par Olga Le Roux
L’extrait d’Arrêt sur image où un barbu très blanc, très sérieux et pas du genre « échappé de Cage aux folles », affirme n’être pas un homme et pas un blanc, défraie la chronique. D’abord on crie « Au fou », puis « Bravo, quel humour décapant !», puis « Il est vraiment sérieux ? », et Daniel Schneidermann, le journaliste qui interroge les quatre « person.ne.s invité.e.s, le prend au sérieux ».
Essayons de comprendre. Il ne dit pas être une femme, il refuse d’être assigné à un sexe, et quand un autre invité trouve que le plateau est bien blanc, il affirme contre toute évidence n’être pas blanc, sans prétendre être un Noir ou un Jaune, malgré un embryon d’argument – « je suis à moitié libanais » (ce qui nous apprend que les Libanais ne sont pas blancs !). Il refuse d’être figé dans un genre ou une race : dans ce petit cercle, Verdurin à sa manière, il peut représenter tout le monde, aussi bien les femmes que les person.ne.s racisé.e.s.
Mais alors, mais alors, je suis perplexe : comment a-t-il pu s’insérer dans le cortège de la Marche des fiertés, revu et corrigé par ceux qui, derrière la banderole « Queer et trans racisé.e.s contre l’homonationalisme », s’insurgent en criant “Stop au pinkwashing” de la Ville de Paris, de la police, des entreprises commerciales, etc.. » ? Ne me demandez pas ce qu’est le pinkwashing, puisque ce n’est pas du français. Donc il faut que se regroupent en tête des racisé.e.s. bien défini.e.s « trans et queer » quoi que cela signifie. Que va faire notre non-homme non-blanc, notre indéfini ? Courir entre les deux cortèges les racisé.e.s et les non-racisé.e.s ? Le mieux serait de créer une nouvelle catégorie qui ouvrira ou fermera la marche : le cortège des Ni-ni. Attention, pas des neutres, mais bien les indéfinis sexuellement et racialement.
Au Canada un parent transgenre a refusé d’indiquer le sexe de son enfant à l’Etat civil : « Je ne détermine pas le sexe de mon enfant », a fait savoir Kori Doty. « Ce sera à Searyl de décider, de développer son identité sexuelle quand le temps sera venu (…). Je ne vais pas dévoiler ses choix en me basant sur la détermination du sexe après la simple inspection de ses organes génitaux. » M’enfin, dirait Gaston, quelle idée aussi d’inspecter des organes génitaux ! Si, en février 2014 le site Slate constate qu’il existe 52 nuances de genre et semble s’en réjouir, en juin 2017 un député allemand en dénombre 60 : je n’ai pas vérifié.
De quoi perdre la tête et d’ailleurs ne la perdons-nous pas ? Il est réjouissant de voir que nombre de commentateurs sont gênés aux entournures, pleins de sympathie affichée pour la cause LGBTetc et en même temps bien conscients du coup que pareille déclaration, pareil pataquès lors de la Marche de cette année, rapprochés d’exhibitions douteuses dans certains cortèges, peuvent nuire aux homosexuels en général. Sans compter les initiatives de Mme Hidalgo dans les rues ou de M. de Rugy à l’Assemblée Nationale qui n’ont pas plu partout : l’excès de sollicitude finit par gêner et nuire. Où l’on rejoint les critiques – qui ne sont pas venues que de « l’extrême-droite homophobe et raciste » – contre la Fête de la musique à l’Élysée et la photo du couple présidentiel entouré de danseurs noirs et trans, comme au XIXè siècle des explorateurs dans une tribu lointaine : sourire figé, comme pressé d’en finir. Si le président dit apprécier le « buzz », n’est-ce pas qu’en occupant médias et réseaux, il occulte du coup les ratés politiques ?
Revenons à notre homme : en se plaçant au-delà ou en deçà de toute détermination, seul maître de son identité, ne se prend-il pas pour Dieu ?
Olga Le Roux
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