Le voile mystificateur

Dans un passé pas très lointain, la majorité des femmes des pays musulmans ôtaient leur voile et montraient fièrement leur chevelure pour prouver leur indépendance vis-à-vis d’une société patriarcale particulièrement dure. Les administrations de certains pays, comme l’Égypte et la Turquie, combattaient avec succès ce symbole rétrograde. En Tunisie, l’interdiction, pure et simple, du port du voile était appliquée dans tout l’espace public. Et l’Algérie organisait des cérémonies de dévoilement… En ce temps-là, c’était un signe fort d’émancipation et de modernité. Un acte de libération et l’expression, pas toujours bien admise, d’une forme de laïcité. Aujourd’hui, il semblerait que ce soit l’inverse que veulent nous dire bon nombre de jeunes filles : avant d’être un signe religieux, le voile serait, selon elles, par principe et avant tout un signe d’affirmation identitaire. Soit !

Mais de quelle identité s’agit-il ? Et quelle affirmation ? De genre, de citoyenneté, d’origine ethnique, de religion ? Comme toujours, les interprétations et les motivations sont diverses. Et l’effet de mode, qui n’est pas négligeable, complique encore la compréhension. Les femmes voilées ont-elles une idée très précise et très claire du message qu’elles veulent envoyer ? Quelle est la part de provocation ou de contrainte, de ces musulmanes ? Aucune statistique ne pourra nous renseigner…

Pour le citoyen français lambda, la question est tranchée depuis longtemps : le voile est explicitement un emblème religieux musulman et un vêtement communautaire. Pour d’autres, c’est symboliquement le drapeau et l’étendard de l’Islam, de l’islamisme pur et dur. En tout cas, dans notre pays, il n’a jamais été un ajustement traditionnel ou coutumier. Mais il pourrait le devenir… C’est visiblement le souhait des imams radicaux, relayés par des grands frères, des pères ou des maris sourcilleux, tous épris de textes anciens. Ces nouveaux “lettrés”, ces “savants” de l’Islam, ont probablement lu également que l’apôtre Paul, bien avant eux, préconisait aux femmes de cacher leurs cheveux. C’est du moins ce que soutient la religion chrétienne, qui heureusement a su évoluer, alors que nos “érudits” de l’Islam restent figés dans une culture moyenâgeuse au temps où les Bédouins tenaient le haut du pavé et partaient à la conquête du monde. Par contre, ils ne veulent pas savoir que depuis cette époque, des siècles de culture et de progrès sociaux ont affranchi les femmes françaises pour qu’elles puissent penser par elles-mêmes et qu’elles deviennent des citoyennes, libérées de toutes oppressions machistes.

Combien de femmes portent le voile de leur plein gré et parmi celles qui sont contraintes, combien ont le courage ou la force de résister ? Le port du voile est-il un principe fondamental de l’Islam ? Il semblerait que les plus hautes autorités religieuses musulmanes soient divisées sur la question. Si les principaux mouvements et les différentes écoles (chiites et sunnites) sont unanimement d’accord pour dire que l’obligation de porter le voile est de source Divine, la plupart des autres, dans les pays occidentaux, déclarent que cela relève plutôt de coutumes et de traditions, wahhabites (Arabie Saoudite) ou pachtounes (Afghanistan et Pakistan). Des habitudes bien plus anciennes que le Coran…

Quoi qu’il en soit, il est intolérable, dans le pays des droits de l’Homme et du Citoyen – la France – qu’une falsification islamiste d’une lecture littérale de textes anciens écrits par un berger nomade, au VII ͤ siècle, permette à une religion, une reconnaissance communautaire pour la transformer en citoyenneté, en l’occurrence musulmane. Il est intolérable que des libertés démocratiques concèdent à des femmes, par leur accoutrement, le droit de tromper des croyants et de bafouer la lutte d’émancipation des autres femmes. Ces femmes voilées ont-elles conscience de leur tromperie ? Les plus virulentes, celles qui font du prosélytisme avec l’accord d’hommes parfaitement au fait du terrorisme intellectuel qu’ils exercent, ne devraient-elles pas tomber sous le coup d’une loi plus stricte pour la laïcité ? Ne pourrions-nous pas exiger d’elles un peu moins de signes ostentatoires et outranciers d’appartenance à une religion ? La liberté de croire ou de ne pas croire n’a pas à subir de pressions communautaires de quelque façon que ce soit et d’où qu’elles viennent.

Il faudra bien, un jour, que ces femmes osent, à nouveau, enlever du dessus de leurs têtes leur signifiant islamique et choisissent enfin d’être, d’abord Françaises – musulmanes si ça leur chante – mais libres et citoyennes ! Et qu’elles ne soient plus, dans l’espace public, les représentantes vestimentaires de celles qui veulent signifier aux autres qu’elles sont au-dessus des lois humaines, en fantasmant une “citoyenneté religieuse”, forcément radicale et archaïque, qui n’a pas sa place dans une république laïque.