Les régionales ont été un déni de démocratie. Les régions, en France ne seront jamais une chose sérieuse. Le nom de celle où j’habite est une blague. La grande plaine picarde prolongée par l’Artois, la Flandre et le Hainaut sera dénommée « Hauts de France ». Il est vrai que « Basse-France » aurait été mal vécu par les habitants du plat pays, mais enfin, les Savoyards, les Dauphinois et les autres montagnards méritaient davantage cette appellation mal contrôlée. Ils risquent de nous trouver un peu prétentieux pour ne pas dire « hautains ».
Sous le ridicule qui peut faire sourire se cache une intention moins drôle. D’où vient cette dénomination paradoxale ? Mais de la carte, bien sûr ! Le Nord, c’est en haut de la carte. Celui qui est tenté d’identifier ainsi cette vaste étendue proche du niveau de la mer, c’est l’étranger qui regarde l’hexagone, sans trop tenir compte de sa réalité humaine, en ignorant son histoire et n’ayant que faire de son identité. Fonctionnaire, il n’y fait que passer. Elu, il appartient à un autre monde. Donner un nom qui flatte les vanités plutôt que de les froisser fait partie de la démagogie quotidienne des gens de pouvoir. Le nom, c’est comme une marque : certaines valorisent le produit. Il y avait des provinces qui transmettaient des traditions, des mentalités. Déjà les révolutionnaires, les mêmes qui ont détruit de nombreux monuments de notre pays, avaient gommé ces réalités humaines au profit de noms purement géographiques : une montagne, un fleuve, une situation cardinale suffisaient à dénommer. Avec le temps, on respecta davantage les habitants. Les Basses Pyrénées devinrent atlantiques et la Loire les imita pour ne plus être inférieure. Les régions retrouvèrent un parfum provincial d’Ancien Régime avec la Bretagne ou la Bourgogne. Le nouveau découpage, si on met à part l’heureuse réunion des départements normands, accentue la dérive technocratique : il s’agit de constituer des régions économiques à l’échelle de l’Europe, afin de réduire la dépense en diminuant le nombre des collectivités et de leur donner les moyens d’agir. Mais le Grand Est, par exemple, de la Champagne à l’Alsace, ne correspond à aucune réalité charnelle.
Cette idée n’est qu’une apparence. Si telle avait été l’intention, il fallait supprimer l’échelon obsolète du département, circonscrit par une journée de cheval entre le chef-lieu et la frontière la plus éloignée. La taille n’a que peu d’importance. Les Länder allemands vont d’une ville comme Brême à un ancien royaume comme la Bavière. Les Cantons suisses sont petits. Mais ils bénéficient les uns et les autres d’une autonomie et de moyens sans commune mesure avec nos régions. Or cette réforme accompagne un effort d’économies de l’Etat. C’est lui qui, en effet, peut décider des obligations auxquelles sont soumises les collectivités et qui assure une part importante de leurs ressources par le biais de la Dotation Générale de Fonctionnement. Il tient les deux cordons de la bourse. La DGF aura baissé de 12,5 milliards d’Euros entre 2013 et 2017. En 2016, son recul est de 3,67 milliards dont 31% pour les départements, et 13% pour les régions : un cadeau pour les nouveaux élus de l’opposition qui ont pris la direction de la majorité des collectivités territoriales ! Mais, c’est au pied du mur qu’on reconnaît le maçon et qu’on peut juger de sa sincérité pour ne pas dire de sa franchise. La droite est bonne gestionnaire et se veut économe, paraît-il… Le nouveau président du Conseil Départemental du Nord, ex-républicain, qui poursuit sa carrière consensuelle plutôt à droite, s’est fendu d’un mail à ses élus pour leur demander de ne pas divulguer son intention d’augmenter la taxe foncière, en dépit de son annonce de créer des marges de manoeuvre sans augmenter les impôts. (article voix du nord) Il ne voulait pas faire ce cadeau au FN alors qu’une législative partielle avait lieu dans son département ! Quant au nouveau président de région, il a habilement botté en touche pour s’octroyer une augmentation de 4000 Euros non à la région, mais à l’intercommunalité de Saint-Quentin : c’était plus discret. (article du Point) On voit dans les deux cas, un sens aigu de l’intérêt général dégagé de tout souci politicien ou personnel…
La conclusion s’impose. Ces prétendus changements continuent à étouffer la France. La caste des élus préserve ses intérêts : la division par deux du nombre des cantons assortie de candidats en duos a permis l’exploit d’accroître le nombre des élus, de 4055 à 4128 . Il n’y a plus que 13 régions au lieu de 22, mais toujours plus de 2000 Conseillers régionaux dont 1757 pour la métropole. Leurs prédécesseurs ont recruté de nouveaux agents à tour de bras. La démagogie inhérente au système soumet les départements à la montée de la dépense sociale. Le RSA a augmenté de 14% en cinq ans, le double de l’inflation. Alors n’écoutant que leur générosité naturelle, les élus des départements vont augmenter les impôts, en clamant leur bonne foi et en accusant l’Etat d’être le coupable. Cela fait des lustres que ce jeu continue, que les élus assurent leurs arrières et ne font preuve d’aucun courage. Pourquoi voulez-vous que ça change ?
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