Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale a récemment présenté ses “Outils pour l’égalité filles garçons”. Avatar du “Plan pour l’égalité filles-garçons” porté par Benoît Hamon, son prédécesseur, lequel entendait reprendre les “ABCD de l’égalité” chers à Vincent Peillon, ce nouveau projet a plutôt été bien accueilli par la presse : les uns se félicitent, à l’examen de ce dernier, de la disparition du terme de genre, tandis que d’autres comptent sur ce dispositif pour mettre fin aux discriminations qui sévissent dans notre société. Pourtant, un examen scrupuleux des faits laisse apparaître que Najat Vallaud-Belkacem, si elle opte pour des objectifs moins ambitieux, ne fait que poursuivre l’action de ces prédécesseurs : instrumentalisant l’école pour imposer une politique, les “outils pour l’égalité entre les filles et les garçons” servent des vues partiales que met en œuvre une démarche à la légitimité douteuse.
La pratique de l’illusion consultative
Premier point, on ne peut que s’étonner d’entendre le ministre déclarer avoir, lors de la conception de son entreprise, “associé tous les acteurs” du champ éducatif [1] Gage de cette ouverture, elle a emmené avec elle, pour présenter ses nouveaux “outils” à la presse, deux fédérations de parents d’élèves, la FCPE et la PEEP, ainsi que Jacques Toubon, actuel Défenseur des droits. Claironné autant que théâtral, ce consensus ne peut que faire sourire. Najat Vallaud Belkacem n’a -t-elle pas affirmé, lors d’une récente émission télévisée, que les opposants aux “ABCD de l’égalité”, qualifiés par elle de “détracteurs”, “ne l’intéressaient pas” [2] ? Doit-on aussi rappeler que notre ministre, interpellée par deux lettres du collectif “Stop Gender” sur la teneur de son nouveau projet n’a pas daigné répondre ? Assurément, notre chantre de la gestion participative a procédé, comme ailleurs en ses “cafés de parents”, à une concertation illusoire : ne s’entourant que de personnes partageant ses conceptions, elle a pu sans difficulté faire valoir ses vues.
L’égalité filles garçons, prétexte et vecteur d’un féminisme partial
Deuxièmement, les circonstances en lesquelles ce plan fut dévoilé en disent long sur la visée de ce dernier. Profitant de la journée internationale de lutte contre la violence faite aux femmes, Najat Vallaud-Belkacem a précisé qu’ “apprendre l’égalité filles-garçons” était aussi “prévenir les violences faites aux femmes”. Héritière d’un féminisme victimaire, cette approche semble oublier que l’école est aujourd’hui le lieu par excellence où sont discriminés les garçons. Comme l’a montré le dernier rapport Pisa, la proportion de filles très performantes a augmenté en France de 6 %, contre 2 % seulement chez les garçons [3]. Inégal et féminisant, le système scolaire français contredit, en sa réalité même, les lubies égalitaires de notre ministre. Au-delà de ce féminisme de la culpabilité, il serait donc temps de voir la réalité de l’échec scolaire des garçons. Quitte à être équitable, l’école devrait s’occuper en priorité de ceux qu’elle discrimine.
Contournement des structures, opacité des contenus
Enfin, en son organisation même, le dispositif choisi soulève des questions de légitimité. Certes, le ministre semble donner satisfaction au devoir d’information qui incombe à la fonction publique, annonçant le lancement d’un site avec des ressources pédagogiques accessibles aux enseignants comme aux parents. Pourtant, Najat Vallaud-Belkacem entend aussi mettre en place une formation pour les nouveaux professeurs dans les Écoles supérieures du professorat et de l’éducation ainsi qu’un module en ligne pour les enseignants en exercice. Or, le contenu même de cette instruction n’a pas été révélé, en dépit de demandes réitérées. On le voit donc, la stratégie mise en œuvre, derrière une transparence de façade, est celle du contournement et de la dissimulation. Evitant la confrontation avec les familles, dont on a vu l’an dernier comme celle-ci pouvait être violente, le projet de Najat Vallaud-Belkacem compte sur la docilité des enseignants autant que sur leur consentement à l’obligation de réserve. La méthode est ici claire : avant que de formater les enfants, il s’agit de rééduquer les enseignants et surtout de n’en rien dire aux parents.
Une fois n’est pas coutume, notre ministre, qui confond éducation et instruction, transmission des savoirs et imposition des doctrines, se fait source de mésententes, origine probable de conflits à venir. Bricoler les consciences dans le but d’éviter les violences relève d’une utopie éducative qui témoigne d’une méconnaissance profonde de la réalité d’une salle de classe. A l’école comme ailleurs, un principe ne s’enseigne pas à coups d’injonctions mais se laisse découvrir par la raison. Vouloir à toute force imposer un catéchisme égalitaire par le fait d’une pédagogie doctrinaire est s’exposer à l’incompréhension des parents, à la méfiance des enfants ainsi qu’au mécontentement des enseignants. Ceux-ci alors, que l’on fait agents d’un dessein politique qu’ils n’ont sans doute pas choisi, pourront-ils demeurer les crédibles dépositaires du savoir qu’ils servent ? Prioritaire aux yeux de notre Ministre, l’objectif d’une égalité à enseigner ne se réalisera-t-il pas au détriment de la qualité des connaissances à transmettre ? La première chose alors que risquent de déconstruire ces artificiels “outils” que l’on exhibe avec pompe et jubilation est sans doute le fragile édifice d’une école qui tient à peine debout.
Notes et références :
1. http://www.liberation.fr/politiques/2014/11/25/vallaud-belkacem-espere-que-l-egalite-filles-garcons-fera-consensus_1150401
2. http://www.youtube.com/watch?v=76p9TXakjlY&feature=player_embedded&list=PLgLPEJXgqlUKRM_ZvnZSd4nbHnm_aWq73
3. http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/12/03/01016-20131203ARTFIG00338-niveau-scolaire-la-france-perd-deux-places-au-classement-mondial.php
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