Deux référendums ont eu lieu ce dimanche, l’un en Hongrie, l’autre en Colombie. Le premier demandait l’avis des Hongrois sur le plan de répartition des migrants imposé par l’Union Européenne à ses membres et sur l’obligation faite à leur pays d’accueillir 1300 de ceux-ci. Les électeurs magyars ont refusé ce plan à 98,2%, mais ils n’ont participé au scrutin qu’à 39,8%. Or la constitution impose que le taux de participation soit supérieur à 50% pour que celui-ci soit valide. Les commentateurs jugent que ce résultat constitue un échec pour le Premier Ministre Viktor Orban qui serait affaibli alors qu’il voulait être plébiscité. Une connaissance plus précise de la vie politique hongroise permet de voir que ce résultat n’a rien d’étonnant. En prônant l’abstention, la gauche a réussi une manoeuvre. Beaucoup de socialistes allant aux urnes auraient sans doute voté non comme la majorité des électeurs. En s’abstenant, ils ont contré Viktor Orban sans voter pour l’accueil des migrants imposé par l’UE. Si on compare les résultats des législatives de 2014 à ceux du référendum, la stabilité électorale est frappante. Les 2,2 millions de voix de Fidesz, le parti du Premier Ministre se sont ajoutés au million de voix du parti Jobbik d’extrême-droite pour donner les 3,25 millions de non. Les électeurs socialistes se sont abstenus et représentent la différence entre les participations aux élections législatives (61,84%) et au référendum (39,8%). La politique de Viktor Orban est confortée, mais il a seulement manqué son pari d’obtenir aussi le soutien d’électeurs de gauche. L’addition des 39% d’abstentionnistes habituels aux 22% qui s’y sont ajoutés hier est une malhonnêteté intellectuelle. On comprend que la Loi électorale ait cherché à limiter le recours excessif au référendum en fixant un taux de participation élevé de 50% pour les rendre valides. Mais, le système suisse qui consiste à réunir un nombre suffisant de signatures en amont pour le déclencher est plus logiquement démocratique puisqu’une fois ce premier obstacle franchi, il considère que c’est la majorité qui compte, sous-entendant que les abstentionnistes laissent ceux qui ont un intérêt pour la question, ou une meilleure connaissance du sujet, décider pour eux.
En Colombie, le Président Santos, qui n’y était pas tenu, a interrogé le peuple sur l’accord entre le gouvernement colombien et les rebelles-terroristes des FARC conclus grâce à la médiation cubaine. Les sondages annonçaient une approbation triomphale au minimum à 55%. Le non l’a emporté contre toute attente à 50,2%. Les abstentionnistes ont été nombreux : 62,72 %. Le taux de participation valide le scrutin. On peut lister les ressemblances et les différences entre le référendum hongrois et le colombien. Dans les deux cas le Chef de l’exécutif a utilisé le référendum pour obtenir un soutien de sa politique et de sa personne. Ni Orban, ni Santos n’ont réussi. Tous deux vont passer outre, l’un en s’opposant au plan européen, bien que le seuil de 50% des électeurs n’ait pas été atteint, l’autre en poursuivant le processus de paix avec les Farc bien qu’une courte majorité des Colombiens ayant voté s’y oppose. En revanche, si Orban a reçu le soutien massif de ses partisans et n’a pas été battu par ses adversaires, Santos a bel et bien été désarçonné par son prédécesseur Alvaro Uribe, celui dont il avait été le ministre et le dauphin. Autant une très large partie de la population hongroise refuse l’accueil des migrants au point qu’il n’y a eu que moins de 2% de votants à y être favorables, autant les Colombiens ont donné raison à Uribe qui considère que l’accord est trop généreux à l’égard de terroristes qui selon lui doivent être poursuivis et condamnés pour les crimes qu’ils ont commis. Dans un cas, l’opposition a déserté, dans l’autre elle a gagné, d’une courte tête. L’échec d’Orban est beaucoup plus relatif que celui de Santos. On remarquera que nos médias n’ont pas fait cette distinction. Orban et Uribe sont d’affreux populistes qui ont eu le toupet de mener une excellente politique et d’être réélus. C’est Uribe notamment qui avait réussi la libération par la force d’Ingrid Betancourt quand les politiciens de chez nous souhaitaient une négociation, comme d’habitude. Santos qui a été cherché sa paix avec les guérilleros marxistes chez les Castro est beaucoup plus fréquentable. Vue du microcosme parisien, la violence révolutionnaire est tellement plus sympathique que la victoire de l’ordre, fût-il démocratique. Ceux qui ont célébré l’entrée des Khmers Rouges à Phnom-Penh sont toujours là ou ont fait des petits.
Les résultats décevants de ces deux référendums ne doivent pas servir à discréditer la démocratie directe. Celle-ci doit au contraire être purifiée et banalisée. Afin d’éviter sa récupération plébiscitaire, elle doit monter du peuple et non descendre du pouvoir. Le gouvernement ne doit pas mettre en jeu son existence mais simplement s’engager à suivre la volonté populaire lorsque celle-ci désire s’exprimer. C’est la conception qui préside en Suisse. Les référendums hongrois ou colombien, le britannique récemment ont souffert du fait que le pouvoir a interrogé le peuple alors que c’est le peuple qui doit vouloir donner son avis. Par ailleurs, le mépris affiché par les technocrates européens et certains médias à l’encontre de la volonté populaire révèle la dérive de la démocratie en Europe. Le Commissaire grec aux migrations Dimitris Avramopoulos n’hésite pas à dire que le référendum n’aura aucune valeur juridique avant même qu’il ait lieu. » Les Etats membres ont la responsabilité légale d’appliquer les décisions prises ». On ne peut mieux signifier la fin de la souveraineté nationale. L’ancien Premier Ministre d’un confetti fiscalement paradisiaque devenu Président des technocrates européens ose déclarer : « Si des référendums sont organisés sur chaque décision des ministres et du parlement européen, l’autorité de la la loi est en danger ». Curieuse conception de la loi que celle qui en exclut la volonté du peuple ! Le socialiste allemand Schulz, qui préside le « parlement » parle d’un jeu dangereux : la démocratie serait dangereuse ? Comment ne pas voir que c’est la confiscation du pouvoir par une oligarchie qui ne représente aucun peuple réel et n’a aucune légitimité véritable qui est un danger pour nos démocraties ?
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