Durant cette année 2014, deux commémorations seront célébrées. Il y a un siècle, débutait la Première Guerre mondiale. En septembre 1914, la bataille de la Marne permettait de repousser in extremis l’offensive allemande et de sauver le pays de la servitude. Ce sursaut victorieux n’avait pas eu lieu 44 ans auparavant et ne se produira pas du tout lorsque la France, saignée par la guerre précédente et lamentablement dirigée affrontera à nouveau l’Allemagne en 1940. Or, il y a huit siècles, le 27 juillet 1214 se déroulait la bataille de Bouvines qui offre quelques similitudes avec ce sursaut désespéré et victorieux de 1914. À la tête des envahisseurs se trouve l’Empereur du Saint Empire Romain (bientôt germanique), Otton IV, qui entend bien exercer aussi sa suzeraineté sur le fragile royaume des Francs. Cette fois-là, les Anglais de Jean sans Terre, qui guigne le royaume, sont à ses côtés, présents à Bouvines, mais aussi au sud où après avoir débarqué à La Rochelle, ils sont mis en fuite à La-Roche-aux-Moines. Philippe-Auguste affronte donc au nord l’armée d’Otton. Les Français choisissent un terrain resserré entre étang et bois afin de compenser leur infériorité numérique. Ils combattent le dos au pont de Bouvines et aux marécages, mais la détermination des chevaliers et des milices communales et paroissiales l’emporte : le Comte de Flandres et le frère naturel du roi d’Angleterre sont faits prisonniers. L’Empereur s’enfuit sous un déguisement et sera bientôt remplacé par son rival Frédéric II. La victoire est totale. Elle donne à ce qui est en train de devenir le Royaume de France la suprématie en Europe occidentale. Cette année-là aussi naît Saint-Louis qui marquera la renaissance capétienne, cette heure riche de l’histoire de notre pays, « allant et venant sans relâche de la grandeur au déclin ». Bouvines et Saint-Louis fournissent l’occasion de rappeler que la France a d’abord été un royaume chrétien, ce qu’on aurait tort d’oublier. Mais Bouvines, comme Denain en 1712, comme Valmy en 1792 et comme la Marne ont été des réactions nationales face à l’invasion étrangère, face à la menace de l’Europe centrale sous domination germanique. À chaque fois, malgré les différences considérables qui séparent ces époques, il y eut dans le sursaut salvateur une part d’élan populaire et un déploiement d’énergie exceptionnel : à Bouvines, ce sont les milices des villes et des paroisses qui sont présentes. À Denain, c’est aussi le peuple qui avait répondu à l’appel du vieux Roi. Pour Valmy, c’est devenu une légende et les taxis de la Marne ont symbolisé cet effort d’une nation qui ne veut pas mourir.
Peut-être sera-t-il pertinent de rappeler ces grands moments du vouloir-vivre français à l’occasion des élections européennes qui auront lieu cette année. Pourquoi la France accepterait-elle de disparaître, elle qui a tant lutté pour exister ? Pourquoi voudrions-nous d’une Europe supra-nationale dominée par une Allemagne qui nous a distancés économiquement et affirme de jour en jour son poids politique ? Le Saint-Empire était un ensemble plus occupé à régler des problèmes internes qu’à déployer sa puissance dans le monde. La France a tiré grand bénéfice de ne pas en dépendre. Elle a apporté au monde sa culture et son rayonnement, son originalité, sa créativité. Alors même que certains s’acharnent à gommer son identité, elle n’a rien à attendre d’une Europe ouverte aux quatre vents et qui a arraché ses racines chrétiennes. Beaucoup de pays dans le monde, d’une taille bien plus modeste que le nôtre, parfois dépourvus d’unité ethnique ou trop récents pour avoir une histoire, tirent leur épingle du jeu, à l’exemple de la Suisse ou de Singapour. Ils peuvent participer à des ensembles économiques, culturels, ou politiques comme l’ASEAN, mais ils ont sauvegardé leur souveraineté, c’est à dire la responsabilité des gouvernants élus dans la conduite des affaires du pays. Le gouvernement du monde passe pour certains par une destruction des nations et singulièrement des nations européennes dont les guerres ont ravagé la planète. Aujourd’hui que ce risque a disparu, il est probable que l’Europe se porterait mieux avec des États maîtres de leur monnaie, comme de leur fiscalité, partageant un marché des produits et des services, mais pas un marché du travail, pratiquant une saine concurrence, mais aussi une vraie solidarité devant les menaces extérieures. Cette image inversée de l’Europe actuelle, on doit souhaiter qu’elle fasse son chemin dans les esprits durant cette année 2014.
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