Avec l’arrivée inopinée d’Emmanuel Macron à l’Elysée, on avait pu croire, quelques mois, à un véritable renouvellement de la vie politique et on avait même pu penser, se laissant aller à une naïveté facile, s’être enfin débarrassé de toute une clique de petits politiciens dogmatiques et obstinément coincés dans des schémas de pensée du XXème siècle. Las, il n’en est rien.
Rapidement, une fois le nouveau roi bien en place sur son trône, il fallut se rendre à l’évidence ce qui fut d’autant plus facile que Ségolène Royal nous a rapidement rappelé à la raison et ramené à la froide réalité politique du pays. Prestement nommée Reine des Neiges, et ce malgré des contre-performances assez phénoménales à la présidence de sa région, elle a rapidement prouvé qu’on pouvait très bien continuer à émettre des avis péremptoires même en l’absence de tout mandat électif, de tout avenir et de toute signifiance politique si ce n’est celle de point de repère pour ceux que l’échec et la médiocrité guettent impitoyablement.
Le cas Royal aurait pu être isolé. Nous sommes en France et il n’en est donc rien : après la nouvelle égérie des pingouins, c’est au tour d’autres épaves politiques de reprendre du service, largement aidées en cela par une presse complaisante et toujours en mal de marronniers pour alimenter ses étiques colonnes.
C’est ainsi qu’on découvre, au détour d’articulets forcés sur nos écrans par cette presse envahissante, les dernières pensées profondes de Christiane Taubira, l’ex-Garde des Sceaux quand Hollande sévissait encore. Profitant de ce qui lui reste encore d’aura, elle se retrouve invitée dans des happenings branchouilles et doit prendre la parole sur des sujets à la mode. Et dernièrement, la voilà enrôlée dans une Nuit des idées organisée à Montréal par l’Institut français.
À en juger par les saillies de l’ex-ministre, le titre de l’événementiel est assez apte : pour les idées, c’est vraiment la nuit noire qui s’installe dans les milieux intellectuels à mesure qu’une espèce de tempête de poncifs, de lieux communs et de chasse aux sorcière se répand partout.
Rebondissant sur l’actualité qui a fourni, avec l’affaire Weinstein et ses douzaines de scories, une toile de fond particulièrement pratique pour y peindre une société machiste, patriarcale, oppressante et nauséabonde, Christiane Taubira s’est donc ouvertement réjouie par avance que les hommes soient un jour confrontés à (je cite) « l’expérience de la minorité », jugeant d’ailleurs que « l’expérience de la minorité est enrichissante, elle élève ».
On pourrait bien sûr souhaiter que la réflexion de l’immense penseuse politique ne s’arrête pas là et qu’elle en vienne à réaliser, enfin, que la plus petite des minorités est l’individu lui-même et qu’à ce titre, il faut absolument tout faire pour tempérer les mouvements actuels dont tout indique qu’ils passent leur temps à amalgamer avec une belle vigueur tous les hommes, ou tous les blancs ou, pire encore, tous les hommes blancs dans le même panier d’infamie.
En attendant qu’elle mène ce cheminement logique, on pourra regretter qu’elle prenne avec autant de légèreté certaines des actions menées par divers activistes dont les comportements se rapprochent parfois de la calomnie ou de la diffamation. La délation rapide, de préférence sur les réseaux sociaux, ne semble pas problématique. Mieux, elle ne suffit pas :
« La stigmatisation sociale via les réseaux sociaux ne suffit pas, la justice doit prendre le relais et les agresseurs doivent répondre de leurs actes devant des tribunaux. »
Pour une ex-ministre de la Justice, on aura le droit de lever un sourcil : on pourra toujours jeter un type en pâture à la vindicte populaire, ce n’est pas grave puisque la Justice prendra le relais. Et s’il n’y avait qu’une délation sans fondement, eh bien tant pis : la Justice étant passée, ce qui a été vomi sur les réseaux sociaux s’évaporera sans mal, je présume. Au pire, on saupoudrera un peu de poussière de licorne sur Facebook et Twitter, et hop, les allégations mensongères s’effaceront et les préjudices disparaîtront.
On aura le droit de lever un deuxième sourcil lorsqu’on lira, toujours dans le même entretien, qu’en définitive, peu importe le nombre de lois qu’on passera puisque
Même avec toutes les lois possibles, certains hommes seront toujours des goujats
… Ce qui devrait inciter à la prudence en matière de production législative, qu’on ne retrouve absolument pas dans le cortège de belles-âmes qui ont – aussitôt que l’affaire Weinstein prenait de l’ampleur – décidé de lancer de grandes opérations de codification légale sur l’outrage sexiste dont on attend le résultat avec gourmandise, notamment la partie verbalisation qui promet de grands moments de rigolade.
En pratique, Taubira, comme la politicienne madrée qu’elle est restée, s’inscrit ici dans l’air du temps qu’elle a aidé à produire avec d’autres péronnelles (depuis Najat Vallaud-Belkacem jusqu’à la dernière friandise gouvernemamantale, Marlène Schiappa) et s’exprime comme à son habitude, avec tout la grâce d’un éléphant sur une paire de skis, pour osciller entre les banalités et les âneries de circonstance que personne n’osera relever de peur de déclencher un tsunami de réactions outrées.
Car au-delà des petites phrases de Taubira (essentiellement plongées dans les constats d’évidences enrobés dans des formulations ampoulées), il reste l’actuelle tempête médiatique qui frise parfois l’hystérie où tout devient sexiste, tout n’est plus que discrimination, lutte, et vociférations bruyantes contre (au choix, panachage possible) le patriarcat et la domination masculine ou le machisme, les inégalités homme/femme, le harcèlement, j’en passe et des meilleures (comme ceci par exemple où, je cite, des femmes et des hommes féministes « déconstruisent les mythes de la masculinité », quels qu’ils puissent être).
En fait, on pourrait croire le discours de Taubira anecdotique. On pourrait imaginer que l’avalanche d’articles, d’émissions, de déclarations et maintenant de lois qu’on subit actuellement n’est qu’un effet de mode. C’est en partie le cas, bien sûr, mais ce serait oublier un peu vite que pendant que ces questions sociétales palpitantes occupent une place prépondérante dans l’actualité, les autres problèmes ne sont pas abordés (et ne sont donc ni réfléchis, ni traités).
De la même façon que Hollande avait occupé une bonne partie de son quinquennat sur le mariage homosexuel pour la simple et bonne raison que cette question, parfaitement accessoire à la bonne vie du pays, ne coûtait absolument rien à un État exsangue, Macron, son équipe et l’immense foule des idiots utiles qui piaillent derrière lui pratiquent la même technique avec la lutte acharnée contre le sexisme, les inégalités et les impolitesses de rue (là où l’arsenal de lois existantes couvre déjà l’ensemble de la problématique, si tant est que la volonté politique existe de le faire appliquer) : on s’occupe de l’accessoire, on oublie l’essentiel (le chômage, la dette, les problèmes de logement, d’éducation, de retraites, etc.).
Pendant ce temps, incapables de fournir les outils et les méthodes intellectuelles pour réellement combattre les messages subversifs, collectivistes et néfastes, et, pire encore, distribuant elles-mêmes de bonnes doses de ces messages collectivistes, les hystériques de l’égalitarisme à sens unique nous construisent résolument un monde où on aura simplement réorienté les haines et les ségrégations au lieu de les faire disparaître.
Forcément, ça va bien se passer.
> H16 anime le blog Hashtable.
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