Fidèle à sa tactique, M. Valls a dénoncé « le spectacle effrayant d’une extrême-droite qui ne change pas », après les incidents provoqués notamment par les « femen » lors de l’habituelle manifestation du FN, le 1er Mai. Ces mots peuvent lui revenir en boomerang. Valls ne change pas en effet. En Mars 2013, il dénonçait les organisateurs de la Manif pour Tous pour n’avoir pas su éviter les débordements de l’extrême droite. Pour avoir moi-même été refoulé à l’issue d’un défilé, alors que je voulais simplement rentrer chez moi, j’ai bien compris qu’un chaudron était organisé pour que des incidents se produisent afin que leur relation l’emporte dans les médias sur la manifestation elle-même. La manipulation éhontée du 1er Mai est effectivement effrayante car elle souligne l’écart grandissant dans notre pays entre les manoeuvres politiciennes et la vie politique normale dans une démocratie. Le fait qu’un député UMP, M. Solère ait, lui-aussi, approuvé les « femen » et dénoncé une manifestation légale est à la fois effrayant et drôle : la collusion pointée par Mme Le Pen se trouve vérifiée, et l’exclusion d’une formation politique importante par le système amplement confirmée.
Dans une démocratie digne de ce nom, lorsqu’une manifestation est autorisée, qu’au demeurant rien dans les propos tenus par l’orateur ne s’oppose aux valeurs de la Nation ou de la République, l’ordre public consiste à ce que les provocations ou les perturbations soient empêchées, afin que chacun puisse juger de son ampleur et des idées défendues. Le spectacle effrayant est celui d’un système politique qui s’emploie à fausser le débat et à détourner la démocratie. Le résultat est probant : l’exhibition des « femen » au balcon du Grand Hôtel a non seulement interrompu pendant de longues minutes le discours de la présidente du FN, mais lui a volé la vedette aux informations qui ont suivi. Le fait que la police ne soit pas immédiatement intervenue pour faire cesser la provocation a conduit le service d’ordre du parti à y mettre un terme afin de permettre le déroulement normal de la manifestation. Quoi de plus légitime ? Cependant, comme d’habitude, un retournement des situations a été opéré par des médias. LCI par exemple a longuement donné la parole à une « femen » qui a stigmatisé la brutalité du service d’ordre et n’a pas hésité à se réclamer de la liberté d’expression. On peut difficilement faire preuve d’une mauvaise foi aussi épaisse. La liberté d’expression ne peut consister à empêcher les autres de parler : ça, c’est de la censure privée, qui est doublement condamnable. Le fond du problème est là : la médiocratie dirigeante préfère tellement certaines pensées à d’autres, que faute de pouvoir censurer celles-ci, elle encourage les dérives des premières. Personne n’interdit aux « femen » d’exprimer leurs idées si tant est qu’elles en aient, mais rien ne les autorise à museler leurs adversaires.
Il y a, en effet, un autre aspect du problème. Ce qu’on a tenté de faire taire est un discours, c’est-à-dire un ensemble d’idées, de propositions, de critiques. On peut l’aimer ou non, le critiquer à son tour. La technique des « femen » est autre. La vulgarité gestuelle, l’obscénité de la mise en scène, le caractère réflexe du processus élimé de la « reductio ad hitlerum » qui associe le slogan à l’image, appartiennent à l’infra-pensée médiatique non au débat démocratique. C’est d’autant plus choquant que rien dans le discours ne méritait cette minable caricature. Lorsque Marine Le Pen prend pour exemple l’Australie qui intercepte les bateaux de migrants illégaux et les reconduit à leurs ports de départ, et que les Français, éberlués, voient que notre marine, elle, les recueille au large de la Libye pour les conduire en Italie, c’est-à-dire, termine le « travail » des passeurs, le bon sens les amène à s’inquiéter. Rien de commun entre Hitler et Tony Abbott, mais que penser de nos gouvernants et de leur volonté de défendre l’intérêt national ? On doit opposer des idées à des idées, non les réduire à des réflexes pavloviens.
Continuer dans cette voie expose à trois risques. Le premier est de révéler que le système politicien n’a plus d’idées. Pujadas a « coincé » Juppé en lui rappelant qu’il défendait naguère les idées actuelles du Front National, comme la préférence nationale. « Vous avez marqué un point » a reconnu l’ancien Premier Ministre avouant qu’effectivement les idées ne l’intéressaient pas. Seul compte le pouvoir. Mesure-t-il combien de vrais gaullistes se reconnaissent davantage dans ce que dit la présidente frontiste que dans les propos pour le moins divergents des responsables de l’UMP ? En second lieu, le dénigrement, la dérision, la caricature laissent l’intelligence sur sa faim. La tirade féministe de Mme Le Pen sur les grandes femmes de notre Histoire, à commencer par Jeanne d’Arc, en contrepoint de l’exhibition grossière des femen met évidemment les gens intelligents de son côté, navrés qu’on puisse lui opposer autant de bêtise. Enfin, les Français ont un penchant tenace pour le faible contre le fort. Avoir « tout le monde » contre soi, subir des attaques d’un groupe qui jouit manifestement de moyens et de connivences qui lui ont permis d’amener du matériel sur le balcon d’un grand hôtel au moment opportun, essuyer en permanence le dénigrement et l’hostilité de nombreux médias incapables d’objectivité, comme l’interview d’Elkabbach et consorts dans le Grand Rendez-vous sur I-Télé, c’est-à-dire Canal+, et autres, vient d’en faire la démonstration aujourd’hui même. .. voilà qui ressemble bien à de la discrimination, voilà qui appelle au soutien de la victime, voilà qui suscite la révolte légitime de tous ceux qui refusent de se laisser manipuler.
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