Désespérante visite de Hollande pour relancer l’espoir à Clichy. Il était venu avant les présidentielles. Il y retourne avant les municipales… pour présider à la signature d’un emploi franc. Ce déplacement était triplement déplacé. D’abord, il n’entre pas dans les fonctions présidentielles d’être le commis-voyageur des mesures les plus anecdotiques du gouvernement qui n’ont pas réussi à faire parler d’elle, ni de mettre la main à de élections locales. François Hollande tombe dans le travers de Sarkozy de se mêler de tout et il le fait à un niveau qui n’est pas celui que la Constitution a attribué au Président qui est en charge de l’essentiel et non des mesurettes gouvernementales. On pourrait dire que l’emploi, et l’emploi des jeunes, en particulier, c’est l’essentiel. Mais la façon de l’aborder par des mesures ciblées et coûteuses en argent public ne relève pas de la politique, mais du bricolage. C’est encore un outil sorti de la boîte, comme si le gouvernement était le plombier sans cesse occupé à réparer les fuites d’une installation défectueuse. La politique, c’est la définition d’objectifs à long terme et le courage des réformes structurelles qui sont nécessaires pour les atteindre. Ce n’est pas l’addition de dispositifs compliqués, marginaux et qui ont deux effets pervers qui accentuent le mal français : l’excès de la dépense publique et des prélèvements obligatoires, d’une part, et l’invasion d’un esprit d’assistanat démobilisateur, d’autre part. Par ailleurs se pose le problème de la cohérence de la discrimination positive, inventée par la gauche, mais, hélas, récupérée par Sarkozy, avec les principes de la République. Cette notion plus que contestable consiste à combattre les inégalités de fait constatées en instaurant des inégalités de droit en vue de les compenser : donner plus à ceux qui ont moins. Le résultat, c’est que les inégalités se sont multipliées. Les inégalités spontanées que produit toute société existent toujours. Viennent s’y ajouter dans un fouillis inextricable, onéreux, et encadré par une administration déjà trop lourde et inefficace, toutes celles que les annonces politiques ont crées depuis un quart de siècle, depuis les TUC, en passant par les nombreux zonages que l’imagination de la haute fonction publique a pu inventer.
Notre épicier du socialisme qui veut inverser la courbe du chômage, non par une grande politique réformatrice, mais avec une poignée d’emplois d’avenir et un saupoudrage de contrats de générations, y ajoute une pincée d’emplois francs. Il s’agit d’une mesure limitée : 10 000 emplois sur trois ans, dont 2000 la première année. Il s’agit surtout d’une mesure très et trop ciblée, sans proportion avec le problème et parfaitement contraire à l’égalité républicaine. Ce dispositif sera expérimental et ne concernera que dix communes comprenant 30 zones urbaines sensibles, qui sont 750 : première discrimination.Elle ne visera que des jeunes habitant ces quartiers, âgés de moins de 30 ans et diplômés : deuxième discrimination. De mauvais esprits pourraient en venir à se demander quel est le sens de « Franc » : la définition, ici par antiphrase d’un groupe humain ou le lien avec les zones franches du gouvernement Juppé ? C’est bien sûr la seconde solution qui est la bonne. Mais, elle n’est pas rassurante. Il y avait dans le processus instauré en 1997 et reconduit depuis, une dimension politique importante : il s’agissait de réformer l’urbanisme sélectif tout en créant des emplois pour les habitants des quartiers retenus. Le but était de réintroduire de l’activité dans des secteurs voués à la résidence sociale et touchés à la fois par un fort taux de chômage et par la présence d’une économie souterraine. L’absence de charges qui justifiait le mot « franc » devait compenser des handicaps à la fois sociaux et urbains. Ici, il s’agit d’établir une préférence en faveur de certaines personnes en fonction de leur lieu de résidence : une préférence de résidence, comme certains parlent d’une citoyenneté de résidence qui créera une inégalité entre les Français, puisque l’emploi donné à l’un ne le sera pas à l’autre, quelques soient ses mérites.
Le terme « franc » correspond en fait à l’idée que pour favoriser l’activité économique, il faut établir des espaces qui échappent aux charges et à la réglementation qui sévissent ailleurs. On remarquera que ce terme n’est ici pas franc du collier puisqu’il s’agit au contraire d’une aide de 5 000 euros, versée en deux fois à des entreprises qui profiteront certes de l’aubaine pour choisir Dupont plutôt que Durand, mais ne créeront pas un emploi pour faire plaisir à François Hollande. Il faudra évidemment un contrôle et un suivi administratifs de ce soutien. Nous sommes là dans le cadre d’une économie assistée par un Etat tentaculaire. Tout cela manque de franchise dans la forme et dans le fond. Qui plus est, cette nouvelle dépense publique va peser sur le principal obstacle à la croissance qui réside dans l’excès des impôts et des charges. Un diplômé sur quatre envisage aujourd’hui de s’expatrier. Pour le faire changer d’avis, il serait préférable de réformer en profondeur notre pays pour lui donner les moyens du dynamisme et de la compétitivité, plutôt que de décourager une fois de plus ceux qui travaillent et réussissent en leur disant : “pour vous remercier, nous allons vous accorder le privilège de faire preuve de plus de générosité envers les autres. » Les autres ? Quels autres ? Là est toute la question de la discrimination, positive ou pas !
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