Tribune libre de Thibault Doidy de Kerguelen*
Et si l’affaire Cahuzac était une grande mystification ?
Posons-nous un instant dans un fauteuil moelleux, allumons un cigare (je suis désespérément non politiquement correct) et regardons tranquillement cette affaire.
Est-il possible que le gouvernement, le Président, son Premier ministre, le ministre des Finances, la garde des Sceaux aient pu ne pas être au courant que l’affaire allait exploser ? Indubitablement, non. L’homme par qui le scandale arrive, celui qui a enregistré la conversation (Cahuzac avait mal éteint son mobile alors qu’il était en conversation avec son avocat fiscaliste, ça s’invente pas, vous mettez ça dans un scénario de film, personne n’y croit !!!) a prévenu l’Élysée dès le mois de décembre dernier que tout était rigoureusement exact. Il s’est fait répondre que s’il avait quelque chose à communiquer, il devait le faire auprès de la justice (non encore saisie à cette poque, c’est-à-dire que la réponse revenait à dire “Vas te faire voir”). Cette attitude n’a rien d’étonnant de la part de François Hollande. Lorsqu’il était premier secrétaire du PS et qu’on l’interrogeait sur la fédération des Bouches-du-Rhône, il faisait la même réponse ; lorsqu’on l’interrogeait sur la fédération du Pas-de-Calais, il faisait la même réponse ; lorsque la mère de Tristane Banon était allée le voir à propos de la “tentative de viol” sur sa fille, il avait fait la même réponse. Hollande, c’est la doctrine du “pas vu pas pris”. Comme pour son copain Valls, la morale, c’est la loi et seule la justice est habilitée à dire si la loi est respectée. Il ne lui reste plus rien de l’éducation chrétienne et de la notion de conscience qu’en théorie son père et l’école Saint Jean-Baptiste de La Salle ont tenté de lui inculquer. La garde des Sceaux, c’est sûr, elle a su dès que la justice a été saisie, puisque tous les dossiers concernant des personnalités et a fortiori des ministres sont tous transmis à la Chancellerie, c’est la procédure et le procureur vient de confirmer que cette procédure a bien été respectée. Donc, le Premier ministre a été informé puisqu’il est inimaginable que devant un tel scandale potentiel, Taubira, aussi incompétente soit-elle, et son cabinet, aussi déserté soit-il, aient pris le risque de tout laisser sous le coude. Quand à Moscovici, probablement fut-il un des derniers avertis, mais il le fut, puisque c’est lui qui a réceptionné l’avis du procureur suisse évoquant une “escroquerie fiscale”.
“Hollande, c’est la doctrine du ‘pas vu pas pris’.”
Donc, Cahuzac a pris le risque d’accepter le poste et de s’y maintenir, Cahuzac a pris le risque de mentir éfrontement. Est-il crédible que cet animal froid et calculteur, maître de ses émotions, ait pris ces risques sans aucune garantie ? Je n’en suis pas convaincu. C’est un grand cynique et il pèse toujours le pour et le contre avant de décider. De même, ses amis ont pris le risque de l’y laisser tant que l’affaire n’a pas pris une tournure judiciaire incontrôlable. Est-il imaginable qu’ils aient pris ce risque s’ils ne pensaient pas à un moment ou à un autre pouvoir contrôler la chose ? Ont-ils vraiment laissé faire ou n’ont-ils pas réussi (pour des raisons que nous découvrirons dans quelques temps) à bloquer l’engrenage ? Nous le saurons très probablement plus tard. Avec le temps… non pas “tout s’en va” mais “tout se sait”.
En tout cas, lorsque le scandale a éclaté, la maîtrise et le self control ont repris leurs droits. Cahuzac est allé de lui-même reconnaître l’existence du compte. Faire preuve de collaboration, c’est bon pour la clémence et pour l’image. Il rapatrie les fonds sur Paris alors que rien ne l’y oblige. Là encore, il fait profil bas, se soumet et accepte de payer l’amende afférente, amende qui, néanmoins, risque de ne pas être minorée puisque M. Cahuzac lui-même a fermé la cellule de rapatriemnent et a refusé de la rouvrir. :-) Mais surtout, surtout, Monsieur Cahuzac reconnait l’existence d’un compte ayant reçu de l’argent non déclaré depuis… douze ans, précisant qu’aucun abondement n’avait été effectué depuis ! Trop fort, l’artiste ! La fraude fiscale est prescrite au bout de 10 ans ! S’il s’avère qu’aucune opération postérieure n’a été effectuée, s’il s’avère (c’est ce vers quoi s’oriente l’enquête) qu’aucune opération de blanchiment de cet argent n’a été effectuée, la procédure s’orientera inévitablement vers… un non-lieu. Cela semble plus que probable et, au regard de la manière dont il avait géré une autre affaire, il y a quelques années, de travail au noir, cela semble parfaitement cohérent avec la froideur, le cynisme et le pragmatisme du personnage.
Ce qu’il n’avait probablement pas prévu, c’est le déchaînement de ses amis sur le terrain “moral”. Ses frangins francs-macs qui le laissent tomber en plein milieu du gué malgré le serment qui les lie, ses copains du PS qui, tout à coup, n’attendent plus les décisions de justice pour le condamner, ses copains journalistes qui trouvent à travers lui l’exutoire leur permettant de flinguer le Gouvernement que pourtant 80% d’entre eux soutiennent, son avocat qui se défile, son “ami” Bartelone qui ne veut plus le voir à l’Assemblée nationale… Ce pragmatique matérialiste se trouve pris au dépourvu par un tel déchaînement de haine alors qu’il sait que, très probablement, il sortira de cette aventure sans aucune tâche judiciaire.
Et après ? Après, je propose que notre ex-ministre soit nommé à la tête d’une commission “fiscalité et réconciliation” ayant pour but de proposer un moyen de créer une vaste amnistie à l’égard de tous ceux qui ont fraudé ces dernières années moyennant un engagement civique et en contrepartie d’une refonte complète de notre système fiscal. Vous ne croyez qu’il serait l’homme idéal pour cela ?
*Thibault Doidy de Kerguelen est l’expert fiscaliste des Nouvelles de France. Il anime le site MaVieMonArgent.info.
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