Dieudonné, un nouveau Chevalier de la Barre ?

Dieudonné est grossier, irrespectueux, mais talentueux, ceci n’excusant pas cela. En 1765, en Picardie, trois jeunes freluquets s’illustrèrent par quelques blasphèmes que l’Église et le pouvoir entendirent réprimer avec la dernière sévérité. La liberté d’expression n’avait pas alors cours. On embastillait pour une plaisanterie ou une irrévérence ! Voltaire s’interposa. On connaît le mot qui lui est attribué, resté fameux: “je ne suis pas d’accord avec vous, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire”. En Picardie, Voltaire sauva deux têtes, la troisième périt de façon atroce. C’était celle du Chevalier de La Barre. Nous étions alors à la fin de la monarchie !

Madame Taubira est garde des Sceaux, mais publie dans Le Huffington une tribune d’une rare violence. Il était déjà surprenant qu’une garde des Sceaux étale ses opinions au grand jour, comme le ferait un éditorialiste. Moi qui croyait qu’elle était avant tout la garante du fonctionnement de la “justice” (métonymie par laquelle on désigne les institutions judiciaires promulguant des jugements de droit). À ce titre, Christiane Taubira sort de la réserve naturellement attachée à sa fonction. Avec elle, la “justice” court le risque de partialité !

Que dit en substance Christiane Taubira? Qu’avec Dieudonné (car, sans être nommé, c’est bien de lui dont il s’agit !), la démocratie est parvenue à l’extrême limite du tolérable ! Selon elle, l’humoriste menacerait la France du retour d’un fascisme semblable à celui de l’Allemagne de 1933, qu’elle évoque non sans lyrisme indigné. “Comment faire face à cette nouvelle épreuve pour la démocratie ?” dit-elle, feignant la coupable indulgence. Cette seule menace justifie à ses yeux un sursaut de la démocratie : “…elle doit être capable de se défendre. La liberté d’expression doit demeurer le principe. Ce principe ne peut servir de paravent à des ignominies. Ce qui relève du débat public doit être débattu. Ce qui relève de la Justice doit être sanctionné. Ces ignominies sont des délits. Elles sont matière pour la Justice.”

“Ses provocations putrides testent la société, sa santé mentale, sa solidité éthique, sa vigilance. Il nous faut y répondre, car la démocratie ne peut se découvrir impuissante face à des périls qui la menacent intrinsèquement. Il faut donc descendre dans l’arène, disputer pied à pied, pouce par pouce l’espace de vie commune, faire reculer cette barbarie ricanante, la refouler, occuper le terrain par l’exigence et la convivialité”, dit-elle encore. Quant à ceux qui auraient le malheur de “s’esclaffent devant le talent stérile” de Dieudonné, la ministre les voue aux gémonies du crétinisme. Ils ne sont “qu’esprits irresponsables ou incultes ou pervers”. Qu’on se le dise !

Christiane Taubira demande rien moins que la création d’un instrument juridique de répression de “l’ignominie”. Elle demande, en quelque sorte que l’on applique à Dieudonné la sévérité subie par le chevalier de La Barre, oubliant en cela la plus élémentaire leçon de Voltaire. À quoi pense-t-elle ? Une loi martiale ? Une cour de justice discrétionnaire, flanquée d’une police politique, laquelle ne serait pas sans rappeler les tristement célèbres Stasi ou KGB ?

Qui cependant définira ce qu’est l’ignominie ? Dieudonné œuvre-t-il vraiment pour le retour des “heures les plus sombres” comme tente de nous le faire croire la ministre ? Ailleurs, d’aucuns (nombreux) trouvent ignominieux les blasphèmes proférés à l’encontre des représentations chrétiennes (Avignon, ou encore les spectacles de Castelucci donnés au théâtre – gavé de subventions publiques – du Rond-Point). Évoquons encore l’insupportable dérision – ignominieuse – dont le monde politique fait l’objet de la part des “Guignols de l’info”, dérision qui discrédite la politique – et donc la démocratie. Ces ignominies (non répertoriées mais patentes) feront-elles l’objet de la même sévérité de la part de madame Taubira ?

La liberté d’expression, je le crains, ne se découpe pas en tranches, en quartiers ou en morceaux ! À vouloir le tenter, Christiane Taubira n’ouvre-t-elle pas une boîte de Pandore dont elle ne soupçonne pas les dangers ? Et que penser d’un État dont les représentants élus passent leur temps à se mêler de débats de société que la démocratie leur impose de garantir en impartialité ?

> Rolland Goeller anime un blog.

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89 Comments

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  • jeanluc , 7 janvier 2014 @ 10 h 43 min

    Les Africains gentils ? Vous avez vu ça où ? Dans “Tintin au Congo” ? Tous les massacres qui se sont déroulés et se déroulent encore et tous les dictateurs ubuesques corrompus ne montrent pas tellement de gentillesse. La cruauté et la violence font l’histoire de l’Afrique.

  • Mizette , 7 janvier 2014 @ 11 h 35 min

    La chasse à Dieudonné, à la quenelle, à tout ce qui critique ou s’amuse des juifs est ouverte.
    Non pas que j’aime Dieudonné, mais…
    Quand les politiques s’attaqueront-ils aux musulmans rapeurs qui “chient sur la France, la baise, voudraient y mettre le feu”, insultent nos aieux comme jamais Dieudonné ne l’a fait avec les juifs.
    Quand les politiques donc, jetteront-ils ces gens là hors de France, si notre pays leur déplaît tant, que font-ils chez nous, à part profiter d’autant d’argent qu’ils veulent, sans travailler.
    Ils bénéficient d’une “discrimination positive”, cette expression me fait bondir.
    De plus, ils sont protégés par les mêmes politiques de tous bords.
    Ils peuvent impunément dealer, voler, violer, cambrioler, attaquer les plus faibles qu’eux, surtout lorsqu’ils attaquent en nombre…
    J’ai bien une idée du pourquoi de la protection de ces nuisibles dont je parle, mais elle est tellement tordue que je crains de vous en faire part.
    J’y reviendrais.

  • Goupille , 7 janvier 2014 @ 11 h 56 min

    Arrêtez votre paranoïa et cessez de ramener éternellement les débats et la terre entière autour de votre nombril…
    Arrêtez, parce que cela va finir par agacer. Même Yehoudi Menouhin en parlait. A l’époque déjà.

    Alors, de grâce…
    Cela ressemble à de la provocation.

  • Goupille , 7 janvier 2014 @ 12 h 12 min

    C’est la fraîcheur des socialos…
    Souvenez-vous des petits carnets des pots-de-vin dans l’affaire Urba.
    Sont tellement bouffis qu’ils se prennent pour des soleils. Nous méprisent tellement qu’ils s’imaginent nous éblouir.

    Pauvres lumignons, pauvres gens…

  • Le curseur , 7 janvier 2014 @ 13 h 41 min

    “Qui ne confesse pas JESUS, confesse Satan”. Pape François.

    Qu’en penses-tu David ?

  • monhugo , 7 janvier 2014 @ 14 h 48 min

    Le “peuple” de Mb2, quel est-il ? Celui des allochtones, des métisses, des islamophiles.
    Le plus simple pour s’assurer un tel auditoire fervent est de taper sur ce qu’il exècre par réflexe, ce “peuple” : le Juif.
    Ce faisant, est-ce de la conviction politique qu’exprime le griot ? On peut en tout cas remarquer que c’est “alimentaire” aussi, version gavage. Mb2 vit de son antisémitisme (“antisionisme”). Il en vit même très bien.
    Son “virage” militant ne date pas d’hier. Il avait auparavant tapé sur les Catholiques : beaucoup moins lucratif !
    Posez-vous, MM. qui, ici, rejoignez avec enthousiasme les rangs de ses disciplines, via le PQ grandissant, quelques questions de bon sens :
    – pourquoi les amendes pénales précédentes n’ont jamais été réclamées à Mb2 avant aujourd’hui ?
    – pourquoi, il y a un an à peine, a-t-on laissé fonctionner à nouveau son mécanisme juridique d’insolvabilité – rachat de sa propriété acquise en nom propre par une société faite de 2 femmes de paille, ses épouse et mère, après saisie du fisc pour très gros arriérés d’impôts ?
    – pourquoi cette stratégie à très grande échelle justement aujourd’hui, contre lui ?
    La tolérance des pouvoirs successifs à son encontre “interpelle”. En agissant bruyamment, Valls entend ratisser large. Satisfaire le lobby juif, via les attaques sur la Shoah à faire cesser (on sait bien que seuls les Juifs ont souffert en France, dans toute l’Histoire – rappelé avec feu par le ministre dit de l’Intérieur sur Canal +, hier soir) : “normal”. Mais on peut le faire “vertueusement”, parce que le PQ est maintenant banalisé – avant, fustiger avec cette belle énergie un métisse, admiré et soutenu par des allochtones musulmans, paraissait…. délicat. Tout le monde va sentir passer le vent du boulet.
    Censure pour tous, c’est maintenant.
    “L’affaire Dieudonné” n’est qu’une mise en bouche.

  • monhugo , 7 janvier 2014 @ 14 h 52 min

    Erratum ! Lire bien sûr “disciples” (et non “disciplines”).

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