Ce que Nicolas Sarkozy nous révèle de nous-même

Il y a un peu plus de deux mois, Nicolas Sarkozy a fait son retour sur la scène politique. La relation entre un peuple et son dirigeant fonctionnant en miroir, selon la formule d’un Joseph de Maistre affirmant que « toute nation a le gouvernement qu’elle mérite », le ressenti que nous avons à l’égard de l’ancien président nous en apprend beaucoup sur ce que nous sommes, avons été et sommes appelés à devenir.

L’adolescent victorieux

Engagé en politique depuis le début des années 80, la percée personnelle de Nicolas Sarkozy peut être datée du début des années 2000, suite à sa nomination comme ministre de l’Intérieur de Jacques Chirac, puis à son élection comme président de l’UMP le 28 novembre 2004. Le point d’orgue de cette ascension aura été son élection à la présidence de la république le 6 mai 2007, suite à une campagne axée sur le volontarisme en réaction aux capitulations idéologiques chiraquiennes des années précédentes. Or, comme le montre l’ex-président du FNJ Julien Rochedy dans son livre Le Marteau, même si nous souhaitons réhabiliter les valeurs de nos ancêtres, nous sommes néanmoins les enfants de notre époque. Prenant des positions en apparence proche d’un Jean-Marie Le Pen sur le fond, c’est leur combinaison avec sa personnalité ludique, individualiste, émotionnelle, en un mot adolescente, typique de l’air du temps, qui a assuré la victoire du président, comme le montre le sociologue Michel Mafessoli dans son livre Sarkologies.

Le succès de Nicolas Sarkozy vient du fait qu’il a littéralement incarné sa politique « hédoniste-sécuritaire », selon le concept théorisé par le politologue socialiste Gaël Brustier dans son livre Voyage au bout de la droite pour décrire cet état d’esprit caractéristique du milieu des années 2000. Également appelée « libérale-autoritaire » par le journaliste Francis Brochet, cette ligne politique aura été un intermédiaire entre la fin de l’esprit libéral-libertaire soixante-huitard sous la montée des insécurités diverses, et avant la remise en cause du modèle libéral globalisé suite à la crise de 2008. Figure transitoire entre l’étudiant anti-raciste de l’ère mitterando-chiraquienne et l’ouvrier prolétarisé de la crise, le modèle du winner, travailleur ET jouisseur, marque une tentative provisoire d’intégrer les aspirations à la sécurité du second tout en pérennisant le mode de vie du premier.

L’adulte introuvable

« Nicolas Sarkozy n’a pas de colonne vertébrale idéologique, c’est aussi ce qui fait sa force, mais sur un tas de sujets on a le sentiment qu’il est perdu et en quête d’une ligne à suivre », analyse la journaliste Laureline Dupont. La crise de 2008, ayant « tranché la quille idéologique du sarkozysme » selon Eric Zemmour, aura eu pour effet idéologique de discréditer le modèle libéral-autoritaire incarné par le président, en dopant la critique de la globalisation libérale et en radicalisant l’électorat de droite sur les « valeurs » ne se réduisant plus au seul respect de l’état de droit. Démentant en partie l’analyse de Michel Mafessoli sur le passage à la post-modernité, l’accélération du déclin notamment économique aura eu pour effet de réactiver l’exigence dans la praxis politique de ce que Cicéron désignait par dignitas et gravitas, aux antipodes du caractère du président.

Après une première moitié de quinquennat marquée par un louvoiement idéologique ainsi que par le style « bling-bling », le correctif sera apporté à partir de 2010 suite à la défaite de l’UMP aux élections régionales, notamment par la création du collectif parlementaire de La droite populaire et le discours de Grenoble. D’une manière générale, l’adoption de la ligne idéologique dite « ligne Buisson », du nom de l’ex-conseiller du président, combinant identité et austérité, permettra de structurer un minimum la fin du quinquennat. Mais appliquée trop tard, ne donnant sa pleine mesure que dans la dernière ligne droite de l’élection présidentielle de 2012, elle ne permettra pas à Nicolas Sarkozy d’éviter la défaite.

L’éternel solitaire

La clé du personnage Sarkozy est sans doute à chercher ailleurs. Comme l’a relevé la psychologue Jeanne Siaud-Fachin, Nicolas Sarkozy aura vite compris que quoi qu’ils fasse, il devrait traverser l’existence dans une certaine solitude. La caractéristique de l’ex-président est d’en avoir ostensiblement pris son parti, appliquant parfaitement le principe du théoricien d’extrême-gauche américain Saul Alinsky selon lequel il faut revendiquer chacune de ses spécificités comme une force et non comme une faiblesse. Déclarant « s’être toujours senti illégitime » au journaliste Frantz-Olivier Giesbert, le président aura compensé son incapacité à s’insérer dans les corps constitués en cherchant à en débusquer systématiquement l’hypocrisie voir l’illégitimité, par une tendance au scandale faisant écho à celle de son écrivain préféré Céline.

« Qui n’a pas été haï n’a rien accompli de grand », disait Napoléon. Etant donné que l’Empereur incarnait pour le philosophe Friedrich Nietzsche l’archétype du surhomme, « créateur de valeurs », il n’est pas surprenant que Nicolas Sarkozy lui ai été si souvent comparé, en particulier par le journaliste Alain Duhamel dans son livre La marche consulaire. Apparu comme lui dans des circonstances de crise ayant pour effet de rebattre les cartes sociales en favorisant ceux qui fonctionnent en dehors des conventions, Sarkozy aura pour les mêmes raisons perdu la bataille de la légitimité. Les trésors de dévouement déployés jour et nuit par ses militants du printemps 2012 puisent à la même source que ceux des soldats de la garde impériale deux siècles plus tôt : le refus de lâcher celui qui, défiant la terre entière seul contre tous, leur a appris à « tenir encore, tenir toujours, tenir envers et contre tout ».

Conclusion : la France doit grandir

« C’est en allant vers la mer que le fleuve reste fidèle à sa source », disait Jaurès, citation du reste souvent reprise par l’ancien président. Mai 68 aura eu pour effet spirituel de faire régresser la France dans l’immaturité. Lassée de l’infantilisme soixante-huitard, mais pas encore capable de s’assumer en tant qu’adulte responsable, elle a élu Nicolas Sarkozy car il incarnait la posture intermédiaire entre ces deux états : celle de l’enfant qui veut grandir. Au nom de l’espoir que le président a suscité, la France doit aujourd’hui poursuivre ce mouvement de rédemption en achevant son adolescence politique, et ne pas céder à la tentation du syndrome de Peter Pan en voulant pérenniser ce qui n’était qu’une période transitoire. C’est en assumant à présent pleinement leurs valeurs et leur identité que ceux qui ont cru en lui resteront fidèle aux idéaux qu’il a incarné.

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35 Comments

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  • marion , 3 décembre 2014 @ 15 h 32 min

    je me demande vraiment pour quoi il tient tant à revenir ; ce type a en horreur les français et n’ a pas été foutu de faire son quinquénat sans être suivi par un tas de casseroles ;j’espère qu’il ne sera pas réelu , il ne mérite pas plus le trone que hollande et consort ;

  • Philippe Aucazou , 3 décembre 2014 @ 17 h 38 min

    Évidemment qu’il ne mérite pas d’être élu : il revient sans idées, sans même savoir où il va se positionner ! Au centre, à l’extrême droite ? Tout dépendra de ses concurrents. Il revient par envie, non par désir de faire du bien à la France. Ce qui m’échappe surtout, ce sont tous ces gens qui mettent leur foi en lui alors qu’il a si souvent montré son incapacité, son manque total de clairvoyance et son mépris du bien commun.

    http://philippeaucazou.wordpress.com/2014/12/02/contre-nicolas-sarkozy-epigramme-65/

  • petitjean , 3 décembre 2014 @ 18 h 49 min

    ” Il revient par envie”

    mais non !

    il est missionné par l’oligarchie qui tire les ficelles dans l’ombre.Cette oligarchie mise sur Sarkozy le bonimenteur, le moins pire de la bande UMP pour contrer le FN

    Le Système est paniqué à l’idée d’une finale présidentielle entre le PS et Marine Le Pen.
    Dans cette hypothèse l’UMP, ou ce qui lui succédera, devrait se dévoiler en appellant à voter PS !!…..

  • pas dupe , 3 décembre 2014 @ 19 h 26 min

    Une projection a été faîte sur les législatives et selon celle-ci la gauche n’aurait plus que au mieux 55 sièges !!!
    Donc, la Goldman Sachs et toute la m… judéomaçonne voulant conserver leur suprématie sur notre pays, ont imposé Sarkozy pour que durant deux ans, les Français entendent ses lamentations et surtout ses récriminations contre les europhobes et le FN, notamment !

  • Alex , 3 décembre 2014 @ 19 h 29 min

    Bien que Sarkozy soit un psychopathe notoire, il est moins le problème que le schéma mental de toutes les élites de gouvernement, partout dans le monde.

    Nos élites, qu’elles soient politiques, médiatiques et militaires, sont des modèles d’enfants irresponsables faisant des caprices avec la vie des gens.

    Cela commence dès l’école, où les cancres sont généralement ceux qui sont élus aux postes de délégués de classe.

    C’est comme lorsque le caid infantile de l’école prend le pouvoir dans le cour de récréation.

    Nos élites partout dans le monde sont fondées sur ce modèle.

    C’est pour cela que partout des dictateurs, des tyrans, des mafias, des caids ou des présidents égocentriques gouvernent.

    Bien que Sarkozy ne soit pas un petit problème, il est donc préférable de réfléchir à ce que nous pouvons changer dans les structures sociales pour que ce modèle d’élites infantiles ne soit plus alimenté et ne prenne plus le pouvoir !

    Le modèle autoritaire que vous souhaitez inconsciemment restaurer lorsque vous évoquez “les ancêtres”, n’est pas la solution, car il est lui-même une des causes de la génération de ces élites infantiles.

    C’est une gestion collective du sentiment de honte qu’il faut parvenir à construire.

    Le caid de la cours de récréation, doit éprouver de la honte et non plus de la fierté et cette honte doit lui être inspirée par ses camarades.

    De même nous devons tous collectivement mettre en place des méthodes de gestion de la honte, au quotidien.

    Nos élites doivent démissionner sous la honte de leurs comportements puériles, pour laisser les génies prendre le pouvoir.

  • hectorgalb , 3 décembre 2014 @ 20 h 16 min

    J’ai voté Sarkozy. Il a foutu la France en bas. Je ne voterai plus pour lui. Ni pour Juppé. Ras le bol de ce régime des aventuriers en toute impunité !

  • hectorgalb , 3 décembre 2014 @ 20 h 18 min

    Avant, le poids de l’ “honneur” qui pesait sur les épaules des gens face à leurs semblables permettait de trier un peu dans tout cela, mais ça c’était avant (d’autant que l’honneur en tant que valeur a lui même été abusé).

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