Le comble de l’imposture hollandienne
J’ai encore dans la tête les notes et les paroles de la chanson de Jacques Brel que trois chanteuses, toutes de noir vêtues, ont chanté le 20 novembre à Paris aux Invalides lors de la cérémonie d’hommage aux victimes du massacre qui avait eu lieu sept jours plus tôt. Cette cérémonie dans ce lieu, le plus haut niveau protocolaire d’hommage à la nation, a été un chef d’œuvre de ce que l’hypocrisie peut produire. On croyait avoir tout vu, tout entendu. Mais non ! Le hollandisme a pour « vertu » de toujours se dépasser dans l’imposture. Ce n’est pas seulement la face de carême qu’affichait Monsieur Petites Blagues, assis sur sa chaise ridicule, le cheveu repassé au cirage, en écoutant pousser la chansonnette. C’est hélas ! beaucoup plus grave. De l’inversion de la courbe du chômage, toujours promise, jamais tenue, on est passé en quelques minutes à la perversion du sens des mots les plus élémentaires. Comme celui de guerre. Ou même de Dieu.
Les Trois Parques, prostituées au sens sacré du terme sur le podium dressé dans la Cour auguste des Invalides, étaient censées représenter la « diversité française » chère à notre classe politique : Yael Naim, chanteuse d’origine franco-israélienne, guitare à la main, [1] Camélia Jordana, de son vrai nom Camélia Jordana Riad-Aliouane, Française d’origine algérienne, et Nolwenn Leroy, bretonne bretonnante. Nolwenn signifie « agneau blanc et heureux ». Pauvres, pauvres familles des victimes, obligées d’écouter bêler du Brel censé calmer leur souffrance, parquées là comme des moutons, ni blancs ni heureux, flanquées de tout ce que la France compte d’huiles politiques et religieuses, autant de mauvais bergers coupables de ce désastre géant.
Voici ce que ces malheureux entendaient en fait :
Quand on n’a que la mort
A s’offrir en partage
Au jour du grand voyage…
N’a pas retenti la Sonnerie aux morts, réservée aux militaires tombés au combat. – les galonnés veillent au respect de la tradition militaire. Sous-entendu : les bistrots ne sont pas des « champs d’honneur »… Tant pis pour nous, simples mortels !
Qu’a donc à offrir la République laïque en ces jours de deuil sans transcendance, et donc de désespoir absolu, si ce n’est plus de confusion, et donc des promesses de massacres à venir ?
Dès la première phrase de son discours, le président de la République, chef des Armées, en ce lieu symbolique entre tous de la chose militaire, a qualifié d’ « acte de guerre » la tuerie du 13 novembre.
Une fois encore- la fois précédente, c’était le 3 septembre 1939 – l’exécutif français va-t-en-guerre sans vote explicite du parlement (bonsoir, la démocratie !). Mais cette fois, on serait bien en peine de définir l’ennemi. Serait-ce l’Etat islamique, que l’on nomme seulement sous son acronyme, pour ne pas froisser les susceptibilités musulmanes ? Mais on n’ose même pas envoyer des troupes pour le combattre. Et l’on n’ose pas non plus traiter les voyous-à-kalach que l’on parvient parfois à capturer, comme des francs-tireurs, ni les déférer devant un conseil de guerre pour éventuellement les fusiller , au lieu de les envoyer devant la Justice civile comme des criminels de droit commun, comme on le fait aujourd’hui. Mais si l’ennemi est intérieur – ces imbéciles sont, pour la plupart, de nationalité française -, alors nous sommes déjà en guerre civile. Mot indicible dans la France « multiculturelle » sans jeter de l’huile sur le feu qui couve dans les bien nommés territoires perdus de la République.
Ni extérieur, ni intérieur, précise tout de même notre prince-philosophe, l’ennemi, « c’est la haine », « c’est le fanatisme », « c’est l’obscurantisme ». Hollande disait autrefois, pour gagner des voix, « mon véritable adversaire, c’est le monde de la finance »[1]. On sait ce qu’il en a été. Quant aux nouveaux « ennemis », « la haine », « le fanatisme », « l’obscurantisme », on n’en finira jamais de terrasser ces démons qui peuplent les cauchemars du Roi Babar. Ce qui promet de longs jours, de longs mois à l’état d’urgence tout de suite proclamé. L’échéance présidentielle n’est pas très loin. Il s’agit seulement de tenir jusque-là. Du reste, la cote de Hollande remonte vertigineusement dans les sondages. Il suffira de rafler la mise en 2017.
Bref, ce pouvoir débile avait besoin d’une guerre, n’importe laquelle, pour se maintenir. Mais le désastre ne fait que commencer.
Dès la deuxième phrase de son discours, toutefois, notre Babar national a encore gaffé : « Une horde d’assassins a tué 130 des nôtres et en a blessé des centaines, au nom d’une cause folle et d’un dieu trahi. » Notez la minuscule (laïcité oblige). Elle ne s’entendait pas, mais elle est bien là (je l’ai vérifiée sur le site de l’Elysée). S’agit-il donc d’une divinité parmi d’autres, mais alors quel blasphème pour les Croyants ! Quelques minutes plus tard, Monsieur Grosses Bourdes en rajoute, évoquant « un islam dévoyé qui renie le message de son livre sacré » (sic). Cet islam dévoyé aurait donc SON livre sacré. Et quel est-il, sinon le Coran ? Et de quelle autorité religieuse jouit notre iman républicain pour décréter qu’il s’agit d’un reniement ?
UN SEUL HOMME S’EST LEVE
Contre cette gigantesque imposture, un seul homme s’est levé, comparable au héros de la Place Tiananmen qui le 5 juin 1989 avait fait face, tout seul, aux chars de la tyrannie maoïste. Cet homme, pour le moment inconnu, coiffé d’une chapka et d’un keffieh, s’est levé pendant le blabla de Hollande, a tourné le dos à la tribune présidentielle, la tête rentrée, les bras croisés en signe de protestation. Puis, aux premières notes de la Marseillaise, il a posé ses mains sur ses oreilles. « Vu la sécurité mise en place sur le site, raconte à MetroNews [2], Alain Guilhot, l’un des deux photographes qui ont réussi à capter l’image de ce héros inconnu, il est certain qu’il a été repéré, mais personne parmi les forces de l’ordre, n’a bougé. » Puissance de cet homme. Même la plus vigilante des polices ne pouvait l’empêcher d’accomplir ce geste. MAGNIFIQUE !
Une fois prononcé son discours, Hollande au lieu d’aller saluer les familles – ce que tout le monde attendait -, claquer quelques bises comme il sait si bien faire, s’en est allé à la surprise générale, sans demander son reste. De la tribune avait-il perçu le dos de l’homme au keffieh ? Craignait-il une confrontation qui aurait mis par terre en quelques secondes toute cette tartufferie affreuse ? Cette sortie sans tambour ni trompette était une indignité supplémentaire.
> Philippe Simonnot est économiste et journaliste.
Notes :
1. Discours dit du Bourget, 22 janvier 2012.
2. 30 novembre 2015
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