Antigua et Barbuda est une des nations les plus prospères des Caraïbes, grâce à son industrie touristique et ses services financiers offshore. Le pays est à la croisée de deux chemins : l’un mène vers le modèle libéral nord-américain, le tourisme, l’activité bancaire ; l’autre s’inspire de l’idéal politique de Simon Bolivar, de Cuba, de la Bolivie et du Venezuela, et encourage l’autonomie des peuples et le développement social.
Christophe Colomb débarque à Antigua et Barbuda en 1493. Les îles sont d’abord espagnoles, françaises puis anglaises. En 1674, Christopher Codrington fonde la première grande plantation de sucre sur l’île d’Antigua, fait venir des esclaves de la côte ouest de l’Afrique. L’esclavage est aboli en 1834. En 1981, Antigua-et-Barbuda devient indépendante, adhère au Commonwealth et à l’Organisation des États de la Caraïbe orientale (OECO). À l’indépendance du pays, en 1981, Vere Bird devient Premier ministre. En 1994, lui succède son fils, Lester Bird. La famille Bird, qui a dominé la politique du pays depuis l’indépendance en 1981 jusqu’à 1994, s’est rendue coupable de nombreuses affaires de corruption et d’abus de pouvoir. En 1990, la famille, sur laquelle pesait beaucoup de soupçons, était directement impliquée dans un scandale d’expédition d’armes israéliennes vers un cartel de la drogue colombien. Vere Bird Jr., le fils aîné, ministre alors chargé de la sécurité nationale, avait dû démissionner du Parlement et du gouvernement. En 2004, Baldwin Spencer réussit l’alternance et met fin au monopole politique des Bird sur l’île. Lester Bird est dans l’opposition.
Au début des années 1990, des escrocs ont utilisé deux banques d’Antigua pour soutirer 60 millions de dollars à des personnes qui cherchaient des prêts à risque. Plusieurs banques russes opérant à Antigua ont été fermées en 1997 et 1998, impliquées dans des activités de blanchiment d’argent.
En avril 1999, le Financial Crimes Enforcement Network (FinCEN), bureau du département du Trésor américain qui collecte et analyse les informations sur le blanchiment d’argent, a placé Antigua-et-Barbuda sur sa « liste noire », à l’instar de son homologue britannique. Les banques d’Antigua-et-Barbuda cessent alors d’accepter des dépôts en espèces et commencent à suivre des règles plus strictes. En 2001, après qu’un groupe de travail international ait constaté qu’Antigua-et-Barbuda coopérait pleinement à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le Royaume-Uni levait son avis défavorable, suivi par le Département du Trésor américain.
Mais, en 2009, le principal investisseur des deux îles, le milliardaire texan Allen Stanford, est poursuivi pour avoir monté, depuis Barbuda, une arnaque de type « Ponzi ». ( cf. Charles Ponzi, concepteur d’un mode d’escroquerie élaboré sur une chaîne d’emprunt, dite « chaîne de Ponzi », dans laquelle les intérêts versés aux épargnants sont prélevés sur les sommes placées par les souscripteurs suivants. Les nouveaux emprunts servent sans cesse à rembourser les emprunts antérieurs.) En l’absence de poursuites locales, aucune enquête officielle n’a été ouverte à Antigua, l’ampleur de l’implication des fonctionnaires du pays reste inconnue.
Enfin, le 3 mars 2013, un journaliste indépendant enquêtant sur une affaire de corruption des membres du gouvernement a été abattu. Le site web de son journal a subi plusieurs cyber-attaques, en juillet 2013. Les éditeurs ont, finalement, dû fuir le pays à cause des menaces perpétrées contre leurs familles et du vandalisme répété de leurs maisons.
Dans le même temps, Antigua-et-Barbuda est membre de l’Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA), depuis 2009. Cette adhésion paraît délicate, au vu de l’implication du pays dans le système touristique et bancaire international. L’Alliance bolivarienne pour les Amériques « Alianza Bolivariana para los Pueblos de Nuestra América, voulue par Hugo Chávez et Fidel Castro, s’oppose fermement à la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), que voudrait imposer Washington. L’Alliance, qui regroupe Cuba, le Venezuela, la Bolivie, le Nicaragua, la Dominique, Antigua-et-Barbuda, l’Équateur, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Sainte-Lucie, Saint-Christophe-et-Niévès et la Grenade, favorisent le secteur public, une compagnie pétrolière, Petrosur, qui s’appuie sur la production vénézuélienne contre les puissantes compagnies anglo-américaines.Tele Sur, la télévision transcontinentale latino-américaine (lancée en 2005 depuis le Venezuela), a clairement pour objectif de concurrencer les chaînes américaines CNN et ABC. L’ALBA a créé le SUCRE (Sistema Único de Compensación REgional), monnaie de substitution au dollar dans les échanges entre États « bolivariens », la monnaie est nommée en l’honneur du général Antonio José de Sucre, compagnon de Simon Bolivar et héros de la lutte de libération sud-américaine contre l’impérialisme, alors espagnol. Le SUCRE a, bien sûr, pour but de réduire la dépendance des États au dollar.
Les États bolivariens réclament la fin du blocus économique, commercial et financier, contre Cuba, la fin des sanctions contre la république bolivarienne du Venezuela, l’indépendance de Porto Rico, soutiennent le veto russe et chinois contre à la résolution de l’ONU contre le gouvernement de Bachar Al-Assad et condamnent la politique systématique d’ingérence et de déstabilisation menée par l’Occident. ALBA avait, notamment, lancé l’opération « Miracle », qui avait permis à plus de deux millions de pauvres d’Amérique latine, et du reste du monde, de retrouver la vue gratuitement. L’ancien sous-officier bolivien à la retraite, Mario Terán, qui avait exécuté Che Guevara, en avait bénéficié. Selon Fernand Rojas, vice-ministre cubain de la Culture, le programme de l’ALBA privilégie les valeurs « spirituelles » plutôt que l’appât du gain. L’avenir dira quelle option sera retenue par Antigua-et-Barbuda.
William Kergroach anime un blog.