Je comprends, et je ne comprends pas.
Je comprends le désespoir des électeurs de gauche qui ont la perspective de choisir entre le président fantôme, le premier ministre ambigu et Martine Aubry archaïque.
Je comprends le désarroi des électeurs de droite qui se voient tiraillés entre un Nicolas Sarkozy qui les a déjà déçus, un Fillon ambigu et Alain Juppé archaïque.
Je comprends la réaction des électeurs qui rejettent tous ces candidats potentiels en adoptant Marine Le Pen dont le programme est pourtant incohérent et suranné.
Je comprends davantage encore tous ceux qui se préparent dès maintenant à s’abstenir, un Français sur deux peut-être : ils ont perdu toute confiance dans la classe politique actuelle et ne voient pas poindre à l’horizon électoral l’homme ou le parti providentiel.
Mais précisément je ne comprends pas que l’on réduise le débat politique au vote, ni la démocratie à l’isoloir. Aborder en 2014 les dramatiques problèmes de notre pays par des supputations sur la décision à prendre dans l’isoloir en 2017 (ou avant !) n’est pas la meilleure façon pour des citoyens conscients de traiter lesdits problèmes. Certes les médias se régalent du combat des chefs, des discours creux, ou mensongers, ou décalés, ou haineux. Le débat d’idées ne les intéresse pas ; ce n’est pas nouveau. Ils maintiennent une grande partie de la population sous anesthésie intellectuelle, en coma politique.
Voir l’avenir de l’économie et de la société françaises à travers un vote, c’est se soumettre aux initiatives de la classe politique. C’est accepter ses manœuvres, ses trahisons et ses inepties. C’est imaginer que le salut ne peut venir que d’en haut. C’est limiter l’ambition politique du citoyen à choisir le moindre mal. Finalement, c’est se démettre. Il y a mieux à faire.
Ce qui est à faire, c’est de convaincre. Pour convaincre, il faut avoir non seulement des convictions, mais de bonnes convictions. Je ne pense pas que vous soyez convaincus par la vulgate marxiste qui s’est propagée dans notre corps social depuis un demi-siècle par les canaux de l’appareil syndical, de l’éducation nationale, de l’ignorance et de l’indécence médiatiques. Etes-vous pour autant convaincus par la troisième voie, par l’impossible alliance de l’étatisme et de la liberté ? Je ne le crois pas non plus. Donc, nous sommes tous convaincus que les Français veulent retrouver leurs libertés.
Reste à faire partager cette conviction libérale au plus grand nombre de personnes autour de nous. Observons le plein sens du mot conviction. Convaincre, c’est vaincre ensemble : sont tous deux vainqueurs celui qui a des convictions et celui auquel il les fait partager. C’est donc un service rendu à la communauté que de diffuser un message de liberté et de responsabilité.
Ce service, il est attendu par une grande majorité de Français, qui ne savent plus où donner de la tête, traumatisés par des décennies de coups bas portés à la réalité, à la vérité, à la justice.
Cependant, pour rendre ce service, il faut satisfaire à plusieurs exigences. La première est celle de la compréhension ; il ne faut pas verser au sectarisme, la rigueur de la pensée n’emporte pas l’écrasement de ceux qui ignorent. La deuxième est donc celle de l’écoute, que nous appelons parfois empathie, c’est-à-dire art de se mettre à la place des autres, d’analyser leurs insatisfactions et d’y porter remède. La troisième est celle de l’exemplarité ; pour convaincre, il faut inspirer confiance. La quatrième est celle de l’approfondissement : travailler sans cesse à étayer notre argumentaire par la réflexion personnelle, éclairée par la lecture et la rencontre.
C’est beaucoup demander, c’est peut-être la raison pour laquelle nous mettons souvent nos convictions dans la poche et nous nous abstenons de dire ou de faire, et finalement nous acceptons le terrorisme intellectuel. En revanche, ce qui est source d’efficacité et d’espoir, c’est de savoir que nous ne sommes pas seuls, c’est de cheminer en compagnie d’autres apôtres de la liberté, c’est de découvrir qu’autour de nous des dizaines de personnes reçoivent notre message. Et de dizaines en dizaines, ce sont des milliers de Français qui peuvent retrouver espoir. Ainsi, la société civile dont nous tissons les mailles sera-t-elle en quelques mois capable d’influencer le vote au moment venu.
Faire l’économie des convictions et aller droit au vote, c’est gaspiller son droit de vote, c’est donner mandat à ceux qui promettent sans tenir, qui dirigent sans boussole, qui asservissent sans scrupule. Rappelons-nous cet avertissement prêté à Socrate : « Si tu ne t’occupes pas des choses de la Cité, d’autres s’en occuperont ».
> Cette tribune est publiée en collaboration avec L’ALEPS.
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