Alors que l’affaire Vincent Lanbert fait à nouveau la Une, nous sommes inviter à nous interroger sur la mort c’est à dire la fin de vie.
Se poser la question de la mort nous invite, en effet, à nous interroger sur la vie. Parler de la mort c’est avant tout la mettre en perspective avec la vie. Avons-nous suffisamment contemplé la vie, nous sommes-nous réellement émerveillés de la beauté de la vie, avons-nous vraiment pris conscience de sa valeur, de son prix et du mystère qu’elle représente et qui nous dépasse, pour oser une parole sur la mort ?
Aborder la mort sans avoir la passion de la vie, c’est courir le risque d’opposer les deux et d’oublier que la mort n’est qu’un moment de la vie. Un moment unique, un instant qui concentre en lui-même toute la vie sans pour autant la figer, car si la vie semble s’arrêter avec la mort, ce qui a été vécu, lui, continue de vibrer, de porter du fruit. Même mort, la vie en germe poursuit sa poussée dynamique dans nos actions ou chez nos proches. La vie ne se limite pas à la conscience de ce nous vivons, la vie n’est pas cantonnée à l’existence physique active. La vie est une puissance dynamique incroyable, une poussée de l’être, de chaque être vers son accomplissement. Or cet accomplissement dépasse de loin les limites de la vie matérielle, bornées par la naissance et la mort physique.
Ce principe vital exceptionnel qui survit encore des années, parfois des siècles ou des millénaires (qu’on pense à la postérité du serment d’Hippocrate par exemple, ou aux générations de petits enfants), dépasse de très loin l’être humain. Mais c’est pourtant ce dépassement même qui le fait vivre, le pousse en avant, lui fournit à la fois le sens de sa vie et l’impulsion nécessaire pour s’engager dans ce sens.
Ce n’est pas la mort qui arrêtera cet accomplissement de la vie dans le monde. Les hommes et les femmes, les initiatives, les activités qui continueront de vivre grâce à l’impulsion donnée par notre propre vie, sont innombrables, infinis et se propageront aussi longtemps que le monde existera.
La mort ne met donc pas un terme à l’accomplissement, ni au sens de la vie. Inversement, la mort n’est donc pas le remède à l’inaccomplissement ou au non-sens. Avec la mort, c’est le renouvellement permanent de cette dynamique, c’est l’irrigation nécessaire au déploiement de l’accomplissement de l’être qui s’arrête.
Souhaiter mourir, est-ce réellement le désir de mettre fin à cette dynamique ? Assurément non. Le désir de la mort est lié précisément à la perte de sens, ou de conscience du sens de cette poussée dynamique vitale de l’accomplissement et donc du bonheur. Il ne s’agit pas là d’un problème de vie, mais de sens, de bonheur et donc de conscience que ce principe vital dynamique est toujours actif et continue d’irriguer sa vie et celle de nos proches.
Ce n’est pas une question médicale, mais psychologique, celle de la dépression. Proposer au patient la mort, comme solution à la dépression, à la perte de conscience de ce principe vital qui poursuit son œuvre en lui et autour de lui, est une vague solution de facilité, signant l’échec de la société fasse à la faiblesse et à la souffrance. (Souffrance que l’on pourrait aujourd’hui dans la presque totalité des cas apaiser).
De fait, c’est bien la conscience de cette inutilité et la souffrance psychologique qui en résulte qu’il faut prendre en compte et donc traiter. Redonner sens à une vie fragile et faible, voire diminuée ; rendre aux personnes ainsi affaiblies la conscience du sens de leur vie et de cet apport dynamique qui ne diminue pas avec l’âge ou la faiblesse, mais qui ne fait que changer de forme, voilà le véritable enjeu de la question posée par l’euthanasie.
Au fond, cette question peut s’étendre à toute notre société affairiste et activiste. Qu’est-ce qu’une personne faible et diminuée peut apporter de bon à la société, aux autres ? Lafontaine ne disait-il pas que nous avions toujours besoin d’un plus petit que nous ? L’enjeu est beaucoup plus grand que la simple question de l’euthanasie. Ce n’est rien moins que le regard que pose notre société sur les plus faibles et la place qu’elle leur accorde. Est-ce les défendre que leur proposer de mourir ? N’est-ce pas un échec des politiques sociales, des mouvements sociaux, des défenseurs séculaires des plus faibles que de ne pouvoir proposer aux plus affaiblis que de quitter la scène ? N’est-ce pas aussi se déresponsabiliser que de leur indiquer la sortie ?
L’homme politique courageux et réellement respectueux de la dignité humaine sera celui qui trouvera le moyen de faire des plus faibles, des plus pauvres, une richesse pour la société. Le plus incompétent, le moins serviteur de la dignité sera celui qui préfèrera faire disparaître un problème gênant, réduisant un être humain à son problème.
> Cyril Brun anime le site Cyrano.net et un blog personnel.
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