Merkel, entre unification et discorde

Les Allemands ont donc fêté ce 3 octobre l’anniversaire de leur unification territoriale de 1990. Il n’est pas garanti toutefois que cet événement, si heureux et pour lequel ils ont dû lutter pendant quelque 40 ans, ait été commémoré dans le contexte serein, et moralement uni qu’aurait souhaité leur consensuel et docile président Joachim Gauck, apologiste contant et lassant de l’unité intérieure de la société.

Pour le monde entier, en effet, l’Allemagne s’identifie à son chef de gouvernement Angela Merkel. Et celle-ci s’est révélée, depuis son accession à la chancellerie en 2005, certes une politicienne hors pair. Elle a réussi en particulier à déjouer pas mal de crises européennes, s’apprêtant même à surmonter la question cruciale du statut de la Grande-Bretagne.

N’oublions pas qu’elle fut confrontée en 10 ans à trois présidents français successifs. Chirac, puis Sarkozy, puis Hollande. Ceux-ci ont incarné de leur côté l’inconstance du partenaire, dans l’effacement duquel l’Europe tend à se réduire à une sorte de vieille idée oubliée remontant aux années 1950. Depuis l’époque de Robert Schuman, Konrad Adenauer et Alcide de Gasperi, l’Union européenne mal bâtie de Jacques Delors s’est certes élargie à 28 membres, tout en reposant sur des piliers plus restreints. Faire face aux carences respectives de la France et de l’Italie reste une gageure à laquelle elle pourrait répondre aussi son fameux “wir schaffen das”, nous allons y parvenir.

Car on peut aussi douter que l’application de cette expression à l’intégration forcée, annoncée à hauteur de 800 000 immigrés, cette année au moins, et si l’on n’y prend pas garde, les années suivantes, ayant le statut de réfugiés, alors que le nombre des naissances allemandes dépasse à peine 700 000 enfants soit apprécié positivement.

Et pour tout dire, l’expression “wir schaffen das”, difficile à traduire en français, ne se révélera que difficilement applicable en Allemagne. Napoléon prétendait, contre tout bon sens, que le mot “impossible” n’était pas français. L’expérience a prouvé le contraire.

En moins d’un mois ce sont 10 à 11 points de chute dans tous les types sondages qui témoignent du scepticisme de l’opinion allemande face à cette bouffée de générosité, ce coup de bluff mondial, imposé à de nombreux pays européens mal préparés. Même le ministre de l’Intérieur Thomas de Maizières, fidèle parmi les fidèles, sans exprimer de critiques explicites s’est implicitement désolidarisé de l’enthousiasme “mondial” car, dit-il, “la situation est devenue incontrôlable avec la décision d’amener les gens de Hongrie vers l’Allemagne.”

Quant aux porte-parole de l’aile droite de sa majorité, en tête notamment Horst Seehofer, ministre président de Bavière et président de la CSU, il ne s’est pas caché de considérer l’annonce de cette politique pour “une faute”. Allant plus loin il propose, compte tenu des abus évidents, de revoir la notion du “droit d’asile” posé comme un “droit fondamental”.

Même le parti socialiste SPD reconnaît qu’une limite quantitative s’imposera obligatoirement, y compris à ce qui est aussi présenté comme une absorption de main-d’œuvre.

Confrontée à de telles contestations sa réponse semble des plus maladroites et des plus autoritaires : “j’ignore si j’ai commis une erreur en accueillant ces gens, mais maintenant, ils sont là !”.

Du discours de la chancelière au Bundestag le 24 septembre, sa remarque liminaire aurait d’ailleurs mérité un peu plus d’attention de la part des observateurs français. Angela Merkel commence en effet par définir la crise migratoire actuelle comme la plus grave depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Or, il n’est pas indifférent, en regard, que l’intervention la plus critique à l’encontre soit justement venue de Mme Erika Steinbach. Non seulement il s’agit d’une militante, très ancienne de la CDU, à laquelle elle avait donné son adhésion militante en 1974, alors âgée de 30 ans. Mais il s’agit aussi de la présidente de la Fédération des expulsés, Bund der Vertriebenen BdV. Native de Haute Silésie elle dut quitter en 1945 le pays de ses ancêtres quand les accords de Yalta et de Postdam eurent fixé la ligne Oder-Neisse.

Lors du débat parlementaire autour de la politique d’immigration du gouvernement au Bundestag ce fut cette députée de Francfort-sur-le-Main, qui décrivit tout haut ce que ressentent les Allemands, constatant que “dans certains quartiers déjà les étrangers sont plus nombreux que les Allemands.”

Représentante de ces millions de familles allemandes, réfugiées et expulsées de terres et de villes d’Europe de l’Est par les libérateurs soviétiques, Erika Steinbach, était déjà un piler de la CDU, plus de 15 ans avant qu’Angela Merkel, d’abord élue, en Allemagne de l’est en mars 1990 au titre d’un petit parti, le Renouveau démocratique, proche de la Stasi, se rallie, au moment de l’unification, au bloc conservateur qu’elle incarne aujourd’hui.

> Jean-Gilles Malliarakis anime le blog L’Insolent.

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12 Comments

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  • Charles , 6 octobre 2015 @ 12 h 49 min

    C’est fou tout ce que l’on peut trouver sur le ouaib
    et que les forces de l’empire veulent nous cacher.

    La donne a complètement changé.
    Il faut diffuser autour de nous pour démonter les manips.

    La naïveté des adultes discrets,raisonnables et modérés
    est plus grave que la perversion des zelites qui nous dirigent.

  • ras le bol , 6 octobre 2015 @ 14 h 22 min

    “Préparatifs de Washington pour renforcer son agression de Damas et de Moscou”

    “…ces dernières semaines ont vu une augmentation du soutien militaire russe au régime d’Assad, que Washington a été incapable de stopper.

    Le résultat net de la guerre syrienne de changement de régime, irresponsable et meurtrière, de Washington a été de faire du pays une autre poudrière géopolitique où des forces militaires américaines et alliées et celles de la Russie se font face, ce qui soulève le danger très réel d’un affrontement armé et d’une guerre plus large entre puissances nucléaires. À la veille de l’assemblée de l’ONU, la France a commencé sa propre campagne de bombardements en Syrie, précisant qu’elle était prête à attaquer les forces alliées à Assad, donc potentiellement les forces russes, ainsi que l’EI. La Grande-Bretagne se prépare elle aussi à bombarder le pays plus tard dans l’année.

    Ce serait une dangereuse erreur de croire que la recherche par Washington de pourparlers avec l’Iran et la Russie signifie que les États-Unis reculent devant l’utilisation de la violence militaire. Au contraire, l’affaiblissement de sa position économique et diplomatique, pousse l’impérialisme américain à accroître l’intimidation et l’agression militaire….”
    https://www.wsws.org/fr/articles/2015/sep2015/pers-s30.shtml

  • Charles , 6 octobre 2015 @ 15 h 32 min

    ras le bol,
    Certes, mais il est trop tard pour Obamho.
    Il ne peut pas attaquer à la fois 150 Millions de Russes
    plus 1.5 Milliard de Chinois.
    la communauté chinoise est tres implantée aux EUA…

  • Caractacusa , 8 octobre 2015 @ 6 h 20 min

    L’exaspération peut nous pousser à prononcer des mots directement proportionnels à ladite. C’est le cas , dans le rapport que fait un médecin d’origine tchèque installé depuis longtemps en Allemagne et qui s’apprête à retourner dans son pays si la situation créée par ” Merkel-La-Folle-Qui-Ne-Reculera-Devant Rien-Pour-Obtenir-Le-Prix-Nobel-De-La-Paix” empire. Quand il traite les africains “d’animaux”, ce n’est pas en réminiscence des textes du XIXè siècle, par exemple, mais pour décrire les horreurs commises par ces derniers , avec leurs complices et envahisseurs arabo-musulmans.
    http://youtu.be/TAOJ2OJfEpY
    Mais cela n’enlève pas un iota de vérité à son témoignage. A la CNTV, on ne s’embarrasse guère pas du “politiquement correct” ni de la manipulation dictatoriale de “la” Merkel.
    A bon entendeur…

  • Caractacusa , 10 octobre 2015 @ 6 h 40 min

    A Berlin comme à Paris, surtout dans les salons de France-Info, on dut cacher les seaux à Champagne et les coupes derrière les sofas. Ouf! La Merkel n’a pas décroché le Prix Nobel de La Paix. Pronostics et manœuvres d’autosuggestion médiatiques en direction des caciques d’Oslo, qui eurent couronné Barack Obama sans qu’il n’eût rien fait pour en mériter le tiers du quart. Cette fois, apparemment, l’un de ces vieillards qui jouent à dominer le monde se sera secoué pour dire “Nein!”
    Bien sûr, qu’elle reviendra à la charge. Entretemps, Ban Ki Moon , qui ne parvient pas à obtenir une poignée de main , encore moins un cessez-le- feu entre les deux points cardinaux de son pays , la Corée (ce qui ne l’empêche pas de donner des leçons d’entente, unité et accueil au reste du monde) pourrait lui concocter un lot de consolation.

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