Tribune libre
En démocratie, il n’est jamais facile de se faire réélire. À moins d’être capable de présenter un bilan indiscutable, en particulier en termes d’emplois et de croissance économique.
Aux États-Unis, ce fut le cas aussi bien de Ronald Reagan que de Bill Clinton. Et, en Grande Bretagne, de Margaret Thatcher.
En France, aucun exemple ne vient à l’esprit. Le général De Gaulle, réélu en 1965, ne l’avait pas été au suffrage universel en 1958. François Mitterrand comme Jacques Chirac se sont bien fait réélire, mais « contre » leur Premier ministre de cohabitation.
C’est au regard de ces références qu’il faut apprécier le score de Nicolas Sarkozy le 6 mai 2012.
Donc, le pari était difficile. D’autant que la crise financière mondiale remettait (aurait dû remettre) en cause le système monétaire international, basé sur la régulation de monnaies de papier par des banques centrales, ignorantes des règles les plus élémentaires de l’économie, à commencer par le primat de l’épargne sur la consommation.
Mais face à une gauche toujours sectaire et attachée au vieux mythe d’une société « sans classes », le challenge n’était pas impossible, dans la foulée d’une victoire éclatante en 2007.
Nous ne discuterons pas ici, aujourd’hui, de la pertinence de telle ou telle réforme. Nous nous placerons sur le seul terrain de la science politique, qui, en effet, nous enseigne quelques règles, confirmées par le bon sens.
Le président sortant a enfreint au moins trois de ces règles.
La première est que, dans nos démocraties compliquées, où chacun estime détenir une part de légitimité, en particulier quand il se rattache à une branche ou à une autre de notre oligarchie, les réformes doivent être lancées et finalisées dans les 100 jours qui suivent l‘élection, c’est à dire dans cette période de temps où le peuple a, sans conteste possible, délégué, pour le meilleur comme pour le pire, toute sa souveraineté au nouvel élu.
L’affirmation, reprise du pauvre Jean-Pierre Raffarin, répétée ad nauseam par le chef de l’État et ses séïdes, selon laquelle il avait cinq ans pour faire des réformes, était fausse, et, à la fin, pathétique. C’est l’inverse qui est vrai : la campagne électorale est là pour préparer le terrain. Les trois mois qui suivent sont ceux des semailles. Si la récolte est bonne une nouvelle moisson de bulletins de vote pourra être au rendez-vous.
La seconde est qu’il faut gouverner avec tous ceux qui vous ont aidé à vous hisser sur le pavois. Sans exception. Ni plus, ni moins.
Dans cette idée, il n’aurait pas été anormal que plusieurs personnalités, représentatives des électeurs de sensibilité Front National qui avaient voté pour Sarkozy au 2ème tour soient promus « ministres ». Au lieu de quoi on a eu droit à cette funeste « ouverture ».
Non pas que l’élargissement d’une majorité présidentielle en cours de mandat soit forcément une mauvaise idée. Mais il est conseillé, par la même « science politique », de la mettre en œuvre plutôt à la fin du mandat qu’au début.
La troisième touche à la personnalisation du pouvoir. « L’extrême présidentialisme ».
Nicolas Sarkozy a souvent dit : « J’assume mes responsabilités ». Fort bien. Mais pourquoi avoir à ce point réduit celles de son Premier ministre et de tout son gouvernement ?
Dans une démocratie moderne, chaque responsable doit avoir sa part d’autonomie, de responsabilité, de risque, de liberté. Avec les conséquences que cela implique : la gloire ou l’opprobe. Et cela vaut non seulement pour l’exécutif, mais aussi pour la machine du parti.
Sous Sarkozy, la fidélité exigée par le chef faisait un peu penser à la Cour impériale sous Napoléon Ier : où la flatterie était davantage recommandée que la sincérité ou la lucidité.
Dans son débat final avec François Hollande, Nicolas Sarkozy a pu se vanter d’avoir réalisé de nombreuses réformes et de n’avoir jamais reculé, face aux manifestations de rue, pour les mettre en oeuvre.
C’est à la fois vrai et faux. Prenons l’exemple de la réforme du financement du régime des retraites. Elle a bien été accomplie. Mais a minima. Calibrée pour ne pas trop effaroucher les fonctionnaires. En conservant leurs principaux avantages. Sans presque toucher aux régimes spéciaux. Et après avoir, au préalable, un peu peloté ces leaders syndicaux auto-proclamés, dont on fera, à la fin, semblant de s’étonner qu’ils se prosternent encore devant la faucille et le marteau…
À plusieurs reprises le chef de l’État sortant a dit vouloir sauver le « modèle français », « l’État providence », « la fonction publique ». Sans doute était-il sincère. Mais pour ce faire, son adversaire, avec la gauche (pourtant minoritaire…) tout entière derrière lui, était autrement plus crédible. Hélas !
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