Lettre ouverte à Dominique Venner

Monsieur,

Si vous aviez choisi de vous suicider chez vous, dans vos toilettes ou dans votre cave, je n’aurais pas eu à vous écrire cette lettre, car je n’aurais, somme toute, pas grand-chose à dire de votre acte. Mais vous avez fait le choix de vous donner en spectacle à Paris, dans la cathédrale la plus admirée de France, et de vous y donner la mort en signe de protestation politique, selon la lettre que vous avez laissée. C’est bien parce que votre acte est un geste politique et non personnel que je me vois incité à réagir.

De par le battage médiatique soulevé par votre acte, vous avez déjà gagné la bataille de l’image et du bruit. Votre nom et votre pensée sont maintenant connus de tous. Vous avez habilement su manipuler les singes journalistes, et cela a fonctionné à merveille. Votre éditeur se frotte les mains, puisque vous lui avez permis de réaliser une publicité événementielle exceptionnelle pour votre dernier livre en préparation. En effet, il déclare que votre acte revêt « une puissance symbolique extrêmement forte » qui vous rapprocherait d’un grand auteur japonais ayant lui aussi mis volontairement fin à ses jours. Peut-il y avoir quelque chose de plus fort comme acte publicitaire et situationniste qu’un suicide minutieusement préparé ?

Pour moi, sachez-le, vous n’êtes ni un brave, ni un samouraï, ni un résistant, ni un guerrier. Vous êtes un terroriste intellectuel, tout comme Anders Breivik le fut lorsqu’il assassina froidement 77 personnes en Norvège voici bientôt deux ans, faisant ainsi la promotion de son manifeste identitaire de plus de 1500 pages. En effet, je prends votre acte au sérieux et non à la légère comme le font ceux qui ne voient sous votre geste qu’un acte de désespoir personnel. Vous êtes un terroriste intellectuel parce que vous imposez au monde la violence de votre acte et en vous donnant la mort, vous empêchez que l’on puisse vous répondre. C’est par l’éclat du sang et la frayeur que provoque une mort violente que vous diffusez vos idées.

Vous n’avez certes entraîné dans la mort personne d’autre que vous-même, mais c’est là tout le paradoxe. Un meurtrier peut être jugé, peut être puni pour réparer, même symboliquement, ses actes. Mais un suicidé, non. Qu’attendent les familles de victimes de la part d’un meurtrier ? Pourquoi viennent-elles assister au procès ? Pour tenter de comprendre ce qui a motivé l’acte qui a retiré la vie de l’un de leurs proches, pour savoir si le remords peut naître dans son cœur, pour demander justice, et enfin pour savoir si un pardon sera possible, afin de faire le deuil du drame qui les afflige.

Face au suicide, comment comprendre, comment obtenir réparation, comment pouvoir un jour poser un pardon ? Toute mort violente crie vengeance. Qui vengera la vôtre ?

Je n’ai pas peur de l’abîme qui nous sépare, et c’est pourquoi j’ose m’adresser à vous qui avez fait le crime de vous assassiner vous-même. Votre acte m’a mis en colère, car il est contraire à toutes les valeurs que je défends en me battant notamment contre l’effondrement de notre civilisation à travers la loi Taubira (instaurant le mariage pour les personnes de même sexe). Je défends la vie, sa beauté, son audace, sa force et sa fragilité. Par votre acte, vous encouragez la violence, la colère et la haine. Voilà pourquoi, par cette lettre, j’exorcise la colère que vous avez provoquée en moi afin peut-être d’arriver à vous remercier.

En effet, à la suite de votre acte, de nombreuses personnes se sont mises à vous encenser, vous voir comme un résistant, un héros, un chevalier ou je ne sais quelles sornettes encore. Les mots de « courage », de « respect », de « puissance d’exister » semblaient être sur presque toutes les lèvres. Votre acte m’a permis de voir que toutes ces personnes – militantes comme moi contre cette loi dite du « mariage pour tous » – étaient bien loin de partager mes valeurs. Certains parlent d’honneur et citent en référence le capitaine qui se laisse couler avec son bateau ou encore le japonais bien en vu, qui, face à l’échec se fait seppuku. Je ne vois là aucun honneur, seulement un orgueil tout-puissant et une blessure narcissique que l’on n’a pas le courage d’avouer.

Tous ces gens qui vous admirent sont finalement des partisans de cette vieille droite nationaliste païenne, sans espérance, idolâtre de sa propre violence et engloutie sous les torrents d’une idéologie poisseuse digne d’un surhomme décadent à la sauce wagnérienne. Je vous remercie donc de m’avoir permis d’ouvrir les yeux sur ce qu’étaient véritablement ces partenaires éphémères de combat.

En parlant de Notre-Dame, vous avez évoqué le fait qu’elle fut bâtie sur d’anciens lieux de culte païens, et vous avez ainsi donné à votre suicide une notion de sacrifice. J’accepte cette idée, mais pas comme vous le pensez. En enfonçant librement le canon dans votre bouche, vous vous êtes séparés de votre plus grand bien : la capacité de choisir la vie. Le seul sacrifice que vous avez opéré est celui de votre intelligence. Ainsi, vous n’êtes pas mort en maître d’armes, vous, le passionné des fusils et des revolvers, vous êtes mort en esclave : l’outil aura eu raison de son maître, car le maître a renoncé à gouverner sa vie.

Toute votre vie, vous avez voulu, paraît-il, défendre la civilisation européenne, son héritage et sa culture. Votre dernier acte balaie d’un revers de main tous ces efforts.

Défendre notre civilisation, c’est refuser de s’enfermer dans le désespoir, c’est se tenir debout au milieu d’un monde qui s’effondre, c’est protéger les germes de vie comme autant de miracles à éclore, c’est faire preuve de créativité devant la banalité du monde, c’est montrer de l’audace quand tout le monde baisse les bras, c’est renoncer à la grandeur des siècles passées pour bâtir un présent dont la splendeur n’a pas d’égal, c’est enfin rester auprès de sa femme, de ses enfants, de ses proches et de son peuple quand le jour du combat approche et qu’il nous faut nous montrer solidaires et vaillants, ce n’est pas abandonner les siens dans le bruit et la fureur.

Voilà pourquoi je prends la plume pour vous dire combien votre acte me répugne.

Je vous prie de recevoir, Monsieur, l’expression de mes sentiments écœurés les plus sincères.

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234 Comments

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  • Bruno , 8 juin 2013 @ 9 h 34 min

    Voilà maintenant qu’il nous copie-colle un vieux discours de Jean-Marie Le Pen, totalement HS par rapport au sujet du fil.
    Et pour ta gouverne, le Mont Saint-Michel était historiquement un ancien lieu de culte païen…

  • Bruno , 8 juin 2013 @ 9 h 48 min

    Surtout que le geste de Venner a déjà eu le mérite de mettre en évidence les “ennemis de l’intérieur”.En se livrant à un véritable “bashing” internétique contre DV pratiqué depuis plusieurs jour maintenant par ces “cathochymes”, contre une figure incontestable et incontestée de la Résistance européenne, ils se mettent de fait du côté des ennemis de l’Europe, et des Européens chose que l’Église a toujours fait…

    Mieux vaut être “vénnerien” qu’avoir le “SIDO”…

  • Louis A. F. G. von Wetzler , 8 juin 2013 @ 10 h 10 min

    Par Jean d’Ormesson, de l’académie française

    Devant un jardin où l’eau des fontaines coule entre des statues du XVIIIe et des parterres de buis bien taillés, vous dites : “C’est très français.” Devant un gâchis invraisemblable où personne ne comprend plus rien, vous dites : “C’est très français.” Devant une action d’éclat au panache inutile, vous dites : “C’est très français.” Devant une opération de séduction menée tambour battant avec un mélange de grâce, de drôlerie et de distance, vous dites : “C’est très français.” Pascal est très français et Cyrano est très français. Montaigne est très français et Pasteur est très français. Descartes est très français et Musset est très français. De Jeanne d’Arc à nos rois légitimes, de Napoleon à de Gaulle, nous nous y connaissons en héroïsme. Et quoi de plus français que l’ironie et la légèreté qui appartiennent de tout temps à la légende de Paris ? Être français, c’est aimer la tradition chretienne, et aussi les philosphes. Être français est d’abord une contradiction.

    Autour de nous, l’Angleterre, c’est la mer. La Russie, c’est la terre. Le génie allemand se déploie dans les légendes du Nord. L’Italie et l’Espagne incarnent la séduction du Sud. Être français, c’est être écartelé entre le Nord et le Sud, entre le rêve et la réalité, entre la mer et la terre, entre la Meuse chère à Péguy et la langue d’oc de Mistral. La France est une diversité – poussée trop souvent jusqu’à la division. Il y a des pays et des cultures qui sont des pléonasmes. La France est un oxymore. Elle aime rassembler les contraires.

    Un Anglais n’a pas de doute : il sait qu’il est anglais. Un Allemand n’hésite pas : il s’efforce d’être allemand. Les Français s’interrogent sans cesse : “Qu’est-ce qu’être français ?” C’est qu’il y a au coeur de la France quelque chose qui la dépasse. Elle n’est pas seulement une contradiction et une diversité. Elle regarde aussi sans cesse par-dessus son épaule. Vers les autres. Vers le monde autour d’elle. Plus qu’aucune nation au monde, la France est hantée par une aspiration à l’universel. Avec une ombre peut-être de paternalisme extérieur, Malraux assurait que la France n’était jamais autant la France qu’en s’adressant aux autres nations. Witold Gombrowicz va plus loin : “Être français, c’est précisément prendre en considération autre chose que la France.”

    C’est une tâche difficile de vouloir rester soi-même tout en essayant de s’ouvrir aux autres. Français, encore un effort pour être un peu plus que français et pour faire de la France ce qu’elle a toujours rêvé d’être sous des masques différents : un modèle d’humanité et de diversité. Ces malins de Français ont même donné un nom à ce mélange explosif : ils l’ont appelé fraternité.

  • Louis A. F. G. von Wetzler , 8 juin 2013 @ 11 h 18 min

    France Catholique

    “Dans le sillage de notre dernière manifestation, se pose la question de son développement. Et deux voies s’offrent à nous. Le témoignage d’une loi plus haute gravée dans la conscience humaine, annonce l’avenir possible, celui d’une société basée sur des fondements anthropologiques inaliénables, où la famille constitue le socle de la société. L’attitude prophétique nous nourrit d’espérance dans un combat qui durera trente ans ou plus, un combat pour l’homme, pour la beauté et la vérité de l’amour humain et divine dans toutes ses dimensions.

    La lutte politique réalise la vérité prophétique par de « petits mieux », possibles dans les circonstances présentes. Elle nous offre au quotidien de marquer des points, étape après étape. Elle aussi nourrit l’espérance car elle nous fait remporter des petites victoires qui nous empêchent de nous enliser dans une contestation absolue et permanente ou un désespoir hautain.

    La politique se fait avec le réel, le possible, avec cette société, ici et maintenant, avec les pesanteurs, les aveuglements et les déficiences de nos contemporains, de nos adversaires, mais aussi les nôtres. Devenir politique, c’est faire avec la pâte humaine telle qu’elle est.

    Une bonne politique se réalise par des progrès possibles. La prudence, l’art du discernement dans l’action, est la vertu cardinale de l’homme public. Elle lui permet de mesurer les chances de succès et d’adapter sa stratégie. Il sait que pour obtenir un gain, il n’est pas nécessaire de remporter une victoire complète. Nous rêvions si nous pensions à la victoire immédiate, complète et définitive.

    La vérité prophétique n’a que faire de la prudence, car elle tire de la vérité qu’elle contemple sa pureté toute entière. Les prophètes nous rappellent à ce qui doit être. Ils sont hors du monde pour mieux le penser et avertir ceux qui l’affrontent. Nos principes nous donnent un cap. Sans eux, notre politique deviendrait politicienne. Nous n’avancerons plus vers le but, mais nous piétinerons. Les jeux d’alliance altéreront les volontés, les combinaisons empoisonneront les consciences.

    L’union entre prophétie et politique fera notre force ; désunis, nous ne pensons plus, ni ne pesons rien ; or il s’agit de penser puis de peser, de rentrer dans la chair de cette société et la transformer comme le levain dans la pâte. La politique peut s’égarer dans le marais des arrangements tactiques, et des choix stratégiques successifs mais la prophétie demeure stérile si elle échoue à s’incarner.

    La protestation silencieuse est belle, elle est même magnifique […] Le cri dans le désert est de toute beauté, mais il est vain si Jean-Baptiste renonce à baptiser les pécheurs.

    Oui, la protestation silencieuse est belle, elle est même magnifique. Chaque groupe de veilleurs forme un tableau merveilleux ; levier pour éveiller les consciences. Ces tableaux peuvent rester des natures mortes. Le cri dans le désert est de toute beauté, mais il est vain si Jean-Baptiste renonce à baptiser les pécheurs. La protestation immuable et silencieuse n’est pas une fin en soi. Elle ne peut être que le premier temps de notre action.

    Notre but n’est pas le rappel à la règle, ni même le témoignage nu en faveur de la vérité mais il est de faire que la société soit fondée sur la justice. Nous sommes attachés à la cohérence de nos principes chretiennes, mais d’abord à celle de la société où nous vivons et où nos enfants devront vivre.

    La lutte sera acharnée pour qu’aux droits de l’Homme et de l’enfant, soit enfin ajoutée la nature inaliénable de l’homme éternel. Voilà la vraie finalité, au-delà du débat sur la loi Taubira. Pour cela, nous négocierons pied à pied, pour obtenir, chaque année, chaque mois, une concession, un avantage, un mieux possible pour faire reculer la culture de mort.

    Dénoncer, protester ne sauraient suffire. Soyons conquérants !”

  • Marie Genko , 8 juin 2013 @ 11 h 38 min

    @Louis v. Wetzler,

    Merci pour vos magnifiques témoignages!
    Merci pour votre amour pour la France.

    J’espère que l’Eglise catholique reconnaîtra, comme l’a fait l’Eglise orthodoxe en Russie, le martyr du dernier roi de France, de sa famille et de tous les prêtres et Français de Vendée et d’ailleurs, qui ont été lâchement assassinés au nom de la Déesse Raison
    Le Christ nous a demandé de prier pour nos ennemis.
    Nous devons donc aimer et respecter aussi ceux qui ne partagent pas notre foi chrétienne.
    A la condition toutefois qu’ils soient eux-mêmes respectables….
    Ayez la bonté de ne pas me remercier pour mes messages.
    Il me semble que nous devons tous nous astreindre à rester aussi impersonnels que possible.

  • Louis A. F. G. von Wetzler , 8 juin 2013 @ 11 h 53 min

    Merci mille fois chère madame, à propos, je sais que la cause de béatification de SAR Mme Élisabeth de France, la soeur matyre du Roi, marche bien. Le Pape Benoît XVI comme Jean Paul II ont admiré a cette merveilleuse princesse qui a donné sa vie pour le Christ, pour la France et le bon peuple. Je vous remercie profondement pour vos mots, pleins de gentillese et d’une bonté naturelle. Je suis sure que Notre Dame de l’Inmaculé Conception, de la Medaille Miraculeuse, comme Sainte Jeanne d’Arc, Sainte Thérèse de Liseux et le Roi Saint Louis IX, comme aussi, Saint Louis de Toulouse tous protegeront la France des forces du mal, bon courage chère madame, et je vous souhaite tout le bonheur, baisemain, Louis von Wetzler

  • mariedefrance , 8 juin 2013 @ 12 h 42 min

    Pardonnez moi…. et de suite, je dois dire que je ne suis pas une spécialiste.

    Il y a beaucoup d’autres femmes qui ont “donné leur vie au Christ”.
    Elles n’étaient pas parentes de monarques.

    Pourquoi tant relever les bienfaits d’une princesse ou d’une reine plutôt qu’une
    pauvre jeune fille rentrée trop tôt au couvent sans rien avoir connu de la vie ?
    merci.

    Je prendrai la réponse que vous me ferez puis repartirai dans les méandres de
    ce blog ma foi bien tolérant.
    Ce n’est pas le cas partout.

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