François Hollande, durant son mandat, aura beaucoup voyagé. Dans les derniers mois, on annonce qu’il voyagera plus encore. Il s’agira de prendre du recul, de la hauteur, de tenter désespérément de laisser une image avantageuse de lui et du rôle qu’il aura joué sur la scène internationale. En creux, cela lui permettra d’échapper aux primaires socialistes, à ce marigot rempli par les crocodiles qui l’ont obligé à se retirer de la course, la foule des Brutus qui ont achevé un César, qui, à vrai dire, s’était déjà condamné lui-même, à force d’indécision et de légèreté. François Hollande n’a pas été au rendez-vous de la mission que lui ont confiée les Français. Les quelques résultats positifs enregistrés par notre économie, plus tardifs et plus poussifs que chez la plupart de nos voisins, partenaires ou concurrents ne pourront pas changer l’opinion de Français qui s’estiment mal gouvernés. La gauche aura le choix entre valoriser cette modeste embellie, comme le fera Valls, ou appeler à un retour à un socialisme pur et dur. Il faut espérer que les électeurs renverront dos à dos la médiocrité et la folie suicidaire pour prendre conscience du gâchis accumulé depuis des décennies et du temps compté pour redresser le pays.
A défaut de se jucher sur l’inversion de la courbe du chômage, bien fragile et encore plus douteuse, le Président de la République veut laisser de lui l’image d’un protecteur, de l’adversaire résolu du terrorisme à l’intérieur, et plus encore à l’extérieur. Le plus grand jour de son quinquennat eut lieu à Bamako après l’intervention des troupes françaises qui empêchèrent la chute du Mali, et permirent la reconquête sinon la pacification du nord du pays. Il avait pris vite la bonne décision et pouvait même laisser entendre à juste titre que ce sauvetage réussi venait réparer en partie la bourde de son prédécesseur, l’attaque de la Libye et le chaos qui s’en est suivi pour ce pays. Hélas, pas plus qu’une hirondelle ne fait le printemps, une seule bonne opération ne fait un bilan positif. Au Mali, la France assurait ses arrières et intervenait dans son pré carré pour soutenir un de ces Etats qui dépendent encore en grande partie d’elle. En revanche, la ligne suivie sur la scène internationale fut moins heureuse. Elle consista à suivre docilement la politique pour le moins ambiguë de l’administration Obama. Ce dernier avait rompu avec la stratégie agressive de son prédécesseur, justifiée selon ce dernier par les attentats du 11 Septembre 2001. Les flatteries distribuées à l’islam au Caire, l’encouragement ainsi donné aux Frères Musulmans, et le soutien apporté à l’illusion du Printemps Arabe, en même temps que le désengagement des troupes américaines, notamment en Irak, ont au contraire exacerbé les problèmes posés par la gestion calamiteuse de G.W. Bush. Tandis que les foyers de guerre se multipliaient, Washington, se trompant d’ennemi continuait d’entretenir la guerre froide contre la Russie tout en maintenant, avec plus de retenue, ces derniers temps, des liens privilégiés avec le Royaume wahhabite d’Arabie Saoudite. Pendant que l’armée irakienne et les milices chiites peinent à reprendre Mossoul, les Saoudiens s’efforcent avec difficulté de réduire les rebelles chiites du Yémen. En Syrie, l’armée turque et ses alliés, rebelles de l’Armée syrienne libre, sunnites, se heurte à l’Etat islamique, dont la capacité de résistance est étonnante. Mais chacun sait qu’elle vise aussi les Kurdes qui combattent également l’Etat islamique. Ce sont les avions russes qui sont venus appuyer les chars turcs. En résumé, les Etats-Unis d’Obama sont à la fois alliés et fournisseurs d’aide aux Turcs, aux Kurdes, aux Irakiens chiites et aux Saoudiens sunnites, ennemis les uns des autres. Dans cette purée de pois, le seul ennemi clairement désigné est la Russie de Poutine ! On ne peut mieux résumer la folle stratégie de Washington, dont il faut souhaiter que Trump se délivre résolument. Malheureusement, François Hollande, non content de suivre Obama a voulu aller plus loin, en désirant agresser militairement la Syrie, sans tenir compte de l’expérience libyenne et du réveil russe. Obama lui a dit non ! Par ailleurs, il a développé une diplomatie de séduction envers l’Arabie saoudite, certes attirante par sa richesse et les contrats mirobolants qu’elle laisse entrevoir, mais aussi l’un des pays du monde les plus éloignés des valeurs dont notre Président ne cesse de se réclamer, et peut-être aussi l’un des « régimes » les plus fragiles, contrairement aux apparences, puisque contesté à la fois par sa forte minorité chiite soutenue par l’Iran et aussi par les factions les plus extrémistes du salafisme dont elle se réclame et qui l’accusent d’hypocrisie et de trahison.
Pour se faire une idée de la dérive des politiques américaine puis française, il faut lire deux ouvrages. Le premier est celui de Richard Clarke, « Contre tous les ennemis », qui souligne à quel point une super-puissance, ses administrations nombreuses et concurrentes, peuvent faire la pire erreur qui soit en politique, se tromper d’ennemi. Clarke disait et visait Al Qaïda, et on lui répondait Irak. Mais pour lui, l’ennemi était le terrorisme, cette abstraction qu’il voulait séparer des Etats musulmans et de l’islam, alors même qu’il savait combien le mur séparant les Etats du Golfe, leurs oeuvres humanitaires et le terrorisme était poreux. Le second ouvrage est celui d’Alexandre Del Valle, « Les Vrais Ennemis de l’Occident ». Il insiste au contraire sur les liens entre le terrorisme et l’islamisme, c’est-à-dire les pays les plus riches et les organisations les plus puissantes, qui animent le réveil de l’islam. Ce phénomène ne peut se limiter à « daesh », ni au terrorisme. Il infeste la réalité musulmane actuelle. Le premier acte courageux et intelligent consiste à le nommer, pour le combattre ensuite en tant que tel. Désigner aujourd’hui la Russie ou le gouvernement légal de la Syrie comme les ennemis, c’est commettre la même erreur que celle qui accusait l’Irak en 2003. Eviter les mots qui fâchent et penser que la prise de Mossoul sera la victoire contre le terrorisme révèlent seulement que François Hollande n’a pas pris la mesure du problème. Décidément, même au plan géopolitique, ses choix auront été mauvais !
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