Le Sénat sera-t-il sage ?

Tribune libre de Christian Vanneste*

Le Sénat veut honorer sa réputation. Loin des orages de l’Assemblée, le Palais conserve de ses origines florentines, le goût des ambiances feutrées, des échanges courtois, et des solutions mûries dans un paysage où la réflexion est faite d’ombre et de lumière. Davantage en retrait du grand public, moins soumis à l’urgence, avec plus de temps et d’expérience, les sénateurs doivent en principe voter avec une connaissance plus approfondie du texte et du savoir nécessaire à son examen, une meilleure appréhension de ses risques et des conséquences de son application. Cela dit, qui évoque Florence ne peut ignorer l’existence des complots ourdis par les confréries qui y prospéraient. Nul doute qu’elles sont à l’œuvre dans une assemblée rajeunie, politisée, dont beaucoup d’élus sont plus que jamais dépendants, non de leurs électeurs mais du parti qui rend leur élection possible. Le séïsme Cahuzac n’a pas fait trembler le Palais du Luxembourg, mais la tempête soulevée par la loi Taubira et renforcée par le mépris d’un pouvoir de moins en moins respectable est venue battre ses murs. À quelques voix près, comme l’a dit Philippe Marini, le Sénat peut rejeter une loi qui défie la sagesse proverbiale de cette assemblée.

Dans un certain nombre de pays développés, et vieillissants, une idéologie s’est développée qui exige l’instauration du « mariage homosexuel ». Propagée par une caste urbaine et cosmopolite, qui cultive l’individualisme hédoniste et tire sa puissance de son imbrication avec le vrai pouvoir de notre époque, celui de la Communication, elle répand trois fantasmes mortifères pour la société.

Le premier touche le grand public : le mariage unit deux personnes qui s’aiment. Le sexe ne compte pas. Seul, l’amour compte. Doublement illusoire ! D’abord, parce que le mariage a vocation à établir une relation durable entre deux personnes. Il peut n’avoir aucun rapport avec la passion amoureuse, le coup de foudre ou l’attirance vécue dans un contexte éphémère. C’est le contraire exact des Nuits Fauves. Les données connues des relations homosexuelles (Elles sont facilement accessibles à partir du Que Sais-Je ? de Jacques Corraze) soulignent le plus grand nombre de partenaires et leur caractère plus éphémère. En second lieu, le mariage n’a de sens que dans la mesure où il fonde une famille entre un homme et une femme capables de procréer, et de transmettre un patrimoine à leurs enfants, en établissant une solidarité au sein du couple et entre les générations. L’adoption dans ces familles offre les mêmes garanties aux enfants d’être élevés dans l’équilibre humain entre père et mère. L’exception des couples âgés sans enfants ne remet pas en cause la complémentarité des sexes et ne perturbe en rien le modèle de la famille qui structure le tissu social. Elle le soumet seulement au principe de l’égalité pour des personnes dans des situations semblables.

L’acceptation du primat sentimental par la société est un contre-sens qui favorise l’individualisme et la précarité des liens. La facilitation du divorce, celle de l’union libre, l’instauration du PaCS, formule choisie à 96% par des couples de sexe différent, les projets d’union civile de notre triste opposition, qui donne toujours l’impression d’être en retard d’une bataille, reposent sur ce primat sentimental et font exploser le modèle familial. D’une certaine manière, elles banalisent la relation homosexuelle, courte, facilement révocable et peu fidèle. Cette évolution a deux conséquences : la première est un creusement de l’inégalité des sexes : des hommes qui ont du mal à quitter l’adolescence d’un côté, et des famillles monoparentales de l’autre, c’est-à-dire une femme et « ses » enfants qu’elle a fait « toute seule » comme le dit la chanson. La seconde est le renversement des perspectives : comme il y a des « couples », de femmes essentiellement, qui élèvent des enfants, on demande que ces personnes de même sexe puissent convoler. Le divorce facilité et l’adoption par des célibataires ont balisé le chemin. Avec l’apparence de l’ordre dans la durée la loi Taubira est le dernier coup de pioche sur l’édifice. Elle ne concernera que peu de monde mais elle aura fini d’achever l’institution matrimoniale, pour ne laisser que le terrain nivelé du « n’importe quoi ».

Le second fantasme réside dans l’illusion du « tout est possible ». La confusion entre les progrès de la science et la quête de la liberté laisse penser que la nature va cèder infiniment devant la volonté humaine. Dans ce délire, les paradoxes abondent. Le plus cocasse est de voir à la tête du mouvement les « verts », respectueux de la nature à l’exception de celle de l’homme. Le plus absurde est la prétendue « théorie du genre » : le sexe serait une construction sociale et l’ »orientation sexuelle » une donnée primordiale. Le « choix » de son sexe, à défaut de celui de son « orientation », la fabrication d’un enfant dans un ventre loué, l’enfant parfait à la commande nous préparent un « Meilleur des Mondes », celui dont Raymond Aron avait justement dit : « En devenant maître et possesseur de la nature, l’homme s’est asservi lui-même à un projet inhumain ». Le vertige de la toute-puissance, c’est celui d’un homme qui au lieu d’assumer et de parfaire ses limites et son identité, veut les transgresser pour se sentir libre et finit par ne se sentir que vide. Plus d’homme, plus de femme, plus de père, plus de mère, des enfants non plus conçus par deux êtres différents et indispensables l’un à l’autre, mais « fabriqués » par PMA ou GPA, lesquelles viendront inévitablement compléter la loi : en fait, plus d’humanité ! Celle-ci a les moyens d’améliorer ce qu’elle est. Pourquoi s’en servirait-elle pour se détruire ?

Le troisième fantasme est celui de l’enfant dont on oublie un peu vite qu’il n’est qu’un futur adulte. Même si pour la société, sa venue au monde est le but de l’institution familiale, cet enfant n’est pas le centre du couple. Il en est la conséquence naturelle, et doit, lui-même, construire son identité. Celle-ci doit être à l’abri d’une attention trop soutenue en raison d’un contexte par trop inhabituel. L’enfant doit bénéficier d’une filiation claire, d’une référence aux deux modèles qui vont lui permettre de tisser sa personnalité, la mère « sûre » et le « père » flou, comme dit Aldo Naouri, avant qu’il n’aille la compléter dans les jeux, les compétitions et les études auprès de ses pairs. Bien sûr, cette situation peut connaître bien des variantes, celles notamment où les grands-parents se substituent plus ou moins aux parents, mais cela ne fait que renforcer la nécessité d’une filiation claire et continue. Enfin, contrairement à ce qu’affirme Christiane Taubira, les comparaisons statistiques effectuées entre les enfants ayant grandi dans des familles biologiques stables et ceux élevés dans d’autres contextes montrent que les différences sont grandes et qu’il y a un principe de précaution à appliquer en faveur de la famille biologique stable. L’étude Regnerus menée aux États-Unis, selon des méthodes scientifiques irréprochables, apporte cette conclusion que les sénateurs devraient méditer : « les enfants paraissent plus aptes à réussir dans la vie, une fois devenus adultes, dans de nombreux domaines lorqu’ils passent toute leur enfance avec un père et une mère mariés. »

*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.

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53 Comments

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  • VANNESTE : , 8 avril 2013 @ 12 h 16 min

    Sans perdre trop de temps à répondre à une attaque ad hominem à laquelle je suis habitué de la part de personnes pour lesquelles cela présente un avantage thérapeutique d’autant plus grand qu’ils ne sont pas malades…et compte tenu du fait que beaucoup ont déjà répondu pour moi, ce dont je les remercie, je veux rappeler que toutes mes citations sont parfaitement étayées et qu’il suffit de lire un peu pour s’en convaincre. En revanche, je signale que je porte systèmatiquement plainte contre ceux qui parlent de négationnisme à mon encontre. La lecture de “l’Etude sur la Déportation pour motif d’homosexualité en France” ou des “Années Erotiques 1940-1945” confirme totalement mes propos et au-delà puisque le dernier ouvrage souligne abondamment la présence d’homosexuels au sein de la collaboration. Pour ma part, ayant appris de Maurice Schumann, qu’il n’y avait pas eu de politique de déportation des homosexuels en France, en dehors des 3 départements rattachés au Reich, j’ai néanmoins maintenu mon soutien à la présence de triangles roses devant les Monuments aux Morts par solidarité européenne avec les Allemands qui en ont été victimes. La seule haine dans cette affaire, c’est la vannestophobie du lobby à mon encontre…

  • VANNESTE : , 8 avril 2013 @ 12 h 38 min

    J’oubliais deux choses :
    1) Je n ai pas été condamné. Le prétendre est une diffamation qui peut être poursuivie.
    2) Je n ai pas été exclu de l UMP, pour avoir dit la vérité. J ai quitté ce lamentable parti volontairement, parce qu il m avait trahi, comme il a trahi ses électeurs et ses idées.

  • Lea , 8 avril 2013 @ 13 h 03 min

    La pire homophobie provient souvent des homosexuels eux-mêmes.
    J’ai un ami homosexuel qui a été brutalement violé par d’autres homosexuels. Il s’en est tiré avec un traumatisme crânien.
    Vous en dites quoi ?

    Et il y a aussi ces statistiques :
    http://www.slate.fr/story/65941/violence-conjugale-couples-homosexuels

  • Eric D , 8 avril 2013 @ 13 h 19 min

    Cher marcogr,

    Je trouve votre capacité à répondre à tous ces gens/commentaires, exemplaire.
    Leurs réflexions sont systématiquement à l’opposé des miennes (chacun étant libre, après tout, quoi de plus normal) mais sont aussi parfois écoeurantes.

    Bien que je ne doute pas de votre énergie et motivation, je pense que vous ne devriez pas les gaspiller sur l’autel (sacrebleu) d’un site dont les contributeurs ont des relents…intégristes – extrémistes – royalistes – racistes (rayer la mention inutile, s’il y en a une), mais plutôt les utiliser sur des médias plus ouverts (monde, figaro, mediapart, libé, échos, arte, …)

    Laissons les lys dans le jardin et les grenouilles dans le bénitier

  • Eric D , 8 avril 2013 @ 13 h 29 min

    Cher Christian,

    Cordialement,

  • marcogr , 8 avril 2013 @ 20 h 27 min

    Cher Eric D
    Comme je suis curieux j’ai voulu savoir et c’est pour cela que je suis venu sur ce site, mais effectivement je n’y viendrai plus…
    Pour moi le dialogue nait de la curiosité et l’enrichissement de l’échange, il n’est pas là pour flatter des certitudes bien ancrées…
    Je crois aux libertés individuelles dans le respect de l’intérêt collectif, je crois aux traditions lorsqu’elles participent a enrichir une culture et ne sont pas un frein a une évolution souhaitée, je crois au respect des différences lorsqu’elles favorisent l’ouverture de notre société…
    Il me manque beaucoup d’éléments pour comprendre certains commentaires…
    Je vous remercie pour votre message et vais suivre votre bon conseil

  • marcogr , 8 avril 2013 @ 20 h 30 min

    Je suis heureux d’apprendre que vous n’êtes pas négationniste, je suis heureux aussi d’apprendre que vous n’avez pas été exclu de l’UMP et que vous n’avez pas été condamné pour propos homophobes…
    Mais que voulez vous, on trouve çà et là ce genre d’informations sur internet et il est bien difficile de faire la part des choses…
    Vous écrivez « toutes mes citations sont parfaitement étayées et qu’il suffit de lire un peu pour s’en convaincre » je ne doute pas que vous ayez trouvé ces informations sur des livres mais tout comme j’ai pu lire des choses qui se sont révélées inexactes sur votre sujet vous avez pu lire des choses contestables…Il se peut aussi que vous ayez choisi ces livres…
    Vous vous referez au Que Sais-Je sur l’homosexualité ? de Jacques Corraze (dont la première version date de 1982…) mais d’autres personnes pourraient tout aussi bien se référer aux propos du psychiatre et psychanalyste Serge Hefez pour arriver a d’autres conclusions.
    Avez-vous lu aussi le Que Sais-Je sur ‘homophobie de Daniel Borrillo
    Pour ma part je n’ai pas besoin de lire des livres sur un sujet que je connais parfaitement, je suis on ne peut mieux placé pour cela…Et je n’ai jamais éprouvé le besoin de m’informer sur l’hétérosexualité pour comprendre et apprécier mes amis, il s’agit de leurs vies pas de la mienne…

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