Tribune libre de Jean-Yves Naudet*
Cocorico ! La France échappe à la récession. Au sens étroit du terme, c’est vrai ; il s’en est fallu d’un dixième de point puisque la croissance a été nulle au cours des trois derniers trimestres. Mais la réalité n’est pas brillante et ce triple zéro est un bien mauvais résultat. Dire que la responsabilité en incombe au gouvernement précédent ou que certains de nos voisins font pire ne suffit pas à occulter la réalité. Mais le plus grave est à venir : la politique mise en œuvre ne peut qu’aggraver la crise : elle est l’inverse de ce qu’il faudrait faire et quand l’hiver viendra, nous serons sans doute au-dessous de zéro, et pas seulement pour les températures !
Trois trimestres consécutifs de croissance zéro
Les nouvelles annoncées cet été sur le plan de la croissance ne sont pas bonnes. Selon l’INSEE, le Produit intérieur brut a stagné au second trimestre 2012 : croissance zéro. Ce mauvais chiffre vient après une croissance également nulle au premier trimestre 2012, ainsi qu’au dernier trimestre 2011 : un triple zéro. Il faut remonter au troisième trimestre 2011 pour trouver un petit +0,3%, et encore celui-ci venait-il après une croissance nulle au second trimestre 2011 : quatre zéros sur cinq trimestres !
Les puristes diront qu’au sens strict du terme, il y a récession quand la croissance est négative durant deux trimestres consécutifs : ce n’est pas encore le cas. Mais il s’en est fallu d’un cheveu, et les -0,1% qui nous auraient mis en récession sont inférieurs à la marge d’erreur des calculs. Même si on écarte le mot récession, il n’y a plus de croissance en France : zéro plus zéro plus zéro ne saurait faire une bonne note. Bien sûr, la crise est là, et plusieurs de nos partenaires connaissent des résultats encore plus médiocres, mais d’autres – comme l’Allemagne – s’en sortent mieux. Que certains fassent pire n’enlève rien à la gravité de la situation.
Les bienfaits de la croissance
Faut-il s’en inquiéter ? Il fut un temps, sous l’influence du Club de Rome, où la croissance zéro était vivement appelée de tous les vœux au nom de la « sauvegarde de la planète », de la lutte contre la pollution ou de l’épuisement des matières premières. On retrouve encore aujourd’hui ces thèses dans les courants écologistes, dont l’extrême « deep ecology » qui préconise une « croissance négative » ! Pour eux, la sauvegarde de la matière ou des animaux est plus importante que celle des hommes. Mais, au-delà de ces fantaisies, tous les gens de bon sens comprennent l’importance de la croissance.
Une croissance nulle ou négative, cela veut dire moins de biens et services, donc moins de consommation : moins de services d’éducation, de santé, de loisirs, de culture, de communication, de logements, etc. Cela signifie aussi moins de pouvoir d’achat puisque les vrais revenus ne peuvent provenir que des services rendus, de la production marchande. Le lien entre chômage et croissance est également important, même s’il n’est pas mécanique, surtout quand le marché du travail est empêché de s’adapter par les rigidités réglementaires pesant sur le prix ou la durée du travail. Au-delà de ces observations, chacun sent bien qu’une croissance nulle est une mauvaise chose pour tous.
Surtout pas de relance monétaire ou budgétaire
Comment sortir de cette stagnation ? François Hollande a eu raison de mettre l’accent sur l’importance de la croissance pendant la campagne électorale. Son premier tort a été d’opposer rigueur et croissance. Du moins si rigueur signifie rigueur budgétaire et monétaire. Contrairement à ce que pensent les keynésiens – et François Hollande, comme l’immense majorité des hommes politiques, est keynésien – le déficit budgétaire n’est pas source de croissance, comme le montre si bien la crise des dettes souveraines. Croire qu’il suffit que l’État dépense un argent qu’il n’a pas, qu’il va emprunter et qui ruinera les générations suivantes, relève d’une vision magique de l’économie. Chacun, même l’État, doit vivre au niveau de ses moyens (en l’occurrence des nôtres) et non au-dessus de ses moyens.
Il en va de même pour la rigueur monétaire ; certes, la politique monétaire relève de la Banque centrale européenne, mais les pressions politiques poussent la BCE vers le laxisme monétaire, par la création de monnaie et les taux d’intérêt artificiellement bas ; là encore, il y a une vision magique de l’économie : il suffirait d’injecter de la monnaie pour faire croître l’économie, comme si la richesse résidait dans la monnaie. La première erreur du nouveau pouvoir consiste à assimiler croissance et relance : la relance budgétaire et monétaire finit au contraire par miner la croissance : la politique conjoncturelle tue la croissance.
La reprise grâce à la libéralisation de l’économie
La seconde erreur, c’est de penser qu’on peut continuer à augmenter les dépenses publiques et les impôts. Cette fois, la France mène le bal. Nous sommes champions des dépenses publiques et parmi les tous premiers en matière de prélèvements obligatoires et de progressivité des impôts, et ce ne sont pas les décisions en matière d’ISF ou d’impôt sur le revenu (la tranche à 75%) qui vont nous faire aller dans la bonne direction : augmenter les impôts, ce n’est pas de la rigueur, c’est s’attaquer à l’incitation à créer et entreprendre et donc à la production.
Que faudrait-il faire pour éviter la récession qui s’annonce (la Banque de France l’annonce pour le troisième trimestre) ? L’élément essentiel, c’est de comprendre ce qu’est une économie de marché et comment elle fonctionne. Nous avons montré la semaine dernière que le gouvernement, décision après décision, enrayait le libre fonctionnement du marché, avec des faux prix, un développement des interventions étatiques et du secteur public et la spoliation fiscale.
Non seulement la théorie, mais aussi les preuves empiriques (les indices de liberté économique) montrent que plus une économie s’éloigne du marché, moins bien elle fonctionne, et, inversement, plus elle développe les libertés économiques, la flexibilité, la concurrence, l’esprit d’entreprise, plus elle se porte bien. Cela nécessite des réformes radicales, des privatisations, une ouverture systématique à la concurrence, une libéralisation générale de l’économie. Pour en finir avec la crise, l’urgence est donc de faire des réformes structurelles pour revenir à l’économie de libre marché.
Il faut aussi rétablir la rigueur budgétaire et pour cela réduire drastiquement les dépenses publiques ; beaucoup d’éléments aujourd’hui (mal) assurés par l’État (santé, éducation, etc.) doivent être rendus au secteur privé. Cela nécessite de la pédagogie car les gens ont peur, comme Bastiat l’avait bien compris, que si l’État ne s’occupe plus de quelque chose, ce service ne soit plus assuré. Enfin, il faut que chacun ait envie d’entreprendre, de créer des richesses, de travailler plus, de se constituer un patrimoine et donc de créer de la croissance ; il faut pour cela avoir la certitude de bénéficier de ce qu’on a légitimement gagné et donc baisser fortement les impôts et leur progressivité. C’est ainsi qu’on agira sur l’offre, en jouant sur la motivation des gens à être créateurs et entreprenants. Sinon ? Si l’on persiste dans la ligne actuelle social-démocrate, colbertiste et keynésienne, 2013 sera une année de récession. Avant que l’État providence ne fasse faillite.
*Jean-Yves Naudet est un économiste français. Il enseigne à la faculté de droit de l’Université Aix-Marseille III, dont il a été vice-président. Il travaille principalement sur les sujets liés à l’éthique économique.
> Cet article est publié en partenariat avec l’ALEPS.
3 Comments
Comments are closed.