La France risque de se heurter à la tragique contradiction qu’il y aurait à élire l’héritier d’un président honni par une immense majorité de la population, d’un politicien incapable d’assumer la fonction présidentielle, mais dont le talent manoeuvrier aura sauvé les siens par des manipulations qui enlèvent à notre pays le statut de démocratie. Si, par miracle, Mme Le Pen était élue, se poserait la question de la majorité parlementaire, qui dans l’autre hypothèse se posera aussi, d’ailleurs. Plus que jamais, la recomposition du paysage politique français s’impose.
Notre démocratie comme toutes celles qui utilisent le mode de scrutin uninominal par circonscription pour les Législatives, qui est le seul à pouvoir dégager des majorités stables, avait limité le nombre des partis. Dans les pays anglo-saxons, avec un seul tour, il y a deux grands partis : Républicains et Démocrates aux Etats-Unis, Conservateurs et Travaillistes en Grande Bretagne. En France, où il a deux tours, il y en avait quatre : RPR et UDF à droite, PS et communistes à gauche. Les stratégies politiciennes de Giscard d’Estaing pour se défaire des gaullistes et de Mitterrand pour affaiblir la droite ont introduit la proportionnelle aux Elections européennes, régionales et municipales. Le résultat a été l’émergence d’un nouveau parti, le Front National. Dans le temps où la gauche multipliait les mesures provocatrices dans les domaines de l’immigration, de la sécurité, ou des valeurs sociétales, Jacques Chirac recentrait le RPR afin de parvenir à l’Elysée. Le RPR aurait dû se maintenir le terrain de la droite dure. En l’abandonnant, il a laissé croître le parti frontiste. La création de l’UMP a achevé le processus qui voulait à l’occasion de la victoire écrasante de 2002 refouler définitivement le FN hors d’un système bipartisan. Dans ce cadre, logiquement, Nicolas Sarkozy a remporté le scrutin de 2007 en menant campagne à droite, sur les conseils du perspicace Patrick Buisson. Après, et j’en ai été le témoin désappointé, il a pratiqué l’ouverture à gauche. Sans cohérence au plan des idées, Sarkozy a cru malin de récupérer des politiciens de gauche, des personnalités et des idées qui ne pouvaient que révulser la vraie droite. Il a fait le lit de la gauche actuelle, élargie aux soutiens de Macron, et renforcé les bataillons d’électeurs du Front. La bande de carriéristes qui l’entouraient à « droite » s’est plu à ce jeu stupide. On avait Jouyet, Kouchner, Besson, Amara, Hirsch, comme ministres, on nommait le socialiste Migaud à la tête de la Cour des Comptes pour succéder à Seguin et on chargeait le mitterrandien Attali de présider une commission pour réfléchir sur l’avenir du pays. On prenait l’habitude de faire appel à de pseudo-spécialistes de gauche comme conseillers : Olivennes, Descoing, Bauer, Lang, Roland Castro et les ministres de « droite » croyaient élégant de prendre à leur compte des idées de gauche. Chatel estimait que les calembredaines de la théorie du genre avaient valeur scientifique. Pécresse recevait le Président du Cran, ouvrant ainsi la porte au communautarisme le plus farfelu. La discrimination positive, l’affaiblissement du système pénal, la montée en puissance des revendications du lobby homosexuel, très présent au sein de l’UMP, achevaient l’affaissement idéologique de la droite parlementaire réduite à une officine de placement électoral pour arrivistes et opportunistes. A sa surface flottaient quelques vedettes, chéries des médias pour cultiver leur différence et souligner leur sympathique tropisme vers la gauche : Borloo, le spécialiste des usines à gaz législatives dont on attend les résultats après le bruit retentissant de leur lancement, N.K.M élue sociologiquement à droite et arborant son progressisme de gauche avec un narcissisme sans complexe, Rama Yade, toujours en quête d’une télé pour associer son minois à une polémique porteuse, sans oublier l’inénarrable Bachelot.
Après la défaite de 2012, et les remous de l’affrontement Copé-Fillon, le désastre de la présidence Hollande a permis à l’UMP, repeinte en Républicains, de se refaire une santé au travers des élections locales. La bonne organisation des primaires avait galvanisé les troupes. C’est alors que le décor s’est craquelé et que le pourrissement interne a de nouveau percé. Les électeurs avaient choisi un candidat sérieux et son programme radical. Il était soutenu par les conservateurs, les catholiques. C’en était trop pour ceux qui pensent qu’en dehors d’une meilleure tenue des comptes publics, la droite ne doit pas se différencier de la gauche sur le pente du « progrès des idées et des moeurs », l’autre nom de la décadence. Lorsque la grenade du « pénélope-gate » a été lancée sur la caravane Fillon, les rancoeurs de la défaite et le goût pour les modes politiquement correctes se sont liguées pour achever de pourrir la campagne de Fillon. Certains anciens ministres de « droite » avaient rejoint Macron très tôt. On a pu mesurer l’enthousiasme des Juppé et Raffarin dès le soir du premier tour.
Nous en sommes là : il existe une gauche en lambeaux par manque de réalisme économique et social. Il y a un centre-gauche dit « social-libéral » qui considère la sécurité comme une anecdote, le terrorisme comme un détail, et la France comme une survivance momentanée. L’immigration lui paraît une nécessité dans le cadre du marché mondial des biens, des services et des personnes. La transgression des valeurs chrétiennes est, pour lui, une libération laïque par rapport à des religions qui se valent toutes, surtout la dernière, l’islam avec ses électeurs à choyer. Son candidat est Macron.
Marine Le Pen est en train de fédérer les patriotes, ceux qui estiment, comme Dupont-Aignan, que la perte de la souveraineté dissout le peuple et donc la démocratie. Le gaullisme du RPR, délaissé par LR, est désormais avec elle, malgré des déclarations de principe qui ont perdu tout fondement à moins d’être de mauvaise foi sur l’évolution du FN. En revanche, il y a une droite orpheline, celle qui a voté Poisson et Fillon aux primaires et qui ne se reconnaît pas dans la candidate du FN, même si elle finira par lui donner ses voix. Il s’agit des conservateurs-libéraux sensibles aux questions liées à l’identité culturelle, aux racines chrétiennes, à la famille et à la défense de la vie et qui considèrent que les libertés dans le domaine de la pensée et de l’économie sont fondamentales pour la personne à condition d’être encadrées par son respect. Cette droite est, sur tous les points, opposée à Macron comme elle l’était à Hollande. Elle trouve en Marion Maréchal son meilleur allié au sein du FN et se réunit avec Robert Ménard ou Charles Millon dans « la droite hors les murs ». Ne faut-il pas unir l’alliance des patriotes et « la droite hors-les-murs » pour former une vraie droite qui aurait vocation à accueillir nombre de « républicains » qui refusent de soutenir Macron ?
L’heure de vérité est donc arrivé pour LR. Où la logique du scrutin et l’absence de courage l’emportent, et Les Républicains se regroupent en comité de réélection par peur de perdre l’investiture, alors que les événement ont montré qu’ils n’avaient plus rien en commun. Ou ceux qui ont un ancrage idéologique, gaulliste ou démocrate-chrétien, conservateur ou libéral, refusent cette compromission qui vérifie la dénonciation du système LRPS par le FN, et tentent de créer une formation de droite authentique.
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