Tandis que le grand spectacle du débat national permet une fois de plus de plonger les Français dans l’illusion, la Cour des Comptes vient de publier son rapport. Le décalage entre les deux c’est celui entre le mirage et la réalité. Certes les mises en garde des « sages de la rue Cambon » se succèdent d’année en année, sans émouvoir les Français et sans modifier le moins du monde la conduite du pays. Pour l’opinion publique, c’est un rite, comme lorsqu’on fait retentir les sirènes pour qu’elles ne rouillent pas. L’ennui, c’est que la Cour des Comptes dit depuis longtemps que la France plonge… et que ça continue.
Le grand débat qui semble vouloir tout remettre à plat ne procède pas des problèmes réels qui se posent à notre pays mais du mécontentement des Français qui en pâtissent. Si l’on examine les quatre thèmes proposés, on s’aperçoit que le premier, la « transition écologique », obsession présidentielle tactique, pour retenir les « écolos » après le départ d’Hulot, n’a qu’un intérêt limité dans un pays dont la taille et la production électrique d’origine nucléaire, ne justifient nullement d’en faire une priorité. Le troisième, la démocratie et la citoyenneté, présente paradoxalement plus d’intérêt pour les politiciens que pour les citoyens. Certains partis rêvent de proportionnelle pour augmenter le nombre de leurs élus sans que ceux-ci aient trop besoin de se faire connaître de leurs électeurs, comme c’est déjà le cas pour les « européennes ». La diminution du nombre des parlementaires permettra au Président de se prévaloir d’une promesse tenue et de tirer de la démagogie antiparlementaire un bénéfice personnel. Il faut que les Français se rendent compte que ces réformes les éloignent du pouvoir en renforçant les partis et le monarque et en les privant d’élus plus proches et plus indépendants, capables de transmettre leurs avis et leurs revendications. Ce troisième volet n’aurait du comporter qu’un volet : le référendum d’initiative populaire, nécessaire pour rétablir le pouvoir entre un exécutif tout-puissant et le peuple acculé à manifester pour se faire entendre, de plus en plus difficilement d’ailleurs avec les lois qui restreignent la liberté de s’exprimer ou de manifester. La quatrième rubrique, l’organisation de l’Etat et des services publics, est un si vaste chantier, à ce point complexe qu’il donnera lieu à une manipulation prévisible : on rentrera d’un côté de la machine de multiples propositions sympathiques et contradictoires, et de l’autre on sortira comme un prestidigitateur de son chapeau, quelques réformes souhaitées par le Président et concoctées par son cabinet. Le poisson considérable de l’immigration aura été noyé, dissous dans l’ensemble, alors qu’il constitue un problème majeur pour l’avenir de notre pays, mais tabou aux yeux de l’oligarchie.
Le seul sujet pertinent était donc le second : la fiscalité et la dépense publique. D’abord, parce que le mouvement des gilets jaunes est né d’une révolte fiscale, et qu’ensuite, il s’agit du mal français par excellence, comme la Cour des Comptes ne cesse de le rappeler. Celle-ci juge la situation préoccupante et cible les multiples fragilités qui affaiblissent notre pays. La France fait désormais clairement partie des mauvais élèves du continent, comme l’Italie ou la Grèce. L’idée que l’énarque-banquier, « Mozart de la finance », allait redresser le pays s’estompe. On sait que Macron est un bon vendeur, capable de vendre une entreprise à une autre, ou de les marier, d’être un excellent bateleur d’estrade en campagne, comme il l’est redevenu avec le grand débat, mais c’est un piètre gestionnaire, et un réformateur exécrable qui multiplie les expédients, comme un jongleur rattrape ses balles, sans améliorer la situation du pays. Les 11 milliards de cadeaux non financés sont d’ailleurs pointés par Didier Migaud. Acculé par le soulèvement de la rue, M. Macron a lâché un « pognon dingue », mais qu’en partie il n’avait pas. Il manque à l’appel 3,7 milliards qui demanderont de nouvelles recettes ou de nouvelles économies. Au-delà de cette péripétie, on trouve le plus grave. Le déficit public structurel ne bouge pas, et le déficit global augmente. Il sera en 2019, au moins de 3,2% du PIB (et non du budget). Si la France dépense 400 milliards, il lui en manque 100 qu’elle doit emprunter non pour investir mais pour fonctionner. Ces emprunts constants depuis quarante ans ont créé une dette qui va atteindre les 100% du PIB, alors que leurs taux attractifs pour les emprunteurs risquent d’augmenter. Par ailleurs, la croissance s’essouffle : son évaluation déjà revue à la baisse à 1,7% par Bercy devra sans doute être à nouveau corrigée. Le FMI ou la Banque de France la fixent à 1,5%, mais des économistes la voient plutôt à 1,25%… On connaît la phrase de Talleyrand : »quand je m’examine, je m’inquiète, quand je me compare, je me rassure ». Pour la France, c’est exactement l’inverse. Son examen par la Cour des Comptes n’a rien de rassurant. La comparaison avec ses partenaires européens devient carrément angoissante : l’Allemagne ou les Pays-Bas affichent des excédents publics de 2,4%, l’Allemagne va repasser en-dessous des 60% d’endettement, et même l’Italie, a un excédent commercial alors que pour la France, c’est un déficit. On chercherait vainement un signe positif, alors que le ralentissement de l’économie allemande, et européenne, va également peser sur nos résultats.
Depuis des décennies, la France attendait son sauveur. Pour l’instant, son Président cherche d’abord à se sauver lui-même !
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