Tribune libre d’Aristide Leucate*
Comment se peut-il qu’un parti politique de la nature et de l’envergure du Front national ne soit pas pleinement mobilisé pour manifester, dimanche 13 janvier à Paris, contre le premier bouleversement juridico-anthropologique que la France ait jamais connu (sauf, peut-être, depuis la décapitation du Roi Louis XVI) ? Gabrielle Cluzel, dans Boulevard Voltaire, se demandait ce que « foutait Marine Le Pen ». Le moins que l’on puisse dire est que le leader frontiste, en refusant d’engager collectivement sa formation politique dans un combat qui transcende les clivages partisans, devient politiquement suspecte quant à ses positionnements tactiques et stratégiques. Parler, à l’instar de son vice-président chargé de la « communication » (sic), Florian Philippot, « d’enfumage » de la part du gouvernement, pour prétendument passer sous silence « les vrais problèmes [économique et sociaux, NDLA] des Français » est à la fois irrecevable et sidérant. Irrecevable, l’argument l’est d’autant plus que le « mariage » homosexuel faisait partie des promesses électorales de François Hollande. Une fois n’est pas coutume, l’on doit savoir gré au locataire de l’Élysée, d’en avoir tenu au moins une. Sidérant, voire proprement ahurissant, quand on connaît l’histoire de ce parti et les fondements idéologiques qui ont toujours été les siens, notamment en matière de mœurs. Assurément, ce mouvement qui s’est longtemps voulu, sous la férule de son président-fondateur charismatique, Jean-Marie Le Pen, la synthèse de toutes les droites patriotes (même s’il manqua, au moins partiellement, de les fédérer toutes), est en train de prendre un virage libertaire-relativiste de mauvais aloi. Serait-ce un effet collatéral inévitable de la dédiabolisation entreprise par la fille du Menhir ? La quête de l’honorabilité à n’importe quel prix n’a jamais été un gage de virginité soudainement recouvrée et peut même passer pour de l’opportunisme. Cette pusillanimité sur une question cruciale pour le devenir des sociétés humaines est un indice de taille qui en dit long sur la sincérité de son discours en tant que parti supposé de droite. Mais le FN veut-il vraiment occuper la droite de l’échiquier politique, lui qui prétend n’être ni de droite, ni de gauche ? Si JMPL, tel le bon Roi Henri, faisait de la (seule) France son panache blanc de ralliement, qu’en est-il de Marine dont on se demande si elle ne vise pas finalement à concurrencer la nouvelle UDI de Jean-Louis Borloo, sur un créneau centriste de plus en plus embouteillé ? Osons, cependant, une autre hypothèse qui nous a été inspirée par l’hebdomadaire Minute daté du 2 janvier dont l’un des articles se penche sur la possibilité d’un lobby gay au sein des instances dirigeantes du Front. C’est un mystère pour personne, semblerait-il, que Marine affectionne de s’entourer d’invertis de haut vol, certains comptant parmi ses proches lieutenants. Un tropisme pagano-républicain (ou crypto-mégrétiste) expliquerait idéologiquement une telle proximité. Osons, derechef, rapprocher le FN de son homologue néerlandais, le Parti de la Liberté, dont le vibrionnant leader, Geert Wilders, a fait de l’islam un repoussoir efficace à l’égard, notamment, d’une communauté androphile se sentant menacée par l’impérialisme du Croissant vert. Wilders, pro-gay revendiqué, a bien compris que vis-à-vis d’un électorat libéral, la défense de l’identité hollandaise passait par celle de toutes les libertés, y compris sexuelles, licence horrifique inconcevable chez les mahométans. Or, qui ne verrait derrière le laïcisme anti-islam intransigeant de Marine Le Pen (voir notre article), une habile tentative de séduction d’un électorat, pas spécifiquement gay, mais très complaisant dans le domaine des mœurs ? Issue de la génération de Mai 68, le logiciel intellectuel de la fille Le Pen est sociologiquement et culturellement compatible avec les attentes et aspirations consuméristes d’une génération Mitterrand désorientée. À cette aune, on comprend pourquoi le combat contre le « mariage » gay ne soit pas la priorité des cadres du parti, tandis que, selon un sondage Ifop pour Valeurs Actuelles, publié jeudi 3 janvier, 69% des Français réclameraient la tenue d’un referendum sur cette question.
*Aristide Leucate est Docteur en droit, journaliste et essayiste.
Lire aussi :
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Article édité à 20h50.
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