La triste polémique suscitée par la RATP, et par son publicitaire Métrobus, filiale de Publicis et de JC Decaux, qui avaient refusé une affiche portant la mention des Chrétiens d’Orient et qui ont fini par l’accepter sous une avalanche de critiques venues de toutes parts, est très significative de l’état de notre pays. Avec une affligeante myopie, les décideurs parisiens d’un service public se sont recroquevillés sur une position fondée sur un mélange de juridisme étroit et d’idéologie dominante, pour cacher une guerre qu’ils ne sauraient voir. Au Moyen-Orient, la guerre. A Paris, la polémique. Heureusement que l’Armée est à la hauteur, comme elle vient de le montrer au Mali, en libérant un otage hollandais, car à la longue, la médiocrité du microcosme faisandé qui séjourne dans la capitale nous ferait douter du pays.
Dans cette affaire, ce qui frappe le plus, c’est l’inculture, l’étroitesse d’esprit, l’absence de réflexion, le souci de se conformer à la mode idéologique, bref, en un mot, la bêtise qui a justifié une première décision unanimement dénoncée, ou presque. J’ai entendu le mot « chrétien », je sors ma paire de ciseaux. La laïcité m’interdit d’afficher ainsi une confession religieuse. Le fait que toute l’Histoire de France depuis le baptême de Clovis soit imprégnée de christianisme est ainsi gommé par la publicité qui ne vit que dans un présent sans racines. Le fait que la France ait été pendant des siècles la protectrice des Chrétiens d’Orient est un détail sans importance. Il faut respecter la laïcité, en oubliant que celle-ci ne vise nullement à interdire l’expression religieuse, mais à n’en privilégier aucune, puisque l’Etat les reconnaît, mais ne s’en réclame plus. D’ailleurs, comme l’ont remarqué quelques mauvais esprits, la censure a été moins regardante à l’encontre des publicités vantant les mérites d’un film intitulé « Qu’Allah bénisse la France » ou ceux d’une carte téléphonique ou de produits alimentaires à l’occasion du Ramadan, cette fête étant clairement mentionnée. Mais la pincée d’idéologie dominante propre au microcosme exige un peu de discrimination positive en faveur des religions qui n’étaient pas directement visées par la loi revancharde de 1905, en vertu de la dose de repentance et de haine de soi qu’impose le politiquement correct.
Pris la main dans le pot de peinture noire, les censeurs ont eu recours à ce que l’on serait tenté d’appeler du « jésuitisme ». Ce n’est pas tant la laïcité qui les aurait guidés que la neutralité d’un service public français dans un conflit étranger. Cette défense ressemblant à celle d’un coupable maladroit pris en flagrant délit et inventant un alibi grotesque est tragi-comique. Le massacre des Chrétiens par les fanatiques de l’Etat islamique, les atrocités qu’ils subissent, les décapitations, les crucifixions, les viols, l’exode ne seraient pas un drame qui soumet une victime à un bourreau, mais un conflit étranger. Or, il n’y a ni Etat chrétien, ni armée chrétienne. Il y a non pas un Etat reconnu internationalement, mais un pouvoir féroce qui occupe un territoire sans aucune légitimité et soumet la population à sa barbarie, et on ose présenter cela comme un conflit dans lequel la RATP se doit d’être neutre, alors même que la France intervient, au moins en Irak contre les djihadistes. La mauvaise foi lardée de stupidité de l’argument n’a pas tenu. L’intervention de Laurent Fabius à l’ONU avait précédé les prises de positions de l’ensemble du monde politique contre cette censure. La pitoyable manoeuvre consistant à remplacer « Chrétiens d’Orient » par « Oeuvre d’Orient », ce qui aurait fait disparaître le sens immédiatement compréhensible par chacun du message, a été repoussée à juste titre par Mgr di Falco. Ce que « Libération » enfermé dans ses vieux réflexes gauchistes présentait comme une colère des « cathos réacs » est devenue ce qu’elle a toujours été : l’indignation générale devant un mélange d’insensibilité, d’injustice et d’idiotie. Le Saint-Père dénonçait récemment l’indifférence du monde pour le sort des Chrétiens d’Orient. Ce faux pas de la RATP et de Métrobus aura eu le mérite, comme c’est souvent le cas pour les erreurs rattrapées in extremis de mettre davantage en lumière ce concert à l’Olympia donné par trois prêtres le 14 Juin en faveur des Chrétiens d’Orient. Que la coordination pour les Chrétiens d’Orient en danger maintienne sa plainte et la pression, comme l’a annoncé son président, Patrick Karam, est une excellente chose.
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