Après un an, Charlie est-il devenu politiquement correct ? « Non », répondront les naïfs puisqu’il met à la une de son numéro d’anniversaire une caricature violemment antireligieuse. Le Parisien y va d’un flagorneur « Charlie ne lâche rien ». Charlie n’aime pas les religions. C’est un fait et c’est son droit. Il le manifeste avec grossièreté, mais personne n’est obligé de l’acheter, et je ne l’ai jamais fait. Avec courage, il s’était attaqué à l’islam en caricaturant le prophète. C’était l’usage de la liberté de la presse que l’on peut croire un pilier de notre démocratie. Ce fut le massacre dont on sait maintenant qu’il a été facilité par une protection tellement insuffisante qu’elle a aussi coûté la vie à deux policiers. Il est sûr que si le journal fustigeait à nouveau et systématiquement la religion musulmane, les bonnes âmes crieraient en choeur à la provocation. Mais, justement, il ne le fait pas. Il pousse à l’extrême une tendance très politiquement correcte qui consiste à mettre toutes les religions dans le même sac. Il défend une laïcité de combat qui revient étrangement à s’en prendre surtout à la religion catholique pour répondre aux excès des fanatiques musulmans, au nom de l’égalité entre les religions, du refus de l’amalgame et du rejet de la préférence scandaleuse pour l’identité locale, en un mot, le racisme !
Pourtant, ce ne sont pas des disciples du Pape François ni même de Mgr Lefebvre qui ont assassiné les journalistes et dessinateurs de Charlie ! Or, le personnage dessiné, « l’assassin qui court toujours », avec sa longue barbe blanche et son symbole, un triangle dans lequel est inscrit l’oeil de la providence, n’a strictement rien à voir avec la religion musulmane. Celle-ci ne permet aucune représentation de Dieu, qui n’a pas une forme humaine comme le précise le coran. Quant au triangle, qu’on associe souvent à la maçonnerie, il a une signification d’abord chrétienne puisque la Trinité y est essentielle : Dieu est Père, Fils et Saint-Esprit. C’est justement ce que le coran condamne clairement dans le christianisme. Il n’y a qu’un Dieu, et les chrétiens commettent le pire des péchés, celui de lui en associer deux autres, un péché qui appelle les pires châtiments. Bref, le Dieu de Charlie, c’est le Dieu chrétien présenté comme un assassin. D’où ils sont, les moines de Tibhirine apprécieront, mais pardonneront puisque c’est dans leur vocation.
Charlie n’est pas à son coup d’essai. En Novembre 2012, un dessin ignoble de Luz avait représenté une sodomie trinitaire avec pour titre : « Mgr vingt-trois a 3 papas », fine allusion au débat sur le mariage unisexe. Le triangle avec l’oeil de la providence y figurait déjà symbolisant avec délicatesse le Saint-Esprit, ce qui ne laisse aucun doute sur la cible du dessin d’aujourd’hui. Les réactions offusquées des religieux accréditent d’ailleurs le message du dessinateur Riss et de son texte qui vise à la fois les fanatiques musulmans et les « culs-bénits » venus des autres religions. Pourquoi ce vague pluriel ? On avait compris que pour l’auteur, il est aussi condamnable de massacrer à la kalachnikov que de critiquer Charlie pour son acharnement ordurier contre le catholicisme. Le problème, c’est que la critique fait aussi partie de la liberté d’expression, ce qui n’est nullement le cas de l’assassinat vengeur. Que les musulmans, en l’occurrence le Président du CFCM, volent au secours des chrétiens manifestement visés est sympathique, mais aussi très habile. Cela montre la ressemblance et la solidarité des religions. Le journaliste et le président sont sur ce point d’accord. Des hommes politiques français, comme Juppé, les rejoignent. Certains responsables catholiques ne sont pas en reste. Le Dieu qu’on représente et celui qu’on ne dessine pas, c’est le même, celui du Livre, celui qui inspire à ses fidèles paix et miséricorde. Il faut donc, comme le demande le Cardinal Tauran, renforcer la fraternité et le dialogue et dénoncer toute stigmatisation. Il faut, en suivant, l’exhortation apostolique affirmer que « le véritable islam.. s’oppose à toute violence ».
Autrement dit, le « politiquement correct » l’autre visage de la pensée unique consiste à dire que toutes les religions se valent, qu’elles sont toutes respectables, que les croyants ont le droit de réclamer le respect, mais aussi que les journaux satyriques ont le droit de leur en manquer, dans le meilleur des mondes, sans violence ni phobie raciste, où l’on se donne bonne conscience en étant « Charlie ». Celui qui est incorrect est celui qui ose faire des distinctions, qui ose discriminer, c’est-à-dire faire preuve de discernement en disant timidement : « certes, la plupart des musulmans vivent leur foi dans l’ordre et le calme ; leur comportement soumis à des règles peut en faire des voisins exemplaires ; il n’en reste pas moins que le coran (sourate 47 verset 4 par exemple) indique clairement comment traiter les ennemis : « lorsque vous rencontrerez les incroyants , frappez-en le cou. Puis quand vous les aurez dominés, enchaînez-les solidement ». Ce n’est guère un message évangélique, non ? » Une stigmatisation de ce genre, voilà ce qui est politiquement incorrect et traduit un insupportable rejet de l’autre… Alors, soyons lucides ! Le « politiquement correct », c’est l’hypocrite, le pharisien d’aujourd’hui, et la confusion volontaire de Charlie en fait bien partie.
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