Avec Borloo, la politique était un jeu

Pour des raisons de santé, Jean-Louis Borloo quitte la politique. Il faut d’abord souhaiter que cet élu du Nord surmonte rapidement ses difficultés. De vibrants hommages lui sont rendus à l’occasion de cette retraite soudaine dont on peut se demander si elle sera définitive. Pour avoir été élu dans le même département, je serai plus nuancé. Jean-Louis Borloo a représenté l’irruption en politique d’une autre conception de celle-ci. À son arrivée, il était atypique. Aujourd’hui, il est devenu, au contraire, le modèle plus ou moins conscient de nombreux comportements du « personnel politique », notamment au centre.

Jean-Louis Borloo est un joueur. Chaque épisode de sa vie et de son parcours politique a été une partie qu’il abordait à sa manière décoiffée de jeune homme à peine sorti du lit mais qu’il gagnait souvent d’une manière décoiffante. Il y a d’abord eu le grand Monopoly des affaires, des fusions et acquisitions dont son cabinet d’avocat était spécialiste. C’est lors de cette étape qu’il croisa Bernard Tapie. Comme pour ce dernier, il y eut une rencontre entre la politique, le sport et la ville, mais pas dans le même ordre. Jean-Louis Borloo commença en devenant le Président de l’USVA, le club de football de Valenciennes. Dans la foulée, il fut élu brillamment maire de Valenciennes avec les 3/4 des voix au second tour. C’était en 1989, une année noire pour la droite aux municipales. Il ne prit pas la ville à la gauche, mais à l’équipe gaulliste qui gérait la ville de manière de plus en plus poussive depuis 1945. Son équipe n’était pas de gauche, mais incarnait un renouveau réussi. Il gagna haut la main sa partie de maire puis de député-maire de Valenciennes, au Parlement européen, puis à l’Assemblée nationale. Grâce aux fonds européens puis au soutien de l’État, la ville a connu un développement sans précédent en rénovation urbaine, en transports et surtout dans le domaine culturel. Les trois premières grandes réalisations du Président du club de Football devenu maire était la rénovation superbe du Musée Watteau, la construction d’une salle de spectacle, le Phénix, et la réalisation d’une médiathèque exemplaire. Un anneau culturel permettait aux Valenciennois de s’informer et de réserver aux quatre coins de la ville grâce à des bornes informatiques. En tant que Président de la Fédération nationale des collectivités pour la Culture, j’avais organisé une réunion à Valenciennes pour souligner cette réussite exceptionnelle. Je revois encore Jean-Louis Borloo obtenir de Douste-Blazy, à la fin d’une séance de l’Assemblée, la promesse d’une subvention pour la scène nationale du Phénix qui dépassait celle de l’Hippodrome de Douai, pourtant beaucoup plus ancienne. On ajoutera évidemment l’implantation de Toyota et la diminution relative du chômage pour saluer un bilan très positif sur le plan local.

“S’il a fait gagner Valenciennes, il a habitué les commentateurs politiques à voir dans la politique un jeu dont ils se réjouissent quotidiennement. C’est malheureusement un jeu qui fait perdre la France.”

Ailleurs, les parties ont souvent été moins heureuses. Jean-Louis Borloo a objectivement empêché la région Nord-Pas-de-Calais de basculer à droite en 1992. Il avait présenté une liste qui priva la liste RPR-UDF d’une arrivée clairement en tête. J’avais défendu l’idée de le soutenir néanmoins pour la Présidence. Il bénéficiait de l’appui de Génération écologie dont je crois qu’il avait assuré la présence dans l’élection. Michel Delebarre joua et gagna à « qui-perd-gagne » avec le joueur en soutenant une candidate « pastèque » à la présidence. Génération écologie ne pouvait voter contre elle. Borloo se retira. Deux épisodes de cette époque m’ont fait appréhender à travers le personnage une nouvelle conception de la politique, aux antipodes de la mienne. Après avoir annoncé son retrait, Borloo revint devant notre groupe : « dans l’escalier, j’ai eu une idée. Si on soutenait pour la Présidence un des deux « chasseur-pêcheurs ? Il pourrait d’ailleurs obtenir le soutien du Front National. » Le rejet de cette proposition par Legendre, le président de mon groupe, routier gaulliste, plutôt psycho-rigide, fut violent. Celui-ci m’avait demandé d’aller « tâter » des élus du FN. La rencontre eut lieu dans un café. Borloo qui y était vint s’asseoir à notre table et se livra à un numéro de séduction ébouriffant : plus « catho » et patriote que lui, ça n’existait pas… Je m’en souviens comme d’un grand moment de théâtre.

Au niveau national, jusqu’à la partie perdue contre Fillon pour Matignon, Borloo continua à incarner un nouveau style de politique. Il sortit à plusieurs reprises le grand jeu en privilégiant le souci de la communication sur celui de l’efficacité et du Bien Commun, servi par des médias qui sont majoritairement en phase avec son style. Il est l’un des élus importants à avoir pour compagne depuis quelques années une journaliste : ça aide. Le show-biz aussi a ses atouts. La stratégie poursuivie a illustré l’évolution de la politique pour une partie de la droite, y compris pour Sarkozy, avec cette différence pour ce dernier qu’il se souvenait avant les Présidentielles qu’un certain nombre d’électeurs de droite avaient encore un vote fondée sur des valeurs. Borloo s’empara donc de dossiers porteurs, à la mode et consensuels. Il sut gonfler leur couverture médiatique, les revêtir d’un habillage conceptuel à la fois attirant, démagogique et consensuel. Dégagé de toute référence idéologique, Jean-Louis Borloo est capable de tout. Les maisons à « 100 000 euros » firent un flop, la politique de la ville conduisit à l’usine à gaz de la rénovation urbaine, une traduction lourde et compliquée du « City Challenge » britannique. Le « Grenelle de l’Environnement », deuxième usine à gaz, dans un domaine qui ne les aime guère, encombra inutilement le règne de la « droite ». Celle-ci avait cependant d’autres priorités, notamment l’industrie et la compétitivité, que notre éphémère ministre de l’Économie torpilla en étant incapable de défendre la TVA sociale face à Fabius, alors que celle-ci aurait pu en être la pièce maîtresse. Mais les coups médiatiques et la sympathie du microcosme médiatique parisien avaient entretenu une trajectoire politique qui devait entraîner dans son sillage un certain nombre de carriéristes dénués de la moindre idée, surtout de droite, mais comptant néanmoins sur les électeurs de cette sensibilité pour être élus. Le Parti radical avait retrouvé avec lui sa raison d’être. Le joueur quitte donc la table. S’il a fait gagner Valenciennes, il a habitué les commentateurs politiques à voir dans la politique un jeu dont ils se réjouissent quotidiennement. C’est malheureusement un jeu qui fait perdre la France.

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8 Comments

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  • 0 / 10
  • Gisèle , 7 avril 2014 @ 19 h 47 min

    La rencontre dans un café ne m’étonne pas . Et le numéro de séduction a sûrement été facilité par les lumières du Saint qui venait d’ Emilion …

  • PG , 7 avril 2014 @ 21 h 55 min

    Ce que C. VANNESTE est rigoureusement exact sur la rencontre au café : j’en témoigne comme témoin direct.
    Ce qu’il ne sait pas, c’est que BORLOO avait éccepté d’être élu face à la gauche avec le soutien des voix FN, et que Carl LANG préféra faire élire une Verte pastèque que BORLOO. Avait-il tort, avait-il raison ? Je ne sais.
    Pour la Région NP de C non. Pour les principes pris à la lettre, peut-être oui. Mais la rigidité est-elle un principe ou une manière de masquer par une cripation le fait de n’avoir aucune stratégie ?

  • feeloo , 8 avril 2014 @ 0 h 53 min

    Ouh lala… Dodo & eau fraîche. Bonne nuit!

  • marie france , 8 avril 2014 @ 10 h 38 min

    Pour l’homme j’ai de la peine qu’il souffre,mais comme homme politique ça ne me dérange pas qu’il ne soit plus là !une politique ou l’on “chouchoute” les musulmans ,ou l’on accepte des voilées ,que l’udi et le modem aillent au diable !!!

  • champar , 8 avril 2014 @ 12 h 06 min

    Borloo : un baratineur qui voulait jouer les utilités et une baudruche qui s’est toujours dégonflée.
    Bonne retraite !

  • Charles , 8 avril 2014 @ 13 h 11 min

    Un comique s’est amusé a se promener la nuit dans le centre ville de Marseille
    à la découverte des magnifiques Tags du zentil “virvreensemble”
    de la riche “diversité”.
    Vous avez une fenêtre sur le cote gauche de l’écran
    avec un parcours que vous pouvez suivre.
    Marseille,poubelle du monde…

    https://promenadenocturne.withgoogle.com/fr/panorama/227

  • Radius , 9 avril 2014 @ 10 h 02 min

    Le bilan de Borloo ministre :
    1/ Taxes nouvelles
    2/ Interdictions variées. Notamment de la rocade bordelaise qui aurait pu écarter de la ville les poids lourds de toute l’Europe.

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