L’assassin de Mme Halimi ne devrait pas être jugé parce qu’il subissait des « bouffées délirantes » liées à un excès de cannabis. Le meurtre de Villejuif est confié en revanche au parquet antiterroriste en raison de la préméditation des agressions, de leur modalité et des cibles choisies, de la conversion à l’islam du meurtrier enfin, qui joue un rôle déterminant. Malgré leurs différences et le flottement qui accompagne l’information sur ces affaires comme sur beaucoup d’autres, on y trouve le même couple conceptuel en pas de deux : le terrorisme islamiste et les troubles mentaux, passagers ou persistants. Soit il s’agit d’exonérer la religion en glissant vers la maladie, et on peut suspecter dans cette distinction qui surgit très et trop rapidement une tendance à l’aveuglement volontaire. Soit il y a entre cette religion et les troubles mentaux une connexion pour le moins troublante.
Passons sous le silence qu’ils méritent les commentaires qui bottent carrément en touche, en noyant le poisson du terrorisme islamiste dans l’eau abstraite de la violence faite au hasard. Ces meurtres ne sont pas le fruit du hasard : ils sont commis par des gens qui se disent musulmans, et le crient même, en accomplissant leur crime, et visent des gens qui ne le sont pas, des infidèles, des « associateurs », des juifs, dont le Coran comme les hadiths justifient en plusieurs passages la mort violente. En revanche, les deux questions intéressantes sont celles qui portent sur notre aveuglement volontaire, et sur l’inversion devenue systématique dans le regard que notre société porte sur elle-même.
Pourquoi continue-t-on à considérer que toutes les religions se valent, sont quasiment identiques, surtout lorsqu’elles paraissent adorer le même Dieu ? C’est profondément faux. Le Dieu des Evangiles est un Dieu d’amour qui offre son Fils, c’est-à-dire lui-même, pour la rédemption de l’humanité. Le Dieu du Coran a beau être dit miséricordieux, il est impitoyable et promet sans cesse les pires châtiments. Son Prophète est un homme de guerre et non de paix dont les hadiths révèlent qu’il lui arrive de commander des assassinats (Al Bukhari 1616). D’ailleurs l’une des critiques envers le christianisme repose justement sur l’idée qu’il est absurde d’adorer un dieu bien étrange qui, au lieu de foudroyer par sa puissance, se laisse humilier, torturer et crucifier. Que la plupart des musulmans vivent leur culte sans appliquer les versets les plus féroces est aussi vrai que bien des chrétiens se refusent à tendre l’autre joue. Mais, on ne le dira jamais assez, le christianisme vit mal la violence et s’en culpabilise, l’islam non, dans la mesure où celle-ci ne s’exerce pas contre des musulmans, ni contre des infidèles soumis. Il y a même un verset, le 5ème de la 9ème Sourate qui indique qu’après la trêve des mois sacrés, on peut tuer les associateurs ( les polythéistes, et les catholiques qui le sont à travers la Trinité) où qu’on les trouve. Cette différence n’est pas mince. On peut y voir un plus grand réalisme de l’islam sur la nature humaine mais on peut aussi y trouver en germes la cause de la propension des pays majoritairement musulmans à la violence, à l’affirmation des hiérarchies, et de leur difficulté avec la démocratie. On peut penser aussi que l’islamisme favorise chez un déséquilibré la désinhibition qui permet le passage à l’acte, alors que le chrétien sera au contraire entravé et davantage poussé au sacrifice ou à un ascétisme, fondés sur le salut par la souffrance de soi et non par celle d’autrui dans la guerre sainte sur « le sentier d’Allah ». Se voiler cette réalité théorique de l’islam, hélas pleinement restaurée par certains mouvements salafistes, est suicidaire. Cela ne contribue pas à « l’intégration » des musulmans, et n’éloigne en rien le risque de la guerre civile. Bien au contraire !
Un grand effort de lucidité et de franchise s’impose. Il faut arrêter d’inverser sans cesse les questions de l’identité et de l’altérité. On préfère voir dans la haine de l’autre à notre encontre une aliénation parce qu’on a développé une haine de soi qui culpabilise toute critique de la différence. L’autrisme nous interdit d’affirmer notre identité, ce qui nous empêche d’être ce que nous sommes et de voir l’autre comme il est. Plus on prendra conscience de la valeur de notre civilisation et de la religion qui l’a en grande partie animée, au sens fort du terme, plus aussi on verra l’autre comme il est, différent, et parfois à un point tel qu’on ne peut raisonnablement vivre avec lui dans la même cité. De nombreux musulmans se sont adaptés à notre société mais il est illusoire de penser que cette adaptation peut se faire automatiquement au nom d’une laïcité neutre aux portes grandes ouvertes.