Tribune libre de Hubert Montmirail
40 ans, le bel âge !… Dans la vie d’un parti, 40 ans, cela compte. 40 ans, c’est bien plus que la maturité : c’est l’âge de l’expérience et des épreuves surmontées. D’autres formations politiques n’ont pas tenu aussi longtemps : le RPR, né en 1976, est mort, dissous dans l’UMP, en 2002. L’UDF, née en 1978, a disparu par étapes, à partir de la fin des années 1990. Ses héritiers se sont disséminés entre l’UMP, le Modem ou la nouvelle UDI. Enfin, DL, né en 1998 a disparu en 2002, intégrée aussi à l’UMP… Curieusement, c’est à gauche que les durées de vie sont plus longues : le PCF, né en 1920, n’a pas disparu. Quant au PS, né en 1969, réorganisé en 1971, il est toujours là, malgré l’usure du pouvoir et quelques claques électorales. Ce contraste est révélateur : il démontre qu’à droite, il devient plus difficile de transmettre. Qui, parmi les Jeunes populaires, voire dans les cadres de l’UMP, se souvient encore des fastes du RPR, voire de l’UNR ? Peu de monde. Assurément. Il ne semble plus que la transmission soit une priorité chez l’homme de droite.
Un maintien significatif dans la scène politique française. Dans la paysage de la droite nationale – on appellera ainsi, faute de mieux, cette droite qui s’est voulue de conviction – , la durée du FN est significative. Le FN a survécu ou résisté à d’autres formations concurrentes, dont on crut que certaines avaient l’avenir devant elles : Parti des forces nouvelles (PFN), MNR ou MPF… Pourtant, les difficultés ne manquèrent pas au FN : dissidences, scission mégrétiste de 1998, échecs électoraux aux législatives, etc. Mais en même temps, le FN a fini par réaliser quelques « coups », dont le plus spectaculaire est la qualification pour le second tour du 5 mai 2002. Cet exploit, le PCF ou l’extrême-gauche ne le réalisa jamais. Cette persévérance est révélatrice : elle démontre l’ancrage d’un parti qui n’a guère le soutien d’un système politique, mais aussi médiatique… La persistance du FN est exemplaire en ce sens que, désormais, il y a une troisième génération à voter FN. Cela démontre qu’il existe une véritable crise structurelle, un mal-vivre qui repose sur des phénomènes objectifs : immigration massive, destruction du tissu urbain, mais aussi pertes de repère de la société française. Malgré tout, des français différents ont persévéré dans leur vote. Malgré la diabolisation. Malgré les torrents médiatiques d’injure et de haine. Malgré la haine d’hommes politiques convaincus qu’ils étaient dans le vent, oubliant que c’était inéluctablement le destin des feuilles mortes… Cela n’a pas marché. Les éléments anti-FN se sont affaiblis en raison de leur liaison à un système, de leur incapacité à créer une véritable culture politique et, aussi, de leur déni de la réalité. Casser le thermomètre ne suffit pas à faire baisser la fièvre, surtout quand on le fait vingt fois de suite… Aujourd’hui, l’accueil sur les marchés des militants FN atteste un changement de paradigme : ils sont moins conspués, quelquefois salués. Les adversaires sont, dans le pire des cas, indifférents. Le curseur de l’opposition au FN s’est déplacé. Il semble que la dénonciation du FN lasse et fatigue. Tout simplement parce qu’elle ne convainc pas. Ou plus.
Isolé, mais influent. Certes, le FN reste encore isolé. Les alliances sont diabolisées, malgré quelques désistements. Mais, en même temps, on oublie son influence sur la classe politique. On peut imputer à Nicolas Sarkozy la droitisation de l’UMP, mais on ne saurait oublier que le FN a servi de catalyseur. Aujourd’hui, on comprend l’existence de la Droite populaire, de la Droite forte, etc. Mais l’influence n’est pas seulement visible sur la droite. Même la gauche reste prudente : elle n’ose plus les régularisations massives ; elle n’hésite pas à interdire les manifestations pro islamiques ; elle affirme même qu’elle refusera toute vague d’immigration supplémentaire (Cf. François Hollande dans son duel télévisé avec Nicolas Sarkozy, le 2 mai 2012). Elle sait que son électorat goûte médiocrement aux joies du métissage, même si elle n’ose pas le dire. En réalité, si le FN a eu une influence nulle dans l’exercice du pouvoir ou la gestion de l’ensemble des collectivités locales, on s’accorde à reconnaître qu’il a servi de lobby, poussant mêmes des gens hostiles à prendre en compte ses positions. Que serait la France sans le FN ? On peut imaginer une immigration plus nombreuse, des régularisations massives fréquentes, peut-être même la guerre civile, avec des populations incontrôlables et des Français qui auraient certainement réagi… Sans le FN, les digues migratoires auraient été encore plus faibles. Assez paradoxalement, s’il y a eu peu d’actes contre les étrangers ou des personnes d’origine étrangère, si les Français sont restés courtois, malgré les intimidations, c’est peut-être parce que le vote FN leur a servi d’exutoire. Emmanuel Todd remarquait que les agressions contre les étrangers avaient diminué à partir du moment où le FN émergeait électoralement. Au fond, à une révolte anarchique et brutale, ils ont préféré garder une attitude digne et civilisée. Que l’on soit d’accord ou pas avec le FN, que l’on soit réticent à l’égard de ses orientations successives – sinueuses, pour certains – ou que l’on ait une certaine réserve sur ses dirigeants, on doit reconnaître au FN un aspect essentiel : le maintien d’une certaine vertu politique. Après tout, ce n’est pas un mal.
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