Tribune libre de Pierre-François Ghisoni*
Cet article est dédié au groupe de jeunes gens et jeunes filles qui, depuis plusieurs jours, se réunissent au jardin du Luxembourg, près de la face sud du palais de nos sénateurs.
Ils manifestent (au sens intellectuel) leur attachement au mariage non dénaturé, ou, si l’on préfère, leur opposition au projet de loi dit « Taubira ».
Ils sont polis, facétieux, intelligents. Ils ont des regards clairs, des discours astucieux, ils savent ce qu’ils veulent, et ce qu’ils ne veulent pas. Ils font plaisir à voir, ils donnent de l’espoir. Ils sont là.
Ils n’organisent pas de trouble à l’ordre public, ils sont assis ou debout pendant des heures, vont et viennent. Ils sont là… et ils gênent.
Qui gênent-ils ? Certains gardes du jardin manifestement désireux de prendre du galon, ou simplement opposants frustrés devant cette assemblée.
Ainsi, j’ai vu l’un de ces jeunes gens rabroué et obligé de ne pas dérouler le drapeau français qu’il avait apporté. Ah ! Mais ! Quelle sédition !
J’ai vu, à plusieurs reprises, les mêmes gardes menacer de verbaliser les horribles trublions qui portaient un tee-shirt ou autre vêtement marqué d’un logo silhouetté d’adultes et d’enfants. « C’est une manifestation politique. C’est interdit. »
Il y a même un PV établi pour « organisation d’une manifestation ludique dans le jardin du Luxembourg sans autorisation spéciale… Rapport fourni » Il est précisé « piéton » cas n° A.
Attention aux vêtements que vous portez en courant dans le jardin !
Tout cela est-il sérieux ? Oui et non. Non si l’on s’en tient aux désagréments mineurs, tons désagréables de certains gardes, discussions parfois animées sans que jamais je n’aie personnellement entendu d’insultes ou autres offenses.
Oui si l’on comprend que l’apparition des fameux tee-shirts déclenche l’apparition des hommes en bleu. Et quand un garçon évoque le passage à proximité d’un tee-shirt « Che Guevara », il paraît que « ce n’est pas politique, parce qu’il est mort. » Fermez le ban !
Oui si l’on remarque que certains de ces gardiens sont beaucoup plus tolérants que d’autres, plus compréhensifs. Ils manifestent (eux aussi) qu’ils sont là pour transmettre une information, sans sortir de leur rôle de garant de la sécurité. Contrairement à d’autres qui, manifestement (encore) souhaiteraient plus d’action. Tel celui qui a voulu me prendre mon appareil photo et à qui je ne l’ai pas laissé. Il a d’ailleurs été sèchement rappelé à l’ordre par un « civil » : « Ne le touchez pas !
Oui si l’on entend qu’un autre est verbalisé pour avoir marché sur du gazon (je ne crois pas qu’il l’aie fait) et je tiens la photo du dit gazon à disposition pour prouver sa bonne qualité.)
Mais encore, tout cela est de peu d’importance.
L’important, ce sont ces jeunes gens et jeunes filles. Ils s’ouvrent à la vie de citoyens responsables. Ils donnent vraiment envie d’être leur grand-père. Je continuerai à écrire pour eux. Pour leur donner les armes du combat intellectuel. Et je réserve une bonne poignée de mains aux gardiens compréhensifs.
PS : Ma dernière lettre ouverte aux forces de l’ordre est maintenant jointe au rapport établi pour la directrice de sécurité de la questure du Sénat, présente sur les lieux. Je la remercie de l’avoir prise au sérieux et d’en faire une pièce officielle.
*Pierre-François Ghisoni (blog) est écrivain et éditeur.
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