Le Pouvoir, quelle tentation ! Pour les meilleurs, c’est le pouvoir de faire, de commander, de diriger, de bâtir et peut-être, pour les exceptions, de servir le Bien Commun… Pour la légion des mauvais, c’est de s’asseoir sur un siège et de revêtir les attributs, de jouir des privilèges et de satisfaire ainsi un profond narcissisme. Certes, toute la pensée libérale est fondée sur l’idée que le pouvoir tend à l’excès et qu’il faut impérativement le limiter. « Tout pouvoir pense continuellement à se conserver, à s’affirmer, à s’étendre » disait Alain, et avant lui, Montesquieu établissait un célèbre principe : « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. » Mais, le danger qui menace n’est plus celui-là. Aujourd’hui, c’est l’impuissance du pouvoir qui est le problème le plus angoissant de nos sociétés, et particulièrement de la France. L’appareil et l’apparat sont toujours présents. Mais, l’agitation de surface ne conduit à rien.
Les exemples sont hélas trop nombreux. En politique étrangère, les pays les plus riches et les plus puissants du monde ne parviennent pas à contenir le prétendu « Etat islamique » et se contentent de bombardements « homéopathiques » totalement inefficaces faute d’une intervention au sol et du courage des alliances indispensables avec l’ennemi de nos ennemis. Pendant ce temps, les populations locales sont martyrisées et obligées de fuir. Là encore, la situation libyenne s’étant détériorée, un flot d’immigrants se déverse sur une Europe passive en passant par un pays qui a sombré dans l’anarchie en raison de l’inaction qui a suivi une action intempestive. En revanche, Poutine fascine et excite l’hostilité heureusement molle de nos « dirigeants » parce qu’il est encore un pouvoir authentique. Le conglomérat européen, si hautain avec lui, ne parvient toujours pas à résoudre la question grecque. Les élections britanniques ont salué les résultats de la politique menée par Cameron. Hors de l’Euroland, il a pratiqué une gestion clairement libérale de l’économie, très différente de celle de l’Europe continentale. Le différentiel de croissance dit assez ce que peut produire le volontarisme des réformes lorsqu’un pays a sauvegardé l’essentiel de son indépendance, lorsqu’il y a encore un vrai pouvoir.
Le spectacle donné par le pouvoir en France oscille entre le grotesque et l’odieux. Les rodomontades sur l’inversion de la courbe du chômage se sont éloignées. Le « Président » au bout d’une longue phrase penaude et alambiquée nous dit une fois encore qu’il faut de la croissance, alors qu’elle revient un peu en Europe et s’importera chez nous. Mais des fleurons parmi nos entreprises passent à l’étranger et la seule réponse à la montée du chômage est à nouveau le recours aux emplois aidés, c’est-à-dire à la dépense publique, comme si celle-ci n’était déjà pas responsable de notre effondrement. Pendant ce temps, le pouvoir s’accroche à ses hochets et à ses rentes. Ni Thévenoud, ni Lavrilleux ne songent à abandonner leurs sièges de députés national ou européen quelques soient leurs supposées turpitudes et l’inutilité de leur « pouvoir ». L’entre-soi d’en-haut assure le recasement des amoureux des belles chaussures ou des addictifs aux taxis. La République a suffisamment de fromages pour que les rats qui prospèrent dans les cabinets soient toujours bien nourris. Rien à voir avec le chômeur de cinquante ans jeté au bord du chemin ! Bien qu’en France, la Justice ne soit qu’une « autorité », on reste stupéfait devant le canard sans tête de l’affaire d’Outreau qui continue à courir en ignorant l’innocence emprisonnée et en permettant à un juge pour le moins défaillant de conserver bonne conscience. Rien à faire du monde d’en-bas qu’on appelle les justiciables…
Certes le conformisme de l’opinion tend à faire accepter l’inacceptable à la longue pourvu que la connivence du microcosme médiatique l’entretienne. Parfois, lorsque l’occasion d’une élection, ou mieux d’un référendum, en crée la possibilité, la révolte du bon sens et de la dignité s’exprime. Mais, bien au-delà, la léthargie confortable du pouvoir devrait susciter une prodigieuse envie de révolution. Comme l’écrivait le comte de Saint-Simon (et non le duc), « l’incapacité est un crime aujourd’hui chez ceux qui consentent à se charger de diriger les peuples : mais quand l’ineptie veut de plus s’arroger le monopole de la pensée, on ne sait comment qualifier une telle monstruosité. » On ne peut mieux dire. Nous en sommes là.
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