Les occidentaux préfèrent la guerre de la communication à la guerre elle-même. C’est entendu, les bombes russes ne tuent que des civils et leurs cibles sont les glorieux résistants de « l’Armée Syrienne Libre », armés et formés par les Américains. Peu présents sur le terrain, ayant tendance à s’évanouir avec armes et bagages dans les groupes djihadistes, les voilà soudain plus réels lorsqu’ils deviennent les victimes de l’intervention russe. Que celle-ci ait lieu à la demande de l’Etat syrien quand la coalition internationale arme ses opposants et viole en permanence son espace aérien sans aucun mandat pour faire semblant de ne s’attaquer qu’à l’Etat islamique est ignoré par la bonne conscience occidentale. Elle a décidé ce que voulait le peuple syrien, ce qu’il était, et quel devait être son avenir. Elle ne semble nullement troublée par le fait que ses « alliés » sont en partie des régimes féodaux, inspirés par le wahhabisme, dont la richesse a financé la rébellion syrienne avec le concours de la Turquie, et qui bombardent dans l’indifférence générale la population yéménite chiite. L’ennemi étant à la fois Bachar et daesh, ce qui est entre deux est nécessairement un allié, par exemple « l’Armée de la Conquête » qui regroupe Al-Nosra, c’est-à-dire Al-Qaïda en Syrie et Ahrar-Al Sham, soutenue par l’Arabie saoudite, le Qatar et qui prospère comme par hasard non loin de la frontière turque… Il parait naturel à Washington de ne pas s’attaquer aux affidés du groupe terroriste du défunt Ben Laden, parce qu’ils sont frères… ennemis de l’Etat islamique. Mais si on se souvient de la désinformation entretenue par les Occidentaux laissant à croire que « daesh » était une création machiavélique de l’abominable Bachar, on commence à avoir de sérieux doutes sur la bonne foi américaine. On se remémore les allégations sur les armes de destruction massive de l’épouvantable Saddam… Les Etats-Unis nous font du cinéma et la France a tendance à reproduire le film en poussant à l’excès le scénario et les dialogues. Hollande en enjoignant au Président russe de limiter ses attaques à « daesh » sous prétexte de maintenir l’unité de la Syrie vient de montrer sa complicité avec les autres terroristes comme Al-Nosra, sa méconnaissance de la réalité syrienne et son ingérence dans la politique intérieure d’un pays. La Russie n’a nullement envie de dominer le monde et d’imposer une idéologie. On ne peut en dire autant des Etats-Unis. C’est le changement considérable depuis la chute du mur de Berlin. La politique de la France aurait tort de l’ignorer.
La Russie a le mérite, dans cette affaire, de la cohérence et d’une dose de bonne foi évidemment limitée sur la scène internationale, mais supérieure à celle des occidentaux. Les Russes soutiennent leur vieil allié baasiste syrien, protègent ainsi leur dernière base en Méditerranée, et considèrent que cette dictature avait le mérite de maintenir un ordre plus bénéfique aux populations que le chaos suscité en Irak, en Libye et en Syrie par la politique occidentale. Ils s’attaquent donc aux groupes terroristes, aussi bien l’Etat islamique que ses rivaux de » l’Armée de la Conquête », ou encore « le Front islamique », qui comprend les partisans des »Frères Musulmans », bénéficiaires du « Printemps arabe » dans un premier temps, et dont on a pu mesurer la nocivité en Egypte. Le « Printemps arabe » s’est révélé un leurre. Là où les Occidentaux croyaient semer la démocratie, ils ont récolté l’islamisme. Ne pas faire de distinction entre des terroristes est plus logique que de préférer ceux que soutient le wahhabisme du Golfe aux salafistes qui pourraient le récupérer à leur profit. Etre allié de monarchies absolues et rétrogrades, et de groupes terroristes « modérés » n’a rien de glorieux pour notre pays. De deux bourreaux, il faut choisir le moindre, celui qui ne menace ni la paix ni la stabilité du monde. Jusqu’à présent, il est peu probable que l’aviation russe ait pilonné les résidus de « l’Armée Syrienne Libre », les modérés « pur jus ». Ce groupe assez virtuel n’occupe que l’extrême sud de la Syrie, non loin des frontières israélienne et jordanienne. C’est le « chouchou » de l’Occident qui l’aide à partir de pays amis. Les raids des « Shukoi » n’ont pas eu lieu dans cette région.
Le vieux débat entre la solution militaire et la solution politique a resurgi. La France, comme d’habitude préfère la seconde qui a toujours conduit à des défaites pour le pays qui l’acceptait sans avoir écrasé son adversaire, et pour la démocratie, puisque le vainqueur est celui qui recule le moins devant l’usage de la force. En revanche, la prolongation de la guerre lorsqu’un adversaire est indestructible finit par détruire de l’intérieur le pays qui la mène, même avec succès. Le Président Poutine a fait un choix courageux. Il ne veut pas du chaos et de la propagation du terrorisme islamiste qu’entraînerait l’effondrement du régime de Damas. Il veut donc lui assurer une victoire militaire en espérant sans doute une évolution politique de la Syrie qui ne soit pas une révolution, mais une ouverture du pouvoir actuel, ce que les Américains ont complètement manqué en détruisant le parti Baas et l’armée irakienne au lendemain de la prise de Bagdad.
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