On se souvient du Printemps arabe et des illusions qu’il avait suscitées. Les manifestations populaires contre les dictatures devaient déboucher sur l’instauration de démocraties. Quelques années plus tard, le paysage est en ruines. Au mieux, on a la Tunisie exposée au terrorisme et dont le tourisme s’est effondré. L’Egypte a peut-être retrouvé son Nasser. La Libye, la Syrie, l’Irak, le Yémen sont en proie à des guerres civiles féroces où les étrangers exacerbent les divisions intérieures. Le conflit entre chiites et sunnites atteint son paroxysme. Que le Qatar, l’Arabie Saoudite et la Turquie aient encouragé voire suscité ce désastre avec la bénédiction de leur protecteur américain ne fait pas l’ombre d’un doute. Que des mouvements peu démocratiques comme les Frères Musulmans en aient été les acteurs soulève une inquiétude légitime sur les intentions de la première puissance mondiale et devrait accentuer la défiance envers les moyens qu’elle emploie. A l’évidence, la puissance, le contrôle de certains marchés, comme celui de l’énergie, l’affaiblissement des rivaux potentiels ont plus de place dans cette stratégie que la paix, l’instauration du droit ou l’établissement de démocraties. Que de puissants intérêts relayés par une armada médiatique soient à l’oeuvre apparaît dans la partialité d’une grande partie de l’information qui nous parvient. A l’écouter, avant l’intervention russe en Syrie, l’Etat islamique progressait. Désormais, il recule grâce à l’action des Etats-Unis et de leurs alliés dont les bombardements tuent exclusivement ses chefs tandis que ceux des Russes font surtout des victimes civiles dans les zones tenues par des rebelles modérés. Ceux-ci existent puisque la petite cellule londonienne baptisée prétentieusement « Observatoire Syrien des Droits de l’Homme » les a rencontrés. Qui oserait douter d’une « ong » indépendante ?
Avec l’effondrement du bloc soviétique, de vraies révolutions avaient libéré les satellites qui avaient connu la démocratie ou au moins l’indépendance avant la seconde guerre mondiale. Depuis on assiste à un processus à la fois préoccupant et révélateur. Dans un premier temps, des révolutions de couleur ont tenté de prolonger apparemment le mouvement dans les nouvelles républiques nées de la dislocation de l’URSS. Elle faisaient partie de l’Union soviétique et n’avaient guère plus qu’elle goûté à la démocratie. La ressemblance des scénarios « orange », des roses » et « des tulipes » à Kiev, Tbilissi et Bichkek révélait la main du metteur en scène, le réseau d’ONG « National Endowment for Democracy », avec le soutien financier de riches fondations comme celles de Soros, et sans doute la collaboration technique de la CIA. Mikheil Saakatchvili, l’acteur et le bénéficiaire de la révolution géorgienne a été battu au lendemain de la défaite face à la Russie et de la perte de l’Ossétie du Sud et de l’Abkazie. Après un passage à la case New-York, le voici naturalisé ukrainien et nommé gouverneur de la région d’Odessa, promise à être la vitrine de la réussite ukrainienne. Il faut être aveugle pour ne pas voir que ces mouvements ont davantage pour objectif d’affaiblir et de marginaliser la Russie que d’établir la démocratie. Celle-ci n’est qu’un prétexte. La situation bloquée à l’Est de l’Ukraine et la mauvaise foi en acier trempé des occidentaux critiquant les Russes de faire en Crimée ce qu’ils ont fait de manière plus violente au Kosovo témoignent du cynisme de ceux qui se prétendent les chevaliers du droit.
L’Europe technocratique de Bruxelles a fidèlement accompagné l’Amérique dans cette entreprise. Elle a avalé goulûment les anciens vassaux de Moscou y compris ceux qui étaient membres de l’URSS. Elle est parvenue à détacher l’Ukraine de l’orbite russe, applique les sanctions à l’encontre de la Russie, réouvre le dossier de l’intégration absurde de la Turquie tandis qu’elle se fait un devoir d’accueillir les migrants comme « réfugiés » d’une guerre qui n’est pas la sienne. Cette politique favorable à une immigration qui tourne à l’invasion, la promotion d’une idéologie libérale-libertaire hostile aux identités notamment religieuses, l’échec de la construction économique et monétaire créent des tensions entre une technocratie de plus en plus « hors-sol » et les peuples sans la souveraineté desquels la démocratie est un mot vide de sens. Des mouvements opposés à la ligne de Bruxelles se développent, les uns souverainistes et conservateurs, les autres contestataires et gauchistes. Des signes d’éclatement des nations se font plus manifestes. L’attitude du gendarme incapable de protéger mais enclin à sévir devient de plus en plus insupportable. Les Grecs et les Espagnols ne tolèrent plus leur niveau de chômage. Les Hongrois et les Polonais n’acceptent pas qu’on attente à leur souveraineté reconquise. C’est aujourd’hui l’Europe qui a besoin d’un printemps démocratique. C’est en Europe que les peuples ont à se libérer !
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