Bon, le budget, aussi pourri soit-il, a fini par passer à Bruxelles. C’était parfaitement prévisible, et le psychodrame en carton n’a trompé que les plus naïfs. Cependant, le problème initial (trouver des sous) reste entier. L’État est exsangue, et avec la brochette de clowns de compétition qui le gouvernent, on se demande exactement comment il va parvenir à boucler son année.
Le plus drôle, dans ce constat économique désolant, est la propagande détendue dont font preuve les médias qui, il faut bien le leur accorder, ne savent absolument pas où donner de la tête. Noyés dans des informations contradictoires qui leur arrivent en vrac, délivrées par des politiciens tous plus avides d’exposition médiatique que de souci de cohérence, nos fiers organes de presse subventionnés se relaient pour expliquer aux Français que, si la situation est critique, elle n’est pas désespérée et que, déjà, on aperçoit des lueurs d’espoirs.
Je n’ai pu ainsi m’empêcher de glousser en tombant sur les différents articles relatant, avec de gros titres bien aguicheurs, toutes les économies enfin générées par le fameux choc de simplification que nos preux gouvernants ont provoqué à la force de leurs petits bras musclés.
Pour les Échos, on apprend ainsi que l’économie globale, pour la France, des gros paquets joufflus de mesures annoncés ces douze derniers mois aurait atteint 2,4 milliards d’euros, selon un chiffrage aux petits oignons effectué par les services de l’État, pas du tout juge et partie dans l’affaire. Pour rappel, en avril dernier, une cinquantaine de mesures avaient été présentées par Mandon, le secrétaire d’État en charge de cet épineux dossier, mesures que le papier des Échos ne rappelle pas en détail (c’est dommage), et qui se contente de claironner, de concert avec Bercy, quelques conditionnels putatifs hypothétiquement probables sur les gains réalisés, en notant toutefois que « parmi les mesures présentées en avril, très peu sont appliquées à ce jour », sans pour autant s’étonner qu’on ait déjà pu économiser autant.
Pour Le Figaro, c’est 11 milliards d’économies qu’on atteindra courant 2017. La trajectoire est connue, le guidon est fermement tenu, les petites jambes pédalent, la tête est baissée, et … l’article enfile alors des mesures qui, si elles simplifient assurément la vie des Français concernés, laissent franchement perplexe en ce qui concerne les 11 milliards annoncés, qui ne sont pas du tout, contrairement à ce que la tendance actuelle laisse penser, une petite somme : congés d’été des boulangers organisés librement, apprentissage assoupli pour les mineurs, petit nettoyage de la définition de « jour » dans le code du travail, différents bricolages technoïdes (oraux du bac par visioconférence, « chat » avec Paul Employ, etc.)… Bref, on peine franchement à voir dans cette litanie de petits ajustements certes utiles mais vraiment pas fondamentaux autre chose qu’une amélioration à la marge des conditions dantesques des contraintes bureaucratiques et administratives en France. Quant à croire que ceci va vraiment permettre d’économiser 11 milliards d’euros, cela relève d’un vœu pieux quasi enfantin.
C’est difficile, de faire des économiesPar analogie, ce choc de simplification représente tout au plus le dépôt d’un peu d’huile dans les rouages d’une porte de prison aux 58 verrous. Ils seront plus faciles à fermer et à ouvrir (chouette !), la porte ne grince plus lorsqu’elle se referme (youpi !) et ce nettoyage de la cellule assure une hygiène décente (hourra !), mais les murs sont toujours aussi épais, et les gardiens se foutent toujours aussi ouvertement de votre gueule.
Car pendant le temps où on nous détaille les calculs de Bercy concernant ce fabuleux choc de simplification, on découvre que les (encore très) hypothétiques économies réalisées seront bien vite englouties dans différentes gabegies dont l’État a le secret.
Par exemple, comment ne pas mettre en face de ces économies les émoluments en hausse croissante des conseillers ministériels ? Pendant que Bercy prétend économiser des milliards avec des « tickets resto dématérialisés », la rémunération des conseillers ministériels a augmenté en moyenne de 7,1% entre 2013 et 2014 et leurs primes ont grossi de 4,3% sur la même période, soit une augmentation moyenne de 6,5% de plus cette année que l’an passé.
Par exemple, comment oublier, d’un coup, le magnifique fiasco de l’écotaxe qui va, selon toute vraisemblance, coûter à l’État français (et donc, à tous les contribuables) largement plus que les modiques économies réalisées par ces petits ajustements paperassiers ? Eh oui : cette taxe, que les camions (puis les voitures) n’auront finalement pas à payer le sera, de façon détournée, par l’ensemble des contribuables à la suite d’un procès qu’on sent déjà long, riche en rebondissements débiles, en déclarations ridicules et en petites phrases stupides, entre l’État (et son actuel gouvernement) et la société Ecomouv’, officiellement en charge de la collecte de la défunte taxe.
Et lorsqu’on voit les sommes en jeu, on comprend qu’il va y avoir du sport, ne serait-ce que dans les estimations de ce que tout ce bordel endimanché va nous coûter, la presse, comme à son habitude, barbotant dans l’incertitude et l’approximation globale. Pour Le Monde, ce sera plus de deux milliards d’euros. Peut-être. En tout cas, HuffPost évoque un milliard, et Le Figaro, certainement plus d’un. En tout cas, difficile de faire la part des choses entre la bêtise de nos dirigeants lors du précédent gouvernement et celle de ce gouvernement-ci. Le capitalisme de connivence, bien gras, bien dégoulinant, qui aura présidé à l’instauration de cette taxe idiote et la création de la société collectrice se dispute avec les manœuvres gênées des actuels dirigeants qui, après deux ans d’atermoiements pathétiques, se décident à laisser tomber le bazar, une fois que toutes les infrastructures sont en place et que les salariés sont déjà en poste. Le temps de réaction de ces gens (pour une facture minimale de 800 millions, quoi qu’il arrive, je vous le rappelle) laisse perplexe dans un monde qui va toujours plus vite. Et lorsqu’on apprend que ces mêmes mollassons vont triturer le contrat (au demeurant signé en juillet 2013 par… Bernard Cazeneuve) par tous les bouts pour tenter d’y trouver une faille et se sortir du pétrin dans lequel l’autre majorité d’abrutis les a poussés, on voit déjà se dessiner la coûteuse bérézina.
Mais ne vous inquiétez pas. Entre les petites réductions des uns, les petites augmentations des autres, les ajustements micrométriques ici et les nano-rabotages par là, tout se passera bien, forcément. S’il faut des miracles pour sauver le pays, le gouvernement fera des miracles. Je vous le rappelle :
Le socialisme, vraiment, c’est magique™.
> H16 anime un blog.
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