représentent toujours 33% du PIB, comme du temps des travaillistes), sous son mandat les quatre derniers budgets annuels sont excédentaires.
Enfin les propriétaires de leur logement passent de 51 à 68% en dix ans.
Maggie & Co, issus du système, ont été la solution à la pire des situations. Leur pragmatisme a eu raison des dogmatismes. Ce qui ne satisfera pas les purs et durs, de quel que bord qu’ils soient, qui s’obstinent dans leur pureté et n’obtiennent pas de résultats…
Certes Maggie & Co n’ont pas tout réussi, loin de là, d’autant que la solution par le système est un travail de Sisyphe : il faut remettre indéfiniment l’ouvrage sur le métier…
Mais une chose a changé de manière plus pérenne, en dépit des nouvelles vicissitudes que connaissent les Britanniques, c’est leur mentalité. L’esprit d’entreprise et les droits de propriété ont retrouvé leur place. Dans leur imaginaire et dans la réalité, l’État n’est plus ce qu’il était…
Maggie n’avait-elle pas dit lors d’un congrès de son parti : “La méthode, c’est l’économie. L’objectif, c’est l’âme.” ?
> le blog de Francis Richard
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