Erdogan prend l’Europe de haut

Erdogan prend l’Europe de haut

Le nouveau sultan islamiste d’Ankara n’est pas content. Les députés allemands ont osé reconnaître le génocide des Arméniens commis par les Turcs en 1915. C’est pour lui un crime de lèse-majesté inacceptable à l’encontre de la grande Turquie : l’Ambassadeur à Berlin est rappelé, une menace de suspension pèse sur l’accord organisant le retour en Turquie des migrants parvenus en Grèce. Par ailleurs, M. Erdogan s’agace des lenteurs de la mise en pratique de la liberté de circuler en Europe de ressortissants turcs. Avec un rare toupet, il avait aussi, dernièrement, osé dénoncer la répression policière en France. Le Président « néo-ottoman » prend l’Europe de haut et n’hésite pas à user de provocations.

Le plus étonnant dans cette affaire, c’est la molle timidité des Européens. Etait-il nécessaire de réunir 27 pays et parmi eux, certaines des plus grandes puissances économiques ou militaires du globe pour se faire donner des leçons par l’autocrate d’Ankara ? Il n’est pas question pour lui que des étrangers jettent une ombre sur le Pays. Or ce pays dont Erdogan est si fier n’est ce qu’il est qu’en raison de la politique d’épuration ethnique qu’il se refuse de reconnaître, malgré son évidence. L’Anatolie qui correspond à la plus grande partie de la Turquie est musulmane à 98%. A la fin du XIXe siècle, un tiers de sa population était formé de chrétiens, avec Trois millions d’Arméniens à l’Est, du Caucase à la Cilicie, avec 2,5 millions de Grecs le long des côtes, autour de Smyrne et dans le Pont, avec les Assyro-Chaldéens aussi. Entre 1894 et 1916, en trois vagues, les Arméniens ont été massacrés ou contraints à l’exil : Abdul-Hamid II en fait assassiner 250 000 entre 1994 et 1896. En 1909, les Jeunes Turcs déçoivent les espérances des Chrétiens : à nouveau des Arméniens sont tués en Cilicie. Enfin, l’Empire Ottoman, sous le regard complice des Allemands fait payer aux Arméniens ses défaites face aux Russes. Cette fois, c’est le génocide : 1,5 millions de morts et la quasi totalité de la communauté contrainte à l’exil. Les Assyro-Chaldéens, chrétiens des origines, étaient plus d’un million dans le Sud-Est de l’Anatolie. Ils furent eux aussi victimes des massacres hamidiens, puis du génocide de 1915. Beaucoup se réfugièrent en Irak actuel où leur calvaire continua jusqu’à aujourd’hui-même. On estime à 750 000 leurs morts en 1915-1916. Quant aux Grecs, lâchés notamment par la France, eux qui rêvaient de replacer une grande partie de l’Anatolie et peut-être Constantinople sous l’autorité hellène, ils ont été battus en 1922 par l’armée kémaliste. 1 300 000 Grecs on dû fuir alors que les Grecs étaient installés dans l’Ouest de la Turquie actuelle depuis l’antiquité. Ils subirent également durant la guerre puis lors de la contre-offensive turque de nombreuses tueries. Alors que M. Erdogan s’inquiète des projets d’indépendance de la dernière minorité, musulmane, celle-là, les Kurdes, et de leurs succès en Syrie et en Irak où ils détiennent des régions autonomes, on comprend qu’il ne veuille pas trop se souvenir que la Turquie d’il y a plus d’un siècle n’était pas si turque que cela. Pourtant entre son nationalisme ombrageux et celui des Jeune Turcs, il y a une continuité certaine.

La Turquie a toujours beaucoup de mal avec les minorités et encore plus de mal à considérer les autres peuples sur un pied d’égalité. Il faut se souvenir que les Turcs occupent un tiers de Chypre depuis 1974. Ils en ont expulsé la majorité grecque (70%)et pratiquent une politique de colonisation. 93 000 colons sont venus d’Asie Mineure, faisant passe les Turcs de 18% à 22% de la population sur la totalité del’ïle. Un Etat fantoche y a été proclamé. L’Europe négocie donc, toute honte bue, avec un Etat qui occupe illégalement, par la force, le territoire d’un membre de l’Union Européenne, puisque Chypre y a adhéré en 2004. La résolution 541 de l’ONU a dénoncé cette situation et l’Europe s’abaisse à acheter la bonne volonté de ce pays avec des milliards d’Euros pour éviter qu’il ne laisse passer les flots de migrants sur notre continent. De Gaulle voulait une Europe des Etats-Nations qui soit une puissance, capable d’équilibrer les deux super-puissance de l’époque, l’URSS et les USA. Après s’être élargie et mise en marche vers le fédéralisme, l’Europe en est à se soumettre au chantage turc, alors que le pouvoir d’Ankara est le principal responsable de la guerre civile chez son voisin syrien où il a aidé et aide encore les groupes armés qui s’opposent à l’armée régulière.

Cette prétention du Président turc à dicter leur conduite aux parlementaires allemands nous offre deux leçons : d’abord elle nous apprend l’échec magistral de l’Europe. Plus il y a de membres, moins elle pèse dans la politique mondiale. En revanche, la part que prend l’Allemagne dans les décisions est de plus en plus grande, et cela ramène l’Europe au niveau politique de la République Fédérale, fidèle vassal de l’Amérique, prêt à tout pour faire oublier ses fautes passées. Mme Merkel n’a d’ailleurs pas voté la résolution sur le génocide, rédigée par un député écologiste… d’origine turque. L’attitude des trois millions de Turcs installés en Allemagne l’emporte dans cette tranquille démocratie sur les rapports de forces qui jouent nécessairement dans la politique internationale. Lorsque ce rapport de forces s’inverse, les colonisateurs deviennent comme le disait Poutine, les colonies de leurs colonies. C’est la seconde leçon : même si le mot est impropre pour l’Allemagne et la Turquie, on voit bien qui est aujourd’hui le maître, et c’est inacceptable.

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4 Comments

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  • Gauvin , 7 juin 2016 @ 10 h 41 min

    Sainte-Sophie de Constantinople sera transformée en mosquée pendant 30 jours

    Le 6 Juin 2016

    “Le Coran sera entendu à l’intérieur de Sainte-Sophie de Constantinople pendant la durée du ramadan. Il s’agit là d’une décision provocatrice de la chaîne TV de l’État turc TRT Diyanet. Selon l’information publiée par le journal turc Daily Sabah, la chaîne d’État turque retransmettra depuis Sainte-Sophie le programme « sahur », c’est-à-dire la prière matinale avant le jeûne. La transformation de Sainte-Sophie en mosquée durera trente jours, du 6 juin jusqu’au 7 juillet. Cette transformation, tout en étant provisoire, a provoqué le « délire » de la presse pro-gouvernementale turque qui s’est empressée d’applaudir cette décision. Ce n’est pas un hasard si, dès qu’a été connue la retransmission de la prière du matin depuis Sainte-Sophie, le député du pari AKP [le parti de M. Erdoğan] de Constantinople, Samil Tayyar, s’est hâté de déclarer que, puisque les États-Unis « ont embrassé » le PKK et Fethullah Gülen [opposant au régime réfugié aux États-Unis, ndt] et que l’Allemagne « est tombée dans le mensonge du génocide [arménien ndt] », l’amitié n’est plus à l’ordre du jour. Par conséquent, comme il l’a déclaré, la Turquie doit prendre des représailles et Sainte-Sophie doit s’ouvrir au « pèlerinage » c’est-à-dire quelle doit devenir à nouveau une mosquée, ce qui reviendrait à fermer les portes d’un monument de l’héritage culturel mondial et un lieu sacré du monde chrétien.”

    http://orthodoxie.com/la-basilique-sainte-sophie-de-constantinople-sera-transformee-en-mosquee-pendant-30-jours/

  • Chevalier-de-.Moncaire , 7 juin 2016 @ 12 h 31 min

    Si´ Sa. Majeste le sultan. Erdogan n’est pas content tab pis pour lui, le genocide contre les armeniens par les turcs a belle et bien existe.

  • Melisenda , 7 juin 2016 @ 15 h 49 min

    L’Europe, de haut ? Plus dure sera la chute.

  • JSG , 8 juin 2016 @ 22 h 02 min

    ERDOGAN – (Premier Ministre de Turquie) -du temps où il n’était que-
    « Les mosquées sont nos casernes, les coupoles nos casques, les minarets nos baïonnettes et les croyants nos soldats. »
    Si avec ça on a pas compris quel danger menace notre civilisation, alors, bon ramadan !

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