La politique française, cet art subtil du recyclage permanent

Décidément, le recyclage est partout. De nos jours, on ne peut plus faire un pas sans tomber sur des incitations à ne pas jeter, ou à jeter de façon responsable, ou à trier, ou à récupérer, ou à combattre l’obsolescence pourtant évidemment programmée par des industriels dépourvus de tout sens moral. Le recyclage, c’est tendance, c’est à la mode, c’est aussi écolo que nécessaire, afin, tout le monde le sait, d’avoir une planète plus verte et des élus plus rouges éco-conscients.

Pourtant, tout ne peut pas forcément se recycler.

Cette réalité indépassable n’empêche pourtant pas certains d’essayer avec acharnement, même (et surtout) lorsque cela provoque des dégâts dont ils ne seront, fort heureusement pour leur matricule, jamais tenus responsables.

C’est ainsi que le recyclage est une pratique massivement trans-partisane largement employée dans toute la politique française, pour plusieurs aspects dans lesquels ce ne devrait pourtant surtout pas être le cas.

Il est pour exemple tenu pour acquis que la récupération, c’est très bien, sauf lorsqu’il s’agit d’un fait divers atroce et que la récupération est faite par un parti qui n’a pas prêté allégeance au Camp du Bien. Mais soyons honnête : si la classe politique limitait ses actes de récupération à ce genre de choses, le citoyen ne s’en sortirait pas trop mal.

Malheureusement, là où la récupération politique est mal vue, le recyclage des textes de loi et des concepts législatifs idiots est, lui, parfaitement entré dans les mœurs. Ainsi, un concept, une idée, aussi mauvais soient-ils, ne seront jamais jetés à la poubelle s’ils offrent une possibilité d’imposer une taxe ou une diminution de liberté. Au besoin, ils seront amendés, modifiés, triturés pour pouvoir passer les fourches caudines des médias, des vibrantes associations lucratives sans but, des citoyens conscientisés, des vrais défenseurs des libertés, des lobbys et des différents jeux politiques des deux chambres, mais si une loi permet, à la fin, de récupérer du pouvoir ou du pognon (ou les deux), elle reviendra sans cesse dans le débat, jusqu’à son vote final sous les applaudissements.

On peut ici reparler de la taxe carbone, entrée par la porte, sortie par la fenêtre, à nouveau introduite par la cheminée et qui n’en finit pas de s’insérer dans tous les domaines de la vie courante. À présent campée dans les habitudes, suçant par ci, pompant par là, elle n’est même plus combattue quand bien même elle se traduit très concrètement par des aberrations économiques, du chômage, une baisse de pouvoir d’achat et des dérives écologies évidentes.

On pourrait aussi évoquer l’évasif projet de taxe sur le loyer fictif, plusieurs fois évoqué, et qui, s’il n’a pas encore abouti, finira bien par passer un jour ou l’autre.

Et plus récemment encore, il serait difficile de ne pas revenir sur la loi Avia, du nom de cette député LREM adepte du croque-monsieur et qui se sera brillamment illustrée en plein confinement en tentant de faire revenir de force une de ses esclaves collaboratrices au mépris de la plus élémentaire sécurité.

De façon surprenante, cette loi inique, aussi liberticide que mal écrite, avait été salement retoquée par le Conseil constitutionnel qui avait heureusement jugé l’ensemble du dispositif disproportionné, inadapté et globalement inutile.

Le citoyen naïf pouvait souffler. Le vigilant savait déjà qu’il n’était question que de temps avant que ce camouflet infligé pourtant à raison à la législature Macron ne soit recyclé avec conviction : ça n’a pas loupé puisque le gouvernement français, la chaleur de la claque cuisante encore sensible sur ses fesses trop joufflues, vient de pousser le même concept auprès de la Commission européenne. Puisque ça n’a pas marché au niveau français, vite, vite, tentons l’échelon supérieur : comme l’explique La Quadrature du net, voilà que le gouvernement français demande à présent une nouvelle loi européenne pour « contraindre les plateformes à retirer promptement les contenus manifestement illicites » via « des obligations de moyens sous le contrôle d’un régulateur indépendant qui définirait des recommandations contraignantes relatives à ces obligations et sanctionnerait les éventuels manquements ».

Eh oui : le Camp du Bien aime autant la censure que le recyclage…

Recyclage qui s’étend d’ailleurs aux politiciens eux-mêmes : un type ou une péronnelle (pas de sexisme : en politique, les femmes sont aussi incompétentes et destructrices que les hommes) qui s’est fait jeter par les citoyens, qui a accumulé les pires casseroles, qui devrait normalement au mieux terminer clodo sous un pont après avoir ruiné tant de vies en plus des comptes de la nation, ou au pire pendu en place publique vu les crimes perpétrés, eh bien ça se recycle aussi !

Car oui, en politique, on n’est jamais totalement cramé, même après les pires casseroles : Fabius, Juppé, et tant d’autres pourtant condamnés, sévissent encore tant en politique que sur d’obséquieux plateaux médiatiques.

Parfois, il faudra créer de toutes pièces des Commissions, Comité, Hautotorités et postes rutilants qui n’existaient pas (avec par exemple au milieu de tant d’autres, celui d’ambassadeur des Pôles, créé spécialement pour Rocard par Sarkozy et qui aura permis un recasage de l’improbable Ségolène Royal), mais on saura toujours trouver un petit abri pour les temps difficiles.

C’est probablement ce qui s’est passé avec les clowns de LREM qui viennent de créer une nouvelle Commission afin d’y placer des cracheurs de feu d’injonctions gouvernementales, des jongleurs avec des ballons la réalité, des joueurs de pipeau législatif : voilà une excellente occasion d’occuper les bras cassés du consternant parti présidentiel en leur donnant quelques tâches idiotes mobilisant leur créativité de façon moins visible qu’à l’Assemblée.

Ceci permettra peut-être de faire oublier les contre-performances olympiques de Sibeth Ndiaye, bien évidemment embrigadée dans cette grotesquerie, alors que la période de confinement avait surtout permis de mesurer l’invraisemblable étendue de sa nullité…

Au contraire de matières nobles (verre, aluminium, acier, etc.) dont le recyclage permet de valoriser facilement des ressources intéressantes tout en limitant les dépenses énergétiques, le recyclage des textes législatifs foireux et des personnels politiques encore plus foireux comporte de nombreux problèmes : au contraire du recyclage noble, le recyclage politique français ajoute au résultat final des paquets invraisemblables de grosses impuretés crades, coûte bien plus d’énergie à tout le monde qu’un abandon pur et simple (même en rase campagne).

Pire encore, ce recyclage donne un exemple absolument désastreux en montrant que la médiocrité et l’incompétence finissent par payer ce qui, normalement, devrait être l’antithèse d’une gestion correcte.

Le recyclage c’est bien, mais le recyclage politique, ça craint.

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