Christophe Machard, vous êtes chef d’entreprise, membre élu de la CGPME 95 et élu au bureau de la chambre de commerce du Val d’Oise. Comment réagissez vous au projet de loi El Khomri ?
Comme d’habitude, cette loi, si elle était votée, compliquerait encore la vie des PME. Les avancées potentielles ne seront pour elles qu’un rêve inaccessible. La modulation annuelle du temps de travail, l’allongement de la durée maximale du temps de travail hebdomadaire passeront par des accords signés avec les syndicats, absents de la quasi-totalité des PME. J’y vois même le risque, à terme, que l’on nous impose une représentation syndicale dans nos entreprises ! Un comble, quand on sait que ces syndicats ne vivent que de subventions publiques et représentent au total moins de 10% des salariés!
Vous tapez sur les syndicats de salariés, mais les syndicats patronaux, comme la CGPME où vous êtes élu, ne sont guère plus représentatifs…
Que ce soit pour les syndicats de salariés ou d’employeurs, je suis clairement contre tout financement direct de l’état aux syndicats. Par contre que les dons aux syndicats soient défiscalisé. Ainsi ce sont les militants, et non l’état, qui donneront ou non la légitimité.
Vous ne voyez donc aucune avancée dans la loi El Khomri, pas même le plafonnement des indemnités aux prud’hommes ?
Si, bien sûr, cela va dans le bon sens et il est salutaire de poser enfin la question du coût des licenciements pour les entreprises en difficulté. Cela étant, même sur ce point, il fait être prudent. Vous me direz que j’ai l’esprit mal placé, mais, comme dit le proverbe, « chat échaudé craint l’eau froide », et, en matière de coups tordus portés aux entreprises, nous avons une certaine expérience… Le risque, mais peut-être le législateur nous rassurera-t-il, c’est de voir ces plafonds devenir la norme. Et à chaque licenciement, les salariés essaieront d’obtenir ce plafond qui sera perçu comme un droit.
“C’est le travail, la commande, qui crée de l’emploi, pas la réglementation.”
Mais quel est le problème. Les plafonds ne sont pas si élevés ?
Le problème, c’est que nos entreprises n’ont pas assez de trésorerie, notamment en période difficile. Or, quand un chef d’entreprise décide de licencier, c’est que c’est un besoin vital pour son entreprise. Si le licenciement coûte 12 mois de salaire par exemple, cela porte un coup fatal à sa trésorerie. Je vais vous donner un exemple simple : un de mes amis avait 30 salariés, tous relativement anciens dans l’entreprise et spécialisés dans leur travail. Mais, avec l’arrivée des travailleurs détachés, il a subi une concurrence déloyale (les grands groupes sous-traitant à bas coûts à des entreprises recourant aux travailleurs détachés). Il a donc dû faire face et a souhaité licencier. Mais, comme son entreprise allait relativement bien (6 mois de trésorerie), on lui a refusé le licenciement économique. Il a donc licencié hors du cadre du licenciement économique. Mais cela prend du temps et coûte de l’argent. Pendant ce temps-là, son carnet de commandes baissait toujours et, un an après, il déposait son bilan….
Alors que proposez vous ?
Reprenons mon exemple, si on avait laissé ce chef d’entreprise libre de licencier, il aurait sauvé une dizaine d’emplois et gardé un savoir-faire en France. Rappelons aussi que c’est le travail, la commande, qui crée de l’emploi, pas la réglementation.
Partant de ces deux constats, je propose des mesures simples :
Une vraie avancée serait pour moi un contrat libre entre salarié et employeur. Ce contrat définirait les conditions de sortie. Le licenciement, prévu dans le contrat, sera nécessairement simplifié !
Il faudrait aussi que les accords d’entreprise soient votés entre les salariés et les employeurs. Les syndicats n’ont rien à faire là-dedans. Cet accord serait supérieur aux accords de branche. C’est le principe de la subsidiarité.
Mais, on voit bien aussi qu’une des priorités pour les PME, c’est de leur permettre d’avoir de la trésorerie. Pour cela, en plus d’imposer aux banques de faire leur travail, je propose de défiscaliser les bénéfices laissés dans l’entreprises. Nous ne devrions payer l’impôt sur les bénéfices que sur le bénéfice réellement sorti de l’entreprise.
Il faut aussi que nos entreprises ne subissent pas de concurrence déloyale, ce qui implique d’arrêter avec les travailleurs détachés et donc de renégocier avec l’UE. Seul un gouvernement souverain au service des Français pourrait le faire.
Il faut aussi baisser le coût du travail et ne pas faire supporter au seul travail le coût social de notre société. Baissons les charges sociales et reportons-les sur le produit final: c’était l’idée de la TVA sociale. Ainsi les produits fabriqués en France seraient sur un pied d’égalité avec les produits importés des pays pratiquant le dumping social.
Je remarque aussi qu’on parle beaucoup de patriotisme économique, mais qu’on le pratique assez peu, particulièrement dans les grands groupes. Quand je vois que le siège d’ADP à Roissy est construit par une entreprise de bâtiment étrangère, cela me pose question.
Il faut également encourager nos PME à l’export: trop peu de nos entreprises s’aventurent à l’international. C’est dû en parti à leur taille, mais aussi à leur manque de trésorerie.
Les grands groupes, au lieu de prendre les sous-traitants comme des variables d’ajustement de leurs marges, feraient mieux de s’inspirer de leurs collègues allemands qui, eux, travaillent avec des PME partenaires.
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