Si l’on aime le cinéma, on pense à la Ronde de Max Ophuls ou dans un genre plus populaire à l’accélération frénétique du chantage et de l’échange des billets dans « Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas mais… elle cause » de Michel Audiard. La politique française tourne en rond, ce qui est le meilleur moyen de faire du surplace. Lorsque la « droite » tient l’exécutif national, elle perd les élections locales et lorsque la gauche la remplace dans les palais de la République, la « droite » regagne le pouvoir dans les provinces. La composition du Sénat reflète le rapport de forces dans les collectivités territoriales, et son penchant structurel à droite a été récemment amoindri par une retouche électorale étendant le vote proportionnel. Les résultats ont donc été mécaniques. L’opposition nationale est redevenue majoritaire, mais dans le cadre d’une élection qui ne concernait que la moitié des collectivités territoriales, le basculement a été limité. La majorité sera d’une quinzaine de voix. L’élection de deux sénateurs du FN est présentée comme un événement. Là encore, rien de surprenant en raison de la poussée de ce parti aux municipales. On parle de première étape d’une reconquête du pouvoir par la droite, d’un plafond de verre qui s’effondre pour laisser passer la vague bleue marine. L’élection de Gérard Larcher au « Plateau » doit tempérer ces enthousiasmes. D’abord, c’est un retour. Et paradoxalement ce retour en gêne un autre, puisque le compétiteur du vainqueur, l’homme des petites phrases et des politiques plus petites encore, Raffarin, candidat de Sarkozy a été écarté au profit d’un proche de Fillon, mais qui n’entend certainement pas transformer la chambre des « sages » en fer de lance de la reconquête du pouvoir.
Cette compensation du national par le local n’est pas une exception française. C’est le jeu de toutes les grandes démocraties. Ce qui distingue la France, c’est non seulement le cumul des mandats chez les joueurs qui empêche que le jeu soit profitable à d’autres qu’eux-mêmes, mais aussi le fait qu’à chacun des tours, on voit le même scénario se répéter sans que rien de bon n’en sorte pour le pays. La « droite » n’a pas pratiqué les réformes qui s’imposaient de peur de trop perdre les élections qu’elle a néanmoins perdues, et la gauche, plus téméraire est bien obligée de faire preuve de temps en temps de bon sens devant les effets calamiteux de sa politique. Le Sénat de moins en moins peuplé de « sages » et de plus en plus de professionnels de la politique jouera son rôle de frein face à une assemblée proche de l’embardée, mais ne sera pas le cerveau des réformes nécessaires, celles que la « droite » n’a pas eu le courage de faire quand elle était au pouvoir. Parmi celles-ci, la réforme de la seconde chambre devrait figurer en bonne place. C’est en partie sur elle qu’avait chuté le Général de Gaulle en 1969. C’était mon premier vote et mon « oui » était fervent. Qu’il y ait deux chambres élues différemment pour créer un équilibre est sans doute une bonne chose. Que la seconde soit représentative des collectivités mais aussi des réalités économiques et sociales du pays que le Conseil Economique, Social et environnemental représente actuellement serait préférable. Les Français savent-ils que depuis 2008, la « droite » s’est octroyée un sénateur quasi automatique au Sénat en attribuant un siège à Saint-Barthélémy, dont l’élu a été projeté au palais du Luxembourg par… 15 électeurs sur 21 représentant 8400 habitants… Le plus cocasse est que le député, lui est élu pour une circonscription qui comprend aussi Saint-Martin, et donc 46 500 habitants. Il y a évidemment un autre sénateur à Saint-Martin… Quand on aime, on ne compte pas.
Le cinéma de notre politique évoque à nouveau un film, « Le Guépard », et sa célèbre formule : « Si nous voulons que tout reste comme il est, il faut que tout change ». Les Français sont-ils condamnés à voir ce spectacle en séance continue ? Les prochaines élections nationales seront évidemment défavorables à la majorité actuelle. Le plus probable est que la droite et le centre l’emportent, car l’alternative éveillera trop de craintes. Le choix qui se profile est accablant : un ancien Président, et deux anciens Premiers Ministres. Le premier veut rassurer en disant une fois de plus qu’il a changé. Ce sera, paraît-il la version 2007 améliorée, et non celle de 2012. Le second , auquel il faut reconnaître de la dignité et une certaine loyauté, qui deviennent rares en politique, a participé à la plus lourde bourde politique de notre histoire récente, la dissolution de 1997. Le troisième a souvent vu juste, mais il a manqué de courage pour faire. Je cherche vainement un « Thatcher » à droite, et si la gauche a trouvé son « Schröder », on sait déjà qu’il finira comme celui-ci, mais sans avoir eu le temps ni les moyens de faire les réformes du Chancelier Allemand. Certains évoquent la cause principale de la Révolution en constatant l’état de délabrement de nos Finances Publiques et de notre fiscalité. Ce dont la France a un ardent besoin, c’est effectivement d’un homme ou d’une femme capable de faire une vraie révolution, de faire en sorte que les choses changent pour que la ronde infernale cesse.
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