3 questions à Philippe de Villiers. Après Le Roman de Charette puis Le Roman de Saint-Louis vous publiez cette année un Roman de Jeanne d’Arc. N’êtes-vous pas en train de créer un nouveau style littéraire entre la biographie et le roman historique ?
Jeanne d’Arc est et demeure le plus formidable trait d’union que l’Histoire ait jamais inventé entre le Ciel et la Terre. Et en même temps, elle est et elle demeure le plus pur chef d’œuvre que le génie allégorique français ait jamais déposé dans notre littérature. Elle est donc une héroïne incomparable, la plus grande de notre Histoire. Elle est chantée, louée, portée sur les autels par-delà les siècles, les « sensibilités » comme on dit aujourd’hui, les opinions parce qu’elle est plus grande que chacun d’entre nous et que chacune de nos singularités.
En faisant cette trilogie – sur la résistance populaire avec Charette, sur la tempérance et le bien commun avec Saint Louis, et sur l’espérance avec Jeanne d’Arc – j’ai voulu mettre à la portée des générations ce triple retour, à travers cette trilogie, à la source primordiale de la grandeur française.
Il y a deux ans vous nous avez décrit la vie d’un homme qui a incarné la résistance populaire pour la liberté, l’année dernière sous les traits de Saint Louis vous avez décrit le chef d’Etat idéal pour notre pays, cette année en racontant sainte Jeanne d’Arc, quel message voulez vous faire passer à vos lecteurs ?
Jeanne d’Arc, je veux lui rendre son humanité et la mettre à la portée des nouvelles générations. Je trouve que depuis trop longtemps et trop souvent, on la regarde comme une sainte d’enluminure, accrochée tout là-haut, tenture sacrée, et j’ai voulu déposer la tapisserie et lui rendre une part de ses fragilités, de ses vraisemblances, retrouver la vérité de ses émois, de ses désarrois, de ses éblouissements.
Quelles leçons Jeanne d’Arc peut-elle donner à notre société contemporaine ?
À travers la vie de Jeanne d’Arc, il y a plusieurs permanences qui trouvent aujourd’hui toute leur actualité.
D’abord la trahison des élites : on y pense inexorablement quand on compare le traité de Troyes au traité de Maastricht. A un moment donné, les élites trouvent que la souveraineté est trop lourde à porter, on la transfère à l’étranger, hier aux Anglais, aujourd’hui à Bruxelles, ou à Washington, ou à Berlin.
Il y a une deuxième permanence, qui est très importante : pour Jeanne le pouvoir s’imprègne de pérennité et de sacralité, c’est pour cela qu’elle veut absolument conduire le Dauphin à Reims, parce qu’elle dit : « Charles de Valois recevra plus de force d’une seule goutte d’huile sacrée que de dix mille lances ». Qu’est-ce que le pouvoir ? Qu’est-ce que la légitimité du pouvoir, Qu’est-ce qu’un pouvoir légitime ? Grandes questions d’actualité, au moment où on voit que la politique est devenue un cloaque, un marécage, où il n’y a plus de pouvoir, où il n’y a plus de politique.
Et puis la troisième leçon, la plus importante : quand tout est désespéré, rien n’est désespéré, il y a toujours l’espérance. La France est un mot qui rime avec souffrance et avec espérance, pour que les jeunes gens qui voient la France s’abîmer ne désespèrent pas.
Retrouvez Philippe de Villiers ce dimanche à la Fête du livre de Renaissance catholique :
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