« Cessez d’emmerder les Français », disait le meilleur des Présidents normaux de la Ve République. Georges Pompidou n’était pas un politicien. C’était un homme de haute culture, de grande intelligence, qui pratiquait le réalisme et le bon sens de sorte qu’il pouvait être compris de chacun. Les temps ont changé. Trop de politiciens, trop peu de problèmes résolus… Ce paradoxe tient au surnombre de ceux qui prétendent « s’emparer » des questions, se « mobiliser » pour les résoudre. A l’incompétence d’un personnel politique plus attaché à conserver voire à cumuler des mandats rémunérateurs qu’à risquer l’impopularité des mesures courageuses s’ajoute la fracture entre la classe politique élevée dans les cabinets, déconnectée du réel, spécialisée dans la communication et les manoeuvres, et les vrais Français qui affrontent les difficultés du quotidien. Une avalanche de lois et de textes réglementaires s’abat en permanence sur eux, produite par le gouvernement, les Assemblées, et l’administration. Un ministre veut « sa » loi pour qu’on se souvienne de lui. Les parlementaires doivent être occupés lors de leurs séjours aux Assemblées, ne serait-ce que pour transcrire les directives européennes et autres textes qui donnent leur raison d’être aux Commissaires de Bruxelles et rappellent l’existence d’un Parlement Européen. Ils peuvent aussi rédiger des Propositions de Loi qui attireront l’attention un instant avant d’aller rejoindre la critique rongeuse des rats et des souris.
Il y a trois catégories de problèmes. D’abord, les plus importants qui demandent des solutions drastiques. Il faut soigneusement les éviter. Ensuite, il y a les problèmes qui n’ont pas été résolus faute d’y avoir consacré l’énergie nécessaire. Enfin, il y a les faux problèmes, les meilleurs, ceux qui permettent d’inventer des solutions qui font valoir la mobilisation du pouvoir, sa créativité, et qui sont sans risque puisque l’absence d’efficacité de la solution ne peut se mesurer lorsque le problème n’existe pas vraiment. Parmi les premiers, le chômage ou l’insécurité. TVA sociale à la scandinave pour alléger les charges ? Libéralisation du pays à la britannique ? Accélération de la Justice ? Construction de prisons ? Travail obligatoire pour les condamnés ? Mais vous n’y pensez pas !
La seconde catégorie est celle des petits pas. La France connaissait des taux records de mortalité routière. En 2014, la France a subi une rechute avec une augmentation de 3,5% des morts sur la route. Sur 9 mois en 2015, c’est 4,6% de plus. Le courage consisterait à cibler d’abord les deux roues motorisées : 2% du trafic, mais 43% des blessés graves et 23% des tués. Mais, comme d’habitude, on va viser prioritairement les automobilistes. Sur 22 mesures annoncées, 3 seulement, des gadgets, comme le port des gants, concernent les motos. Faute d’imposer aux motards des tenues fluorescentes, équipées d’airbags, et portant l’immatriculation de manière visible, on va multiplier les machines à sous le long des routes, vraies et fausses afin que la peur soit le commencement de la sagesse, la vitesse des voitures étant la principale accusée . Une vraie société libérale devrait reposer sur la confiance et la responsabilité, et donc sur la pédagogie. On choisit plutôt la méfiance, la répression ciblée et la pompe à finances opportune.
La troisième catégorie est constituée par les mesures qui délibérément empoisonnent la vie des Français ou l’activité de certains d’entre eux. Les automobilistes sont encore dans le collimateur, avec l’extension de la circulation alternée et le retour des vignettes, cette fois pour les véhicules polluants : des gadgets prisés des écolos, mais sans effet réel sur une pollution aux causes multiples ! Un député en mal de notoriété propose de généraliser l’impôt sur le revenu, comme si le retour du cens était un progrès de la citoyenneté. Evidemment, il propose en compensation de supprimer la redevance audiovisuelle pour les nouveaux imposables. Cette mesure complexe visant un impôt moins important que la TVA et une redevance qui devrait être abrogée n’a aucun intérêt.Tandis que l’honorable parlementaire veut responsabiliser tous les Français devant l’impôt, Madame Touraine entreprend au contraire de les déresponsabiliser devant les dépenses de santé en généralisant le tiers payant. Les médecins généralistes constituent une profession essentielle pour le pays. Ils refusent, après de longues études, d’être condamnés à faire de la paperasse plutôt que d’exercer leur métier. Ils craignent en plus de subir des impayés alors que les difficultés du système ont déjà tendance à bloquer leurs revenus. Les impayés correspondent à 15% des honoraires dans le département de la Réunion où la mesure a été anticipée. C’est donc, comme toujours dans notre pays, la grève qui remplace le dialogue social…
La France manque du souffle d’un grand projet. Sans grand espoir collectif, les Français n’ont même plus le sentiment d’être accompagnés par des hommes politiques de bon sens qui les aident à mieux vivre. Ils sont à la fois témoins du déclin national et victimes d’un personnel politique qui s’agite sans agir et qui prétend les conduire sans savoir où il va.
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