Tribune libre de Christian Vanneste*
Les Grecs craignaient les Erinyes, des déesses de la vengeance qu’ils doivent, aujourd’hui, situer quelque part entre Bruxelles et Strasbourg. Nous avons les nôtres, assoiffées de revanche, promptes comme les tricoteuses de jadis à exiger des têtes. Le ton ne trompe pas : Batho, Duflot, Vallaud-Belkacem possèdent la vérité, haïssent la droite et n’ont pour leurs opposants qu’un mépris vindicatif. Les deux premières avaient désigné leur cible du week-end : les salauds qui roulent au diesel et tuent 49 000 Français par an, à cause des particules fines qu’ils émettent sans vergogne sous le nez de leurs compatriotes. Les particules fines sont promues « ennemi public n°1 », après la viande de cheval, le réchauffement climatique, sans oublier les OGM mais sont en fait les avatars du monstre aux mille visages : l’entreprise capitaliste de Peugeot à Total, en passant par Spanghero. L’offensive est menée en trois vagues : après le risque sanitaire, la sanction fiscale contre les utilisateurs du carburant tueur et enfin cadeau aux pénitents faisant « amende » honorable. Le mauvais camarade Montebourg qui ne perd jamais une occasion de se « démarquer », à défaut de relocaliser, rappelle alors que les constructeurs français (et leurs emplois), dans un pays qui achète 72% de véhicules roulant au diesel devraient être consultés. On apprend aussi que la circulation n’entrerait que pour un tiers des décès et qu’après les progrès réalisés, le problème n’existerait que pour les véhicules les moins récents. On comprend ensuite que l’objectif principal consisterait à faire rentrer dans les caisses de l’État les 7 milliards obtenus par l’alignement du diesel sur l’essence. Mais, dans une logique typiquement socialiste, ces rentrées fiscales financeraient une dépense nouvelle, une « prime à la casse ». Le socialisme consiste à « pomper » davantage l’argent privé issu du travail pour l’ « injecter » davantage dans la dépense publique sous la forme d’une assistance. Au centre du dispositif, l’État tout puissant, sans lequel rien n’est possible, est détenteur de la vérité, et ses ministres les propagateurs de la foi. Lorsqu’on dit à Mme Batho : « Bon, vous restaurez la prime à la casse », elle s’en étrangle ! Rien à voir ! Cette fois, ce sera « vertueux ». Pas question de financer l’achat de voitures polluantes construites à l’étranger ! Le mariage de la préférence nationale et de l’écologiquement correct. Pourtant, cette mesure qui ne pourrait avoir d’effet qu’à très long terme est malheureusement, et au-delà son manque de sérieux remplacé par une agressivité inutile, l’expression typique d’un mal français : la bougeotte fiscale !
“Le socialisme consiste à « pomper » davantage l’argent privé issu du travail pour l’ « injecter » davantage dans la dépense publique sous la forme d’une assistance.”
Depuis des décennies, les Français se sont convertis majoritairement au gas-oil. Les raisons en sont claires : le diesel permet des économies de carburant et son régime fiscal une moindre dépense pour le consommateur. Celui-ci acceptait d’acheter une automobile plus chère pour réaliser une diminution de la dépense de fonctionnement : exactement ce que l’État donneur de leçons est incapable de faire à son niveau. Les constructeurs français avaient acquis une compétence et une avance dans ce domaine : bonne affaire pour nos entreprises et pour l’emploi, car cet avantage fiscal destiné aux véhicules à usage professionnel a été perçu par une majorité de Français et favorise le « fabriqué en France », puisque la quasi-totalité des automobiles construites dans l’hexagone ont un moteur diesel. Le diesel a un rendement supérieur et donc un rejet de CO2 moindre au kilomètre. L’avance technologique a également permis de diminuer l’émission de particules fines par l’amélioration des filtres . Le seul inconvénient économique provient de l’insuffisance des capacités de raffinage pour ce carburant. La France a peut-être trop de raffineries, mais elle importe 1/3 de son gas-oil. Total n’est d’ailleurs pas hostile à l’alignement fiscal qui lui permettrait de justifier l’arrêt de ses investissements en direction de ce carburant. En énumérant ces aspects du problème, on mesure le manque de sérieux de la proposition qui pourrait servir d’exemple de l’errance fiscale, et politique d’ailleurs, française.
“La cacophonie fiscale française consiste au contraire à brouiller le message par la multiplicité des dispositifs, à créer l’insécurité par un incessant va-et-vient sur les mesures, à générer l’immobilisme par des messages anxiogènes et punitifs fondés sur la peur du risque, à condamner et à réprimer la réussite sans pour autant, loin s’en faut, faire progresser l’égalité.”
Une fiscalité doit être l’expression d’une politique. Elle doit être simple, compréhensible, aller dans une direction et viser un ensemble d’objectifs logiquement liés les uns aux autres. C’est à ce prix qu’elle peut inspirer la confiance qui est le « moteur essentiel » de la croissance et du succès économique. La création de richesses avant leur distribution, la priorité nationale accordée à la production et à l’emploi, mais aussi à la natalité, l’encouragement de la recherche et du risque, de l’esprit d’entreprendre, le soutien à un excédent dans nos échanges constituent un discours cohérent dans lequel les objectifs de santé publique et d’environnement doivent s’insérer sans le contredire. Or la cacophonie fiscale française consiste au contraire à brouiller le message par la multiplicité des dispositifs, à créer l’insécurité par un incessant va-et-vient sur les mesures, à générer l’immobilisme par des messages anxiogènes et punitifs fondés sur la peur du risque, à condamner et à réprimer la réussite sans pour autant, loin s’en faut, faire progresser l’égalité. Le résultat est pittoresque : un État endetté pour une nation d’épargnants trop prudents, un pays où il est sans doute plus malin d’être un agent public un peu combinard plutôt qu’un entrepreneur inventif et courageux, des Français comme les rats de Laborit, passant d’une cage à l’autre pour être toujours fiscalement électrocutés. Alors, soit on ne bouge plus, soit on voyage, en Suisse ou ailleurs, si on en a les moyens. Après le bonus/malus, l’écotaxe, du gouvernement socialiste précédent, voici l’alignement fiscal du diesel, en attendant la fiscalisation des allocations familiales. Duflot et Batho, malgré leurs noms aux sonorités marines, ne nous emmènent pas à Cythère, pas au pays de la moindre dépense publique, mais à celui de la flagellation fiscale. Sartre imaginait les déesses de la vengeance sous la forme de mouches. Mouches du coche peut-être, mouches du vinaigre que les Français vont devoir ingurgiter les prochaines années, à coup sûr !
*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.
11 Comments
Comments are closed.