Entretien avec Philippe Mesnard, rédacteur en chef de L’Action Française 2000, sur le colloque “Dessine-moi un roi” du 9 mai prochain organisé par l’Action française.
La Ve République semble à bout de souffle et, bien que toujours très minoritaire, sa remise en cause progresse. Pourtant, ses contestataires ne sont pas toujours royalistes (Chouard, Dieudonné, etc.)… Comment le royalisme compte-t-il tirer son épingle du jeu et parler à ces porte-voix et populations très divers qui n’ont souvent en commun que le rejet du système ?
Le royalisme n’essaye pas vraiment de tirer son épingle du jeu, même si chaque mouvement aime augmenter son audience et son influence. Le royalisme est une proposition qui s’adresse à tous, par nature. Maurras a amené tous les membres de l’Action française au royalisme, alors que ses fondateurs étaient tous républicains. Aujourd’hui, la critique royaliste présente l’avantage de se situer réellement en dehors du système – et, si je puis me permettre, d’avoir un projet de société légèrement mieux construit que celui de Dieudonné… Au-delà du rejet, il y a surtout le désir de bâtir : c’est là que le royalisme se situe, au bout des analyses critiques, dans une véritable prospective.
Le roi au XXIe siècle, n’est-ce pas un peu anachronique ?
Rien n’est anachronique, sous le soleil. Il y a eu des rois, des empires, des républiques, des dictatures depuis que les hommes vivent ensemble – et encore aujourd’hui. Il suffit d’une part de considérer le monde, en évitant de croire que le modèle républicain français est le couronnement intellectuel et politique de toute l’humanité (humanité qui a tendance à considérer la France avec un mélange d’inquiétude, d’amusement, d’irritation et incompréhension), d’autre part de considérer les mouvements de l’histoire : c’est plutôt la Ve République qui est anachronique, par rapport à son propre référentiel de progrès, si on considère à quel point le peuple est écrasé d’impôt, soumis à de multiples servitudes et ignoré par ses dirigeants.
Dans un pays malheureusement de plus en plus multiculturel et de moins en moins croyant, quelle serait la légitimité d’un souverain ? A l’inverse, un pays où les Français n’ont plus rien à dire et à partager avec les Français n’a-t-il du coup pas un besoin vital de souverain comme ciment unique ?
Tout d’abord, un souverain tire sa légitimité de sa fonction : il est l’arbitre, le chef, celui qui incarne l’autorité. C’est une notion politique qui transcende toutes les cultures : le Président de la République française et le Roi du Maroc se légitiment de la même façon. Le Roi de France abandonnerait en outre la fiction d’une légitimité révocable, qui ne correspond absolument à l’exercice réel du pouvoir, en France, aujourd’hui, chaque potentat disposant d’un pouvoir qu’aucun citoyen ne peut contester et qu’aucun des rouages administratifs et prétendument représentatifs ne veut contester. Et effectivement, nous pensons qu’un souverain, libérant les Français du jeu des partis et les communautés de la nécessité d’affirmer leur identité faute de percevoir celle de la France, serait le meilleur ciment qui soit : capable tout à la fois de préserver des différences là où elles sont légitimes et d’assurer l’unité politique du pays là où elle est nécessaire. En bas les démocraties, en haut la monarchie !
Le roi n’empêche pas les maux du XXIe siècle, ainsi que le montre la situation de la Belgique, des Pays-Bas ou du Royaume Uni. Qu’est-ce que changerait un roi en France ?
Ce n’est pas le mot “Roi” qui est magique, ce sont les institutions qui font la force d’un pays, qui garantissent à une nation sa puissance intérieure et extérieure. Même si installer un Roi en France serait déjà un fort symbole d’unité, et une preuve que les Français ont réussi à dépasser les faux clivages politiques, ce ne serait évidemment rien sans l’installation d’un véritable royaume, c’est-à-dire de règles permettant de vivre ensemble, sans ironie. C’est tout l’objet du colloque “Dessine-moi un Roi” que d’explorer les conditions d’existence d’un roi en France au XXIe siècle : quels pouvoirs, quelles représentations, quelle justice, quelle diplomatie, etc.
Les royalistes français sont très divisés sur l’identité de l’hypothétique futur roi de France… Faut-il forcément un héritier ou plutôt un sauveur auquel les enfants succéderont ?
La question du prétendant est importante parce que les royalistes veulent un vrai pouvoir, et un vrai pouvoir doit s’incarner. Pour autant, elle n’est pas cruciale : j’aurais tendance à considérer que définir et établir les institutions est plus important – en tout cas, que ça doit être mené en parallèle des discussions (entre royalistes…) sur le prétendant. Et effectivement, l’une des voies pour établir de nouvelles institutions, c’est la recherche de l’acteur capable de cristalliser les énergies, Monk, aurait dit Maurras. Suscitons-le, accompagnons-le, établissons le trône ! Et ce sera déjà bien assez comme premier et décisif pas.
Pour les lecteurs que la question du royalisme intéresserait ou interpelleraient, quel(s) livre(s) conseilleriez-vous ? Comment assister à votre colloque ?
La réponse est limpide : venez à l’AF ! Lisez nos brochures ! Et achetez dans notre librairie. Sinon, la lecture de Maurras et Bainville reste fondamentale et éclairante, ainsi que celle des historiens du fait révolutionnaire, comme Philippe Pichot-Bravard (qui interviendra au colloque), par exemple. Le mieux, vous avez raison: c’est de venir au colloque : samedi 9 mai, à partir de 14h, au Forum de Grenelle 5, rue de la Croix-Nivert, Paris 15e. Métro Cambronne
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