A moins d’un an des présidentielles, Les Français souhaitent que la problématique de la santé soit davantage mise en avant dans les débats. C’est l’un des nombreux enseignements de l’enquête présentée lors du Forum France Santé 2017 qui affiche son « ambition de produire une vision sur la santé et d’inspirer les élus et les décideurs ». Au mois juin, plusieurs tables rondes, réunissant des élus et des professionnels de santé, ont été organisées afin de débattre de pistes d’amélioration du système de santé Français.
L’amélioration de la prise en charge des patients
« Trop souvent la santé apparait comme un sujet qui va de soi, qui transcenderait les clivages politiques. Or, c’est un véritable choix politique, comme celui de l’accès aux soins qui est inscrit au cœur de ma réforme. La généralisation du tiers payant, la lutte contre les déremboursements, résoudre le problème du déficit de la Sécurité sociale sans demande aux patients de dépenser plus sont des mesures qui vont dans ce sens », insiste la ministre Marisol Touraine interrogée sur une question cruciale : « la santé est-elle une priorité pour les politiques ? »
En effet, l’amélioration de la prise en charge des Français est urgente face à une réalité qui est souvent sous-estimée : le renoncement aux soins. L’idée est donc de réduire au maximum l’avance des frais, à l’heure où les inégalités entre les Français ne cessent de se creuser. Pour Jean-François Tripodi, qui dirige Carte Blanche Partenaires, un réseau de soins ouvert parmi les cinq grands réseaux en France, les efforts doivent notamment se concentrer sur la santé visuelle. Ce dernier est intervenu au cours d’une table ronde dont la problématique résume à elle seule les défis auxquels est confronté notre système de santé : comment faire mieux avec autant ? « Nous pouvons travailler beaucoup plus sur la qualité, sur la coordination », plaide le directeur général de Carte Blanche Partenaires. Le réseau de soins ouvert a par exemple lancé une offre permettant d’acquérir des lunettes à des prix maîtrisés au plus juste chez les opticiens partenaires. « Nous répondons ainsi à la demande des complémentaires santé et de leurs adhérents : ne pas dégrader la qualité en allant vers le zéro reste à charge », poursuit Jean-François Tripodi. Ce dernier invite également à mieux orienter les patients, en leur proposant des classements des établissements de santé comme c’est déjà le cas chez Carte Blanche Partenaires.
« Il faut pouvoir juger des performances des établissements et faire en sorte que ces derniers puissent évoluer afin de garantir l’accès à des soins de qualité sur tout le territoire », confirme François Fillon, candidat à la primaire de droite. Il s’agit de mieux diagnostiquer les dysfonctionnements actuels. La situation est notamment préoccupante s’agissant du manque de communication entre la ville et l’hôpital ou entre certains établissements de santé. « Au XXIe siècle nous avons du mal à comprendre pourquoi l’information met parfois plusieurs semaines après la sortie de l’hôpital à arriver au médecin généraliste », interroge le professeur Jean-Louis Touraine, vice-président de la Fédération hospitalière de France. Il s’agit donc de co-construire une démarche de qualité et rendre le système de santé plus efficient. Pour ce faire, de nouveaux services apparaissent grâce aux progrès de la technologie.
Un système préventif grâce au numérique
Le numérique et la e-santé sont en première ligne afin de renforcer notre système de santé. Les Français échangent de plus en plus au sein de plateformes web et des réseaux sociaux dédiés à la santé et les applications mobiles santé et les objets connectés santé se multiplient. Lorsqu’elles sont encadrées par des professionnels, ces solutions permettent de mieux suivre le patient et d’ajuster plus rapidement son accompagnement : on passe d’un système curatif à un système plus préventif. Et au vu de la fragilité du financement de notre système de santé, la prévention est aujourd’hui un enjeu central. Rappelons que les dépenses de santé représentent aujourd’hui 12% du PIB national et que le déficit de la Sécurité sociale a atteint les 12.5 milliards d’euros en 2013. Reste que ces opportunités sont encore peu exploitées et mériteraient un soutien politique plus marqué car s’appuyer sur les nouvelles technologies peut éviter l’arrivée dans la maladie et accélérer la mise en place de nouveaux modes d’accompagnement des patients, estime le Forum France Santé 2017.
« Les Français sont bien plus en avance que les professionnels de santé ne le supposent parfois sur le partage des donnés. Ils n’ont aucune réticence à partager leurs données de santé avec les soignants », souligne Brice Teinturier, directeur général d’Ipsos France qui est intervenu au cours de la table ronde consacrée à la e-santé. « Pour le moment, il n’existe pas de co-construction des solutions. L’attitude des médecins par rapport à l’empowerment des patients reste encore très partagée », estime Yvanie Caillé, présidente de l’association Renaloo et présidente du think tank Coopération Patients. « La santé est encore l’un des derniers domaines où l’on est dans le déni de la prise en compte de l’avis des patients ». Selon Yvanie Caillé, la relation patient-médecin a vocation à évoluer : le patient est invité à (re)devenir actif et un co-acteur responsable dans son parcours de soins aux côtés des professionnels de santé. Il s’agit donc pour les élus et les professionnels de dessiner les contours de ce nouveau système de santé 2.0.
S’inspirer de l’international
Certes, le système français est reconnu comme un des meilleurs au monde, sinon le meilleur. Néanmoins, il ne faudrait pas pêcher par orgueil. Car des solutions innovantes ont été développées dans des pays voisins. Le Forum France Santé 2017 a dressé la liste des expériences qui pourraient être mises en place afin d’améliorer l’efficience mais aussi la soutenabilité financière de notre système de santé. En Allemagne, la création de centre de soins est en passe de devenir la solution afin d’améliorer la prise en charge des patients.
A Hambourg, le docteur Stefanie Howaldt est responsable d’une telle infrastructure qui bénéficie à 4 000 patients à l’année. « L’application des remboursements est complexe en Allemagne. Pour ce faire, il faut intégrer différents services médicaux au sein du même centre afin d’équilibrer les coûts entre les actes inégalement remboursés », justifie le docteur Howaldt. A la clef, plus de souplesse pour les patients qui ont vite intégré ces centres de soins dans leur quotidien. Les exemples se multiplient de Munich jusqu’à Berlin, où l’un des plus grands hôpitaux de la capitale a créé son propre centre vers lequel il renvoie un patient sur trois.
Autre exemple, celui de la Suède et notamment la région de Stockholm qui a fait de la qualité des soins une priorité, et ce sans dépenser plus. Sa démarche met le patient au cœur à l’instar du programme 4D qui intègre la recherche dans celle des soins. « Nous avons abandonné l’ancien système pour élaborer un système basé sur la trajectoire personnelle du patient. Le patient n’est plus un simple patient, il devient le pilote de sa propre santé. Ce dernier devient également un fournisseur d’informations », confie le professeur Martin Ingvar, directeur du département de neuroscience clinique du Karolinska Institutet. L’établissement de santé a notamment mis en place une « biobanque » qui permet aux patients de consulter les résultats des analyses. C’est également un atout pour la recherche scientifique « le patient se soigne tout en faisant progresser la science » explique le docteur Johan Bratt, directeur médical au Karolinska Institutet. Et la Suède a surmonté certains tabous franco-français, puisque le pays mise sur la qualité des soins comme une source de productivité.
De quoi inspirer les élus français à faire bouger les lignes ? Les Français sont plus que prêts à redonner ses lettres de noblesse au système français.
3 Comments
Comments are closed.