Tribune libre de Jean-Baptiste Marcillac*
Ces dernières semaines, on entend partout parler de mariage homosexuel, et surtout d’homoparentalité. Le bon sens est parfois présenté comme s’opposant aux droits subjectifs de certains de nos concitoyens. Il n’en est cependant rien, depuis longtemps.
Je ne suis pas opposé à ce que les homosexuels aient les mêmes droits que les hétérosexuels mais ces revendications doivent se limiter aux droits.
Tout d’abord, soulignons qu’indéniablement, comme le rappelait récemment Éric Zemmour, les citoyens adeptes d’une pratique homosexuelle ont les mêmes droits que l’ensemble de nos concitoyens.
Effectivement, dans les textes, l’égalité des droits est consacrée. Quelle que soit votre pratique sexuelle (dans les limites de la défense des mineurs et des animaux…), vous conservez les mêmes droits.
De plus, le pacte civil de « solidarité » (comme si les parties en avaient le monopole) a permis aux partenaires homosexuels (et non « couple » dont l’étymologie est incompatible avec ces pratiques) mais aussi aux couples hétérosexuels de bénéficier de droits et obligations réciproques.
Ces droits, proches de ceux résultant du mariage, empêchent de considérer qu’il existerait une réelle inégalité entre les situations des mariés et des pacsés. Avec une ambiguïté condamnable, le PaCS était d’ailleurs présenté à ses potentiels bénéficiaires comme un « ersatz » de mariage et à l’opinion comme une mesure mettant un terme à toute revendication des associations et lobbies précités. Ce PaCS si bien nommé devait apporter… la paix dans les ménages.
Sur ce point, après une décennie, le PaCS peut être toiletté, accorder plus de droits. Je conçois que l’on souhaite permettre à un fidèle « compagnon » d’hériter plutôt qu’à des neveux ingrats ou éloignés. Tant que l’on reste dans la sphère privée, des droits, cette démarche n’est pas nécessairement illégitime.
Admettons donc sa procédure, même si le caractère authentique de l’acte passé devant notaire peut laisser croire à une reconnaissance par la société de ce contrat.
Ce faisant, l’on pouvait s’attendre à ce que la messe soit dite, les droits acquis et les revendications éteintes, surtout après les promesses des promoteurs du PaCS que les plus naïfs d’entre nous ont crues. Il n’en est rien.
Le débat actuel ne porte plus sur les droits (et obligations) résultant du mariage. Les associations et lobbies homosexuels revendiquent une égalité des droits « au mariage ».
Les lobbies maniant bien la rhétorique invoquent « un droit ». Mais lequel ? Celui de se marier ? Chacun en dispose, dans les mêmes limites légales. Un hétérosexuel ou un homosexuel ont le même droit d’épouser une personne de sexe différent, et aucun ne peut épouser une personne de même sexe. Où est l’inégalité ? Où est la discrimination ?
On nous objectera que les situations sont différentes ? Pas en droit. La pratique sexuelle des uns comme des autres ne regarde pas le Code civil de tous. Et si d’aventure on admettait cette différence, l’égalité ne serait pas remise en cause pas un traitement différent. Le Conseil constitutionnel a toujours admis qu’à une situation différente, pouvait être accordé un traitement différent !
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En l’espèce, il ne s’agit pas de droit mais de l’accès à un symbole : le mariage. Les lobbies revendiquent une reconnaissance de leurs unions par la société, il leur faut un mariage en grande pompe, à la mairie, avec des mariés bien fardés et un édile tout sourire.
Ces associations de tout poil revendiquent désormais le droit (qu’ils ont déjà individuellement) pour les homosexuels d’adopter en binôme homosexuel. Cette demande n’aboutira peut-être pas (rien ne reste à ce jour moins sûr) mais la manœuvre est perverse.
“Cautionner un suicide sociétaire ? Non merci !”
C’est la tactique du bluff pour emporter le morceau. Il s’agit de demander 150% pour, après négociation, obtenir 100%. La ficelle est grosse mais les politiques, pour les uns la manient, pour les autres ne la voient pas : « Demandons l’adoption ! Les Français (s’ils sont un jour interrogés par référendum cet que le texte ne passe pas en catimini au Parlement) seront heureux de n’avoir accordé que le mariage. »
Cocus, les Français auront l’impression de porter les lauriers et non les cornes.
Revenons un instant sur le symbole. Il n’existe pas d’« égalité des symboles », fort heureusement. Pourquoi le mariage est-il un symbole ? Dans toute société, il existe un rite de passage à l’âge adulte, pubère.
On atteint l’âge adulte lorsque l’on est capable de donner sa vie (rite « initiatique » du service national) ou de donner la vie (rite du mariage). Ces deux repères d’une vie ont été sacralisés tant par la société chrétienne des anciens temps que la société laïque et déchristianisée.
Toute société est soucieuse de sa propre survie, par sa défense et son renouvellement (ce dernier étant évidemment favorisé par la stabilité des familles). Nous sacrifions déjà sa défense (imprudemment face à un monde de plus en plus chaotique) favorisons au moins le renouvellement de la Nation.
Ces deux rites relèvent d’un intérêt général, de l’intérêt supérieur de la société. Et l’on voudrait que des revendications subjectives et saugrenues de quelques uns prennent le pas sur cet intérêt général ?
Voici la crise d’une société post-moderne qui ne se reconnaît plus comme communauté mais ne se définit que par une somme de petites individualités mesquines : « Moi-même avec mon égo sur-dimensionné, j’entends vivre comme ceci, faire cela. L’intérêt de la société ? Mais je m’en f… ».
L’homme comme animal politique, sociable, voici tout le combat du symbole ! Plus de 2 500 ans de généreuse civilisation gréco-romaine, judéo-chrétienne, face à un bête matérialisme individualiste.
Hé bien ! Dans cette lutte entre la survie d’une société et les aspirations de quelques uns, je serai intransigeant. L’intérêt général, dans ce cas, ne permet aucune tolérance. Egalité des droits ? Oui, si vous voulez. Accès au symbole ? Jamais ! Au nom de la défense de toute une société déjà bien malmenée par une crise protéiforme (due à l’imprudence de nos politiques) et des tensions palpables dans mille situations quotidiennes.
Là encore, les politiques qui mettent ce sujet « sur le tapis » (en autres repentances porteuses de divisions dans le corps social) sont suicidaires !
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Allons un peu plus loin. Imaginons un instant que soit accordé le mariage en mairie à deux partenaires de même sexe. Pourquoi le limiter à eux deux ? Là encore : injustice ! Discrimination ! Une fois brisé le symbole, « le tabou », comme certains disent avec emphase, pourquoi ne pas permettre la polygamie ? Au nom du respect de la femme ? Non, Mesdames, soyez rassurées, nous vous accordons la polyandrie. Chacun son modèle, il y en aura pour tous les goûts.
Que l’on me donne une seule raison, juridique, qui empêcherait l’application complète du principe de libre arbitre ? Si vous êtes honnête intellectuellement, il n’y a pas de demi-mesure. Soit vous admettez le primat de la société et, sur de si graves sujets, que l’individu ne soit que second, soit vous laissez le champ au libre arbitre et alors, « chacun sa route, chacun son chemin », comme chantait l’autre.
On le voit bien, cette question dépasse largement la simple modification de quelques dispositions du Code civil. C’est un véritable modèle civilisationnel que l’on remet en cause. Accepter ces déviances juridiques, c’est admettre que le libre arbitre de l’individu prime sur l’intérêt de la société. C’est cautionner un suicide sociétaire.
Une fois cette boîte de Pandore ouverte, plus aucun garde-fou ne retiendra les aspirations les plus loufoques ou destructrices.
*Avocat, Jean-Baptiste Marcillac a été collaborateur parlementaire à l’Assemblée nationale de nombreuses années.
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