Les responsables politiques sont de plus en plus les cibles de toutes les attaques. Certaines sont justifiées, d’autres non. Quelques distinctions sont donc nécessaires. La première qui s’impose est celle qui oppose ceux qui sont élus dans de véritables conditions démocratiques et les autres. Une logique paradoxale veut que les premiers soient l’objet de critiques d’autant plus vives qu’ils exercent leurs responsabilités dans des pays qui connaissent une certaine liberté d’information alors que les seconds ont les moyens de monopoliser une partie sinon la totalité des moyens de communication internes à leurs Etats.
Une deuxième distinction s’impose donc. Soit par la télévision, et les chaînes d’information qui fonctionnent 24 heures sur 24, soit sur la « toile », les habitants des démocraties reçoivent un flot continu de « nouvelles », qui sont néanmoins sélectionnées en fonction des moyens et aussi des orientations des rédactions. Ce flux est endigué et mis en lumière par de nombreux commentateurs, des spécialistes, qui sont, eux-aussi choisis. Autrement dit, les contenus sont toujours des interprétations et non des faits. Entre les deux, il y a la sélection qui met en exergue ou passe sous silence, ne serait-ce que par l’impossibilité d’aller à la source. Il est très dangereux d’enquêter en Corée du Nord, ou, comme on l’a vu récemment, en Turquie où un journaliste français, Loup Bureau, a été embastillé pour s’être intéressé de trop près aux Kurdes. Ce n’était pas le premier journaliste étranger à subir ce sort. A partir de cette matière première, il y a la transformation des commentaires par des journalistes qui ne sont pas neutres et qui vont témoigner de leurs préférences, ne serait-ce que par le ton employé. L’Obamania de Laurence Haïm correspondante d’I-Télé (Canal+) était éclatante. Elle est ensuite devenue dans la foulée porte-parole de Macron durant la campagne. Celui-ci vient d’embaucher Bruno Roger-Petit pour remplir ce rôle à l’Elysée. On ne peut pas dire que le tropisme de gauche de ce journaliste ait fait preuve de la moindre subtilité. Sans subir la censure des pays autoritaires voire totalitaires, l’information des démocraties est orientée, en fonction notamment des penchants des rédactions et des journalistes.
Dans notre monde où la communication est reine, le pouvoir de ceux qui ont droit à la parole est immense. Or, la légitimité qu’ils détiennent ne tient pas au suffrage populaire, mais à leur présence médiatique. Celle-ci résulte à nouveau d’un choix, qui peut privilégier un élu plutôt qu’un autre en raison d’une sympathie ou d’une connivence. Surtout, les détenteurs de mandats électifs vont se retrouver au même niveau que des « spécialistes », des membres de la société du spectacle, ou des représentants des nombreux « machins » créés pour contrôler la démocratie, et en fait pour la réduire. C’est le cas des « Autorités Administratives Indépendantes » dans notre pays. Ce terme péjoratif de « machin » avait été employé par le Général de Gaulle à propos de l’ONU. Le fondateur de la Ve République tenait beaucoup à la légitimité populaire issue du suffrage national le plus direct possible. Que des personnages cooptés, désignés, mais nullement « élus » puissent faire la leçon à ceux qui l’étaient, lui paraissait insupportable.
La récente intervention du Haut Commissaire aux Droits de l’Homme de l’ONU illustre parfaitement le problème. Qui est ce monsieur ? Il s’agit de Zeid Ra’ad Al Hussein, un prince jordanien, cousin du Roi, et donc membre de la prestigieuse famille hachémite, bien évidemment musulman. Ce diplomate extrêmement distingué se fait une haute conception des Droits de l’Homme qui constituent la préoccupation de sa charge à l’ONU. Le charme de la personne et l’aura de la fonction donnent du poids à ses paroles. Or on peut résumer ses récents propos en deux points, qui s’équilibrent médiatiquement : les deux menaces préoccupantes sont Maduro et Trump ! On peut d’ailleurs compter sur la presse nationale pour insister sur le second surtout. L’Excellence jordanienne a usé de l’euphémisme élégant pour évoquer le Vénézuela, en parlant d’ »érosion de la vie démocratique », et en se demandant si celle-ci vivait encore. Il est pourtant clair qu’un coup d’Etat camouflé en élection truquée, appuyé par l’armée, a permis à un régime dictatorial et corrompu de mettre fin à ce qui subsistait des apparences démocratiques dans ce pays, notamment la séparation des pouvoirs et la liberté d’expression. Le Procureur Général est en fuite, le Parlement démis et remplacé, les opposants menacés de poursuites pour trahison. Sur ce point, Macron qui parlait de dictature devant les ambassadeurs, disait la vérité.
En revanche, le Haut Commissaire a été plus rugueux à l’encontre de Donald Trump. Celui-ci porterait atteinte aux « droits de l’Homme » parce que sa dénonciation des médias qui le critiquent férocement tous les jours (CNN, NYT et Washington Post) serait une incitation à attaquer les journalistes, à faire peser sur eux le risque de violences et les appeler à l’autocensure. Le diplomate va même jusqu’à demander au Président des Etats-Unis de réfléchir à sa responsabilité si un journaliste était victime d’une agression. On doit ici mesurer, malgré l’écran de respectabilité dont jouit le personnage, à quel point ses propos sont inacceptables et procèdent d’un total renversement des rôles. Donald Trump est le Président constitutionnel de la démocratie la plus puissante du monde au sein de laquelle la liberté de la presse, et de l’expression en général, jouit d’un respect quasi-absolu, inscrit dans la Constitution. Les échanges entre les médias hostiles et le Président sont donc musclés. Ils sont une preuve évidente de démocratie et non une atteinte à celle-ci. A partir du moment où une partie de la presse est systématiquement critique, il est juste que l’élu qui subit son hostilité se défende. Ayant connu à mon modeste niveau la même mauvaise foi, les mêmes calomnies et mensonges, ne serait-ce que par omission, je pense qu’il y a un équilibre à retrouver. Les Médias ne sont pas, en tant que « 4e pouvoir », le juge suprême qu’il faudrait respecter au point de se censurer lorsque les citoyens, et non les actionnaires de votre journal ou de votre chaîne, vous ont donné la parole. Trump n’interdit rien, il débat et se débat : il a raison !
En septembre 2016, le Haut Commissaire s’était déjà illustré en s’attaquant aux populistes et à leurs discours peu amènes pour l’islam, de Wilders à Farage, en passant par Orban et… par Trump. Si M. Zeid Ra’ad Al Hussein fait un procès d’intention au Président des Etats-Unis, ne serait-on pas en droit de lui retourner le procédé ? A l’heure où la Corée du Nord brandit la menace nucléaire d’un pays totalitaire dirigé par un tyran caricatural, où la plupart des pays musulmans ne respectent pas les plus élémentaires des Droits de l’Homme, notamment en ce qui concerne la liberté de conviction et l’égalité des sexes, il y a d’autres priorités que les frictions entre la Maison Blanche et CNN. La mort pour blasphème ou apostat n’est pas une éventualité, c’est l’application de la loi dans certains pays membres de l’ONU que l’honorable diplomate connaît bien. Si la liberté de la presse est menacée, c’est en Turquie, non aux USA. Si les Droits de l’Homme sont écrasés, jour après jour, c’est en Arabie saoudite, ce pays voisin de la Jordanie, l’un des 47 membres du Conseil des droits de l’Homme des Nations-Unies, et qui donnera son avis sur le rapport du Haut-Commissaire. La France n’y est pas élue… Il ne faut donc accorder que peu d’importance aux hommes du « machin », et à leurs propos. Le plus grave, c’est qu’en fonction de leurs préférences, « nos » journalistes peuvent leur donner cette importance au mépris de la démocratie.
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