Comme en 2012 à Paray-le-Monial, j’ai participé à la rencontre de Chrétiens engagés en politique à l’invitation de Jean-François Debiol. Nous nous sommes retrouvés dans un lieu au symbolisme puissant, à Carnac. Précisément, la réunion s’est tenue aux « Menhirs »comme si nous souhaitions témoigner de la solidité de notre foi et de l’engagement qu’elle entraîne. Ce n’est pas un druide qui nous a reçus, mais le Curé de la paroisse, qui n’est autre que le Père Yannick Bonnet, chrétien de roc, défenseur inlassable de la liberté de l’enseignement, et qui préside dans ce but l’Association Education Solidarité. Celle-ci milite pour la reconnaissance par l’Etat français du droit fondamental pour les parents de choisir l’éducation de leurs enfants. Cette responsabilité parentale, inscrite dans la Convention Européenne des Droits de l’Homme, doit pouvoir s’exercer en faisant appel à des écoles hors contrat, afin de permettre aux enfants de recevoir une éducation religieuse et morale conforme aux souhaits des familles et d’échapper aussi bien aux dérives des programmes qu’aux errements des méthodes pédagogiques dominantes.
On pourrait ici renvoyer dos à dos deux conceptions qui mettent en avant la liberté dans l’éducation. La première est celle qu’exprimait le précédent Ministre, Vincent Peillon, en fixant comme but à l’école d’arracher l’enfant à tous les déterminismes. La seconde est celle qui consiste à penser qu’un homme libre est celui qui aura construit sa personnalité sur la transmission de valeurs qui le rendront résistant au déterminisme des modes. La page blanche est-elle libre ou au contraire sans défense contre l’idéologie promue par les médias ou par l’Etat ? L’homme chez qui on a effacé les stéréotypes qui sont les fondements de sa culture sera prêt à accueillir sans réticence les idées les plus stupides. A force de vouloir gommer, par exemple, au nom de l’égalité les modèles fondamentaux dans toutes les civilisations de la différence entre l’homme et la femme, on en arrive à rendre possible la réceptivité à l’ineptie de la prétendue « théorie du genre ». Mais, bien sûr, l’enseignement ne doit pas non plus être la répétition de préjugés de génération en génération. Dans ce domaine, comme en bien d’autres, la philosophie catholique offre un équilibre qui inspire les propos du Père Bonnet, pour qui la complémentarité entre la Foi et la Raison, chère à Benoît XXVI, est cruciale.
Cet homme a été marié. Il est père de sept enfants. Polytechnicien, ingénieur chimiste, il a tour à tour travaillé dans une très grande entreprise, dirigé une école d’ingénieurs et été chef d’entreprise. C’est après la disparition de son épouse qu’il a choisi la prêtrise. Un scientifique animé par la foi, un prêtre qui a fondé une famille et exercé une profession, est convaincant lorsqu’il parle de la vie et de la manière d’y préparer les enfants. Que la nature ait ses lois, que la réalité dans laquelle on vit soit d’abord un héritage, cela n’empêche nullement l’homme doué de raison d’user de son libre-arbitre. L’homme enraciné n’est pas moins libre que le voyageur sans bagage. Il est plus solide et par la-même, plus autonome. Yannick Bonnet a rencontré Marthe Robin en 1973. Le message qu’elle lui a délivré pourrait résumer l’état d’esprit des participants à notre séminaire. « Pour que la France, fille aînée de l’Eglise se redresse spirituellement, il faut qu’elle touche le fond ». La plupart des intervenants ont constaté que la condition ainsi posée est aujourd’hui quasiment réalisée. Notre pays additionne tous les risques : les performances économiques et sociales sont désespérément mauvaises ; le paysage politique offre le face-à-face désolant d’un pouvoir et d’une opposition incapables de susciter la confiance ; les idées véhiculées par l’idéologie associée à la mondialisation, l’individualisme, le relativisme minent les fondements de nos sociétés, les communautés naturelles, la famille, la nation, qui en sont les piliers ; la culture de mort progresse avec des réformes sociétales qui semblent vouloir masquer le manque le courage nécessaire pour réaliser des réformes structurelles indispensables ; l’avortement comme liberté et non plus comme réponse à la détresse, l’euthanasie bientôt, révulsent l’humanisme chrétien.
Et pourtant, pour un Chrétien, le désespoir est impossible. Le pessimisme lucide et l’espérance guident l’action. Beaucoup des présents à notre colloque ont participé aux manifestations qui répondaient à la loi imposant la dénaturation du mariage. L’énergie déployée à cette occasion ne va-t-elle pas se tarir ? Beaucoup d’idées ont été lancées. Pour ma part, j’ai proposé qu’en l’absence d’homme providentiel, dans le marasme de nos institutions, et le naufrage des partis politiques, les Chrétiens au lieu de s’enfermer dans certains débats s’engagent pour réanimer la démocratie. Puisque le peuple n’est plus entendu, qu’il a été ignoré lorsqu’il manifestait ou qu’il pétitionnait, alors il faut qu’il exige qu’on le consulte régulièrement par le biais de référendums d’initiative populaire. Ce devrait être le but des prochaines marches jusqu’à ce que cette démarche apparaisse à tous comme une demande évidente et légitime.
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