En 2012, faisant la leçon à Sarkozy, François Hollande proclamait qu’être président, ce n’était pas recevoir les dictateurs en grand apparat… Avec lui, jamais la France n’a plus justement revendiqué d’être la patrie universelle des droits de l’Homme. Son Président, avec un courage qui tient de ce que l’une de ses ex-compagnes aurait appelé la « bravitude », a évoqué la question du droit des personnes avec le dictateur cubain pour qui l’on avait déroulé avec ostentation le tapis rouge. Sa couleur soulignait pour une fois l’honneur qu’on lui réservait et non la couleur politique de sa dictature, ni le sang versé par les opposants. La gauche française qui a toujours tendance à croire que la Révolution a commencé en 1793 ne réprime qu’avec difficulté l’élan de sympathie qui la pousse l’oeil brillant et les bras ouverts vers ce que le Livre Noir du Communisme appelait à juste titre l’interminable totalitarisme tropical. On gage que l’allusion à la liberté d’expression durant la conversation entre présidents fut courtoise et succincte.
Pour la gauche française au pouvoir, il y a trois sortes de dictatures. Celles de droite sont ignobles et infréquentables même lorsqu’elles restaurent l’économie d’un pays. Celles de gauche inspirent la sympathie pour leur sens du progrès même quand elles précipitent un peuple dans la misère et l’y maintiennent. Leur difficulté avec la liberté n’est qu’un tragique accident de l’histoire provoqué par la hargne et la perfidie des réactionnaires locaux. Pinochet, no ! Castro, Si ! Le fait que l’un ait rétabli la démocratie après un référendum dans un pays à l’économie relancée alors que l’autre ou son frère sévissent toujours dans leur île de pauvreté ne gêne nullement les admirateurs et sympathisants de Cuba et néanmoins socialistes français. On les comprend : en France, au bout de quelques années de mauvaise gouvernance, le peuple les congédie.
La troisième catégorie est celle des régimes autoritaires riches. Il y a pour eux des accommodements raisonnables. Le Roi d’Arabie Saoudite qui bombarde les Yémenites, comme son adversaire chiite, le Président Iranien, dont le pays retrouve sa fortune, sont éminemment fréquentables. Leur concours dans la mise en oeuvre des peines capitales ne nous regarde pas. La différence entre la deuxième catégorie et la troisième est simple. A la troisième, on fait les yeux doux pour vendre. A la seconde, avec une générosité portée par la sympathie idéologique, on remet la dette et on promet une aide à l’investissement local. Lors de la visite de François Hollande à La Havane, on avait pu voir le regard enthousiaste de Mme Taubira accompagné d’un rayonnant sourire à destination du dictateur cubain. Entre militants des droits de l’homme et de la liberté, le courant passe !
Ce clivage subit depuis quelque temps une évolution. Selon François Hollande, la guerre froide est finie. C’est vrai depuis longtemps et beaucoup des dictatures de droite qui résistaient au communisme, notamment en Amérique latine, ont disparu, tandis que les satellites de l’URSS s’effondraient. Mais la dictature cubaine s’est maintenue. Le Castro qui visite Paris est celui qui tenait le ministère de la défense, réactiva les tribunaux militaires et fit du poteau d’exécution un outil judiciaire permanent. Plus de 100 000 Cubains ont connu les camps, 17 000 ont été fusillés, 20% des Cubains ont voté avec leurs rames et choisi l’exil. C’est peut-être l’un d’eux qui sera le prochain président républicain des Etats-Unis. Mais le pouvoir responsable de cette tragédie est celui qui a eu droit à l’accueil chaleureux de politiciens et de « cultureux » qui ont ainsi révélé la place respective de la liberté et de l’idéologie dans leurs postures et leurs signatures. Jacobo Machover, l’auteur de « Cuba, une Utopie cauchemardesque » avait dénoncé la complaisance complice de nombre d’intellectuels français à l’égard du régime castriste. Il vient de fustiger la légitimation de Raul Castro qui est la légitimation de la répression.
En réalité, les Etats-Unis d’Obama ont rallumé la guerre froide contre la Russie. François Hollande adopte dans cette nouvelle configuration l’attitude du suiveur docile au point de vouloir aller plus loin que son maître. Il voulait bombarder Assad, il veut maintenant faire avancer la fin de l’embargo que réclame le Président Américain. Il y a donc toujours les bons et les mauvais régimes autoritaires suivant le regard que Washington porte sur eux. La gauche politique et médiatique peut donner libre cours à son tropisme castriste puisque les progressistes américains draguent désormais Cuba. On remet sa dette à Cuba tandis qu’on fait subir aux paysans français les conséquences des sanctions injustifiées imposées par les Etats-Unis à la Russie de Poutine. Plus que jamais, c’est le cas de le dire, le microcosme politico-médiatique français est hors-sol. Le Prix Nobel de littérature péruvien Mario Vargas Losa avait eu la clairvoyance et le courage de condamner le régime cubain. C’est lui aussi qui dénonçait « la Civilisation du spectacle » et la frivolité des politiques. La mise en scène brillante mais incohérente de notre politique par ceux qui nous dirigent ne lui donne que trop raison.
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